Thierry Léger solde l’héritage de Denis Kessler chez Scor

Le nouveau patron du réassureur a présenté son plan stratégique à horizon 2026. Il met l’accent sur la création de valeur économique pour doper le retour aux actionnaires, alors que le cours de Bourse est toujours à la peine depuis la crise du Covid.
SCOR Thierry_Léger, le directeur général du réassureur Scor
Thierry Léger, le directeur général du réassureur Scor  -  Photo Scor

Bien sûr, il ne va pas partir d’une feuille blanche. «Scor est une belle marque, très appréciée des clients, des courtiers et de ses partenaires», a salué Thierry Léger devant les investisseurs et les analystes. Le directeur général du réassureur, qui a pris les commandes en janvier quelques mois avant le décès de son emblématique patron, Denis Kessler, a présenté ce jeudi un plan stratégique très attendu – et plusieurs fois repoussé par son prédécesseur, Laurent Rousseau.

L’ancien souscripteur, transfuge de Swiss Re, ne va pas renverser la table. Il va capitaliser sur les forces de Scor : la diversification de son modèle d’affaires entre la (ré)assurance dommages et la réassurance vie, son «expertise reconnue» et celle de ses équipes à laquelle il a rendu hommage. Mais «il faut avancer et se tourner vers l’avenir». Adieu les années Kessler. Sur la méthode d’abord, Thierry Léger compte mobiliser toutes les énergies en interne et responsabiliser les équipes, après vingt ans de gouvernance autoritaire. «Il envoie un message de stabilité après les crises de gouvernance. Cela percole en interne», se félicite-t-on au sein de sa garde rapprochée. Il compte aussi tailler dans le train de vie du groupe et promet 150 millions de baisses de coûts d’ici à 2026, sans réduction d’effectifs.

Une allocation moins figée du capital

Sur le fond, il n’est pas question de tout changer, mais de profiter des opportunités offertes par des conditions de marché plus favorables. Denis Kessler défendait la diversification du groupe, source de bénéfices sous Solvabilité 2. L’entrée en vigueur de la norme comptable IFRS 17, qui met l’accent sur les réserves de profits futurs, est aussi favorable à Scor du fait de l’importance de la réassurance vie dans son chiffre d’affaires. Mais la crise du Covid-19, qui a fait flamber la mortalité aux Etats-Unis où le groupe est très exposé, a mis à mal la branche.

Alors que la circulation du virus a ralenti, Scor, qui se classe au cinquième rang mondial sur le marché de la réassurance vie en termes de primes en 2022, «va profiter d’une dynamique de marché attractive», promet Thierry Léger, du fait notamment d’une plus grande demande de couverture des clients. De même, le redressement des tarifs - à +5,2% aux derniers renouvellements – devrait se poursuivre dans la réassurance de dommages et de responsabilité (P&C). Thierry Léger revendique «une allocation plus dynamique du capital» de façon à profiter des cycles de marché. «La chose la plus importante selon moi dans ce plan est de sortir de cette image statique à 50% dommages et à 50% vie», a-t-il souligné.

Réduire la volatilité des résultats

La croissance du réassureur sera, par ailleurs, ciblée sur les lignes d’activité «les plus attractives» : la longévité en vie et les branches longues en dommages et responsabilité. Afin de réduire la volatilité de ses résultats, Scor veut réduire son exposition nette aux catastrophes naturelles dont la fréquence augmente. Pour cela, le réassureur va encore développer ses partenariats, c’est-à-dire un partage du risque avec des acteurs de la rétrocession ou même avec des fonds de pension qui voudraient diversifier leurs risques. Il compte ainsi doubler les revenus issus de ces partenariats d’ici à 2026.

Alors que Scor a accusé une perte nette de 300 millions d’euros en 2022, la première en vingt ans, cette stratégie de croissance sélective est de nature à rassurer sur sa capacité future à dégager des profits. Mais, soulignent les analystes de JPMorgan, cela «pourrait prendre du temps avant que ces actions ne portent leurs fruits».

Parmi les points non résolus figure la notation de crédit de Scor qui a été dégradée en 2022 à A+ par l’agence S&P Global. La qualité de la signature est déterminante pour un réassureur dont le métier est d’absorber les chocs pour le compte de ses clients. Le plan Forward 2026 ne fixe aucun objectif en la matière. «Nous n’avons pas perdu de clients. Nous avons des discussions avec S&P mais le rating n’est pas notre priorité. C’est sur la création de valeur économique que nous mettons l’accent, c’est ce qu’attendent les actionnaires. Cela va renforcer également notre capital et cela se reflétera aussi par la suite dans notre rating», répond Thierry Léger.

Des retours plus prévisibles

Le plan prévoit une croissance de 9% par an de la création de valeur économique du groupe – qui inclut «la marge de service contractuelle» ou «CSM», le nouvel indicateur reflétant les réserves de profits futurs sous IFRS 17 – tout en maintenant la solvabilité entre 180 et 220%. Ces objectifs sont salués, mais Scor devra prouver aux marchés sa capacité à délivrer sur le long terme, soulignent les analystes de JPMorgan.

Alors que le cours de Bourse reste près de deux fois inférieur à sa valeur économique, et à la traîne derrière celui des autres réassureurs mondiaux, Scor a envoyé un gage de crédibilité au marché en annonçant une nouvelle politique de distribution. Le dividende de base sera d’un niveau au moins équivalent à celui payé au titre de l’exercice précédent. Le réassureur s’engage aussi à compléter ce versement, à titre optionnel, par des rachats d’actions ou des dividendes spéciaux. De quoi faire bondir le cours de Bourse qui a clôturé jeudi en hausse de plus de 4%.

A moyen terme, toutefois, les analystes restent réservés sur un potentiel rebond de l’action. «L’Histoire a montré que cela peut prendre plusieurs années pour regagner la confiance des investisseurs», réagissent les spécialistes de JPMorgan. Le temps d’un plan à trois ans ?

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles du même thème

ETF à la Une

Contenu de nos partenaires

A lire sur ...