Valeurs bancaires : les marchés recommencent à voir le verre à moitié vide

La correction des derniers jours n’a fait qu’effacer les gains du secteur bancaire européen depuis le début de l’année. Mais la thèse d’investissement basée sur les bénéfices des hausses de taux et l’absence de récession en 2023 ne tient plus à court terme.
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Les actions bancaires ont effacé leurs gains en 2023  -  Crédit Fotolia

Fantôme de la crise de 2008, panique des déposants… Les valeurs bancaires plongent avec la faillite de Silicon Valley Bank (SVB) aux Etats-Unis et les difficultés de Credit Suisse, qui a annoncé jeudi demander 50 milliards de francs de liquidités d’urgence à la Banque nationale suisse. Le soutien des autorités monétaires a permis ce 16 mars de stabiliser les cours, mais l’indice Euro Stoxx des 50 premières banques de la zone euro dégringole de 16% en six séances. Alors, nouvelle crise bancaire ou simples prises de bénéfices ?

Pour l’heure, les actions bancaires européennes n’ont fait qu’effacer leurs gains depuis le début de l’année. Sur cinq mois, elles continuent d’afficher une hausse enviable de 23%, et postulaient au titre de secteur le plus performant de la cote jusqu’à la chute de Silicon Valley Bank le 8 mars. Certains ont su en profiter, comme l’Etat belge, qui a vendu 2,7% du capital de BNP Paribas le 1er mars à près de 65 euros par titre, alors que l’action de la banque française ne vaut plus que 52 euros.

Cette lune de miel boursière reflétait le pari que les Etats-Unis et la zone euro échapperaient à la récession malgré la violence du resserrement monétaire en cours. Un scénario rêvé pour les établissements de crédit. Ils pouvaient espérer prêter avec des marges accrues, sans craindre le rebond des défauts de paiement qui accompagnent la contraction de l’économie. «Ces derniers mois, les marchés n’ont voulu retenir que le positif, confie un banquier français. Oui, des taux d’intérêt élevés sont plus favorables aux prêteurs, mais passer aussi vite de zéro à 3% ou 4% ne se fait pas sans turbulences.»

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Dépôts plus chers

Les investisseurs voient désormais le verre des hausses de taux à moitié vide. Les cas SVB et Credit Suisse remettent un coup de projecteur sur la solvabilité et la liquidité des banques – même si, en Europe, les grands établissements sont jugés assez capitalisés et peuvent bénéficier du filet de sécurité de la banque centrale. Surtout, leur capacité à dégager des bénéfices risque de s’en trouver affectée. D’autant que la probabilité d’une récession courant 2023 augmente, si l’on en croit l’inversion persistante de la courbe des taux d’intérêt.

«Certaines banques vont devoir mieux rémunérer les dépôts pour réduire le risque de retraits, et sur les marchés, leurs coûts de financement pourraient aussi augmenter, explique Mark Haefele, le responsable des investissements de la gestion de fortune chez UBS. Elles pourraient aussi être plus réticentes à accorder de nouveaux prêts afin d’améliorer leur liquidité, tandis que la dégradation des perspectives économiques les obligera à provisionner davantage le risque de pertes futures». Autant de coups de canif dans les profits à venir.

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Rotation sectorielle

Le groupe suisse conseille ainsi à ses clients de s’alléger sur les valeurs bancaires en Bourse. Tout comme la banque française Oddo BHF. «Les risques sont pour nous asymétriques. Le secteur a peu de chances de ‘re-rater’ fortement. Même si le cas de SVB ne peut être généralisé à toutes les banques, les moins-values latentes sur les portefeuilles d’investissement fixed income sont un vrai sujet pour le secteur bancaire partout dans le monde» relève Thomas Zlowodzki, responsable de la stratégie actions chez Oddo BHF.

Lors de la conférence de presse de la Banque centrale européenne jeudi après-midi, le vice-président Luis de Guindos a cherché à relativiser ces risques pour les bilans. La hausse des profits due à l’amélioration des marges «fait plus que compenser» la perte de valeur des portefeuilles obligataires.

«Le risque d’une perte de confiance, d’augmentation des spreads de crédit des banques, et la spirale négative que cela induirait, est trop importante en magnitude, pas forcément en probabilité, pour ne pas prendre nos profits», estime Thomas Zlowodzki. Lorsqu’il y a plus à perdre qu’à gagner, le choix des marchés est vite fait.

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