
Taxe exceptionnelle, profits ordinaires

C’est le privilège des boucs émissaires : payer une taxe sur les profits exceptionnels alors qu’on dégage seulement des bénéfices ordinaires. Madrid a décidé, au cœur de l’été, de soulager ses banques de quelques milliards d’euros de résultat au nom de la lutte contre la vie chère. L’annonce du gouvernement socialiste espagnol a été saluée comme il se doit de ce côté des Pyrénées par Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste – dont on a vérifié à cette occasion qu’il lisait L’Agefi. Ici comme là-bas, rien de plus tentant en effet que d’aller ponctionner un système financier accusé de faire les poches du consommateur.
2022 n’aura pourtant rien d’une année de profits exceptionnels pour le secteur, à la différence de la précédente. On n’y trouve pas d’avatar de CMA-CGM ou de TotalEnergies, qui n’aurait qu’à se baisser pour ramasser les hausses de tarifs. Comme toutes les industries, la banque connaît une inflation du prix des matières premières, en l’occurrence le loyer de l’argent. A long terme, la hausse des taux sera bénéficiaire aux prêteurs, qui n’ont eu de cesse de dénoncer depuis des années l’exception européenne des taux négatifs. A court terme, l’effet favorable est beaucoup moins certain. Il faut plusieurs mois aux établissements de crédit pour répercuter auprès des emprunteurs à taux fixe le renchérissement de leurs coûts de financement.
Profiteurs de guerre ?
En France, la plupart des prêts immobiliers accordés au deuxième trimestre l’auront ainsi été à perte, puisque leur taux moyen reflète encore à peine la flambée des taux de marché. Les dépôts à vue, non rémunérés, offrent certes une base appréciable pour les activités de transformation des banques, mais dans les limites d’une spécificité tricolore, celle de l’omniprésente épargne réglementée. Dès le 1er août, le Livret A et ses semblables verseront une rémunération supérieure à ce que l’Etat paie aujourd’hui pour emprunter à 10 ans. Ils siphonneront logiquement une part des dépôts des ménages. Le phénomène devrait s’accentuer en 2023, pour un surcoût estimé à plusieurs milliards d’euros, toutes choses égales par ailleurs.
Dans le même temps, l’horizon macroéconomique des banques s’est singulièrement assombri. Le coup d’arrêt à la croissance, voire une probable récession, la crise politique en Italie – où BNP Paribas et le Crédit Agricole sont très présents –, le resserrement des conditions financières annoncent un ralentissement de l’activité de prêt et une remontée du coût du risque. Quant au plongeon des fusions et des introductions en Bourse, provoqué par les turbulences de marché du premier semestre, il se lit déjà dans les comptes des ténors de Wall Street. Les banques, profiteurs de guerre, vraiment ? Leurs piètres performances boursières en 2022 disent tout le contraire, et à juste raison.
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Israël frappe Doha où résident des responsables du Hamas, le Qatar "condamne fermement"
Doha - Israël a annoncé avoir ciblé mardi des responsables du Hamas dans des frappes aériennes à Doha, dernière attaque en date contre des chefs du mouvement islamiste palestinien Hamas. On ignorait dans l’immédiat si les responsables visés à Doha avaient péri ou survécu. Depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, Israël a tué plusieurs chefs et hauts responsables du mouvement dans le territoire palestinien, en Iran et au Liban. Le jour des frappes à Doha, la branche armée du Hamas, les Brigades Al-Qassam, a revendiqué l’attaque à l’arme à feu perpétrée lundi à Jérusalem-Est, qui a coûté la vie à six Israéliens. Plusieurs explosions ont été entendues dans la capitale qatarie et de la fumée s’est élevée d’un quartier, selon des journalistes de l’AFP sur place. La police a bloqué le secteur. «L’armée et le service de sécurité intérieure (Shin Bet) ont mené une frappe ciblée contre la haute direction de l’organisation terroriste Hamas», a dit l’armée israélienne dans un communiqué. «Depuis des années, ces membres de la direction du Hamas dirigent les opérations de l’organisation terroriste, sont directement responsables du massacre brutal du 7 octobre et ont orchestré et géré la guerre contre l’Etat d’Israël», a-t-elle ajouté sans mentionner Doha. Mais plus tard, un responsable de l’armée israélienne a confirmé à l’AFP que ces frappes avaient été menées à Doha. «L’action aujourd’hui contre les principaux chefs terroristes du Hamas a été menée entièrement par Israël: Israël l’a initiée, Israël l’a menée, et Israël en assume l’entière responsabilité», a déclaré le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. «Aucune immunité» Selon un responsable du Hamas qui a requis l’anonymat, «dans un nouveau crime sioniste, la délégation des négociateurs du Hamas a été ciblée lors d’une réunion à Doha, où elle discutait de la proposition du président (Donald) Trump pour un cessez-le-feu à Gaza». Des responsables du Hamas qui ont participé aux négociations indirectes avec Israël sur un cessez-le-feu à Gaza ces derniers mois résident à Doha. «L’Etat du Qatar condamne fermement l’attaque lâche menée par Israël qui a visé des immeubles résidentiels abritant des membres du bureau politique du Hamas», a écrit le porte-parole des Affaires étrangères, Majed al-Ansari, sur X. «Les terroristes n’ont et n’auront aucune immunité face au long bras d’Israël, où que ce soit dans le monde», a écrit le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich (extrême droite). «Je salue la sage décision et son exécution parfaite par l’armée et le Shin Bet». En riposte à l’attaque du 7-Octobre, le gouvernement de Benjamin Netanyahu a juré de détruire le Hamas, et son armée a lancé une offensive d’envergure qui a dévasté la bande de Gaza et fait des dizaines de milliers de morts. «Rester à l’abri» L’ambassade des Etats-Unis au Qatar a appelé ses ressortissants dans le pays à «rester à l’abri». «Nous avons vu des informations faisant état de frappes de missiles à Doha. L’ambassade a ordonné à son personnel de rester dans ses locaux. Il est conseillé aux citoyens américains de rester à l’abri.» Lundi, le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a sommé le Hamas de se rendre sous peine d'être anéanti, après que Donald Trump a adressé un «dernier avertissement» au mouvement islamiste l’appelant à libérer tous les otages. Ceux-ci ont été enlevés durant l’attaque du 7-Octobre et emmenés dans la bande de Gaza. «Ceci est un dernier avertissement aux assassins et violeurs du Hamas à Gaza et dans les hôtels de luxe à l’étranger: libérez les otages et déposez les armes, ou Gaza sera détruite et vous serez anéantis», a déclaré M. Katz sur X. La Jordanie et les Emirats arabes unis, qui entretiennent des relations diplomatiques avec Israël, ont condamné les frappes à Doha. Le Jihad islamique, un allié du Hamas à Gaza, a affirmé que «cibler une réunion de dirigeants du Hamas à Doha, constitue un acte criminel flagrant». Jacqueline PENNEY © Agence France-Presse -
Ukraine : une frappe russe vise une distribution d'allocations de retraite, 24 morts et 19 blessés
Kiev - Un bombardement russe en Ukraine a tué mardi au moins 24 personnes venues percevoir leurs allocations de retraite dans un village proche du front de la région de Donetsk, dans l’est du pays, selon les autorités. «Les Russes ont largué une bombe aérienne guidée sur le centre du village alors qu’une file de civils s'étaient rassemblés» pour recevoir leurs allocations de retraite, a écrit sur Telegram le ministre de l’Intérieur, Igor Klymenko. Au moins 24 personnes ont été tuées et 19 autres blessées, a indiqué le ministère de l’Intérieur. Un précédent bilan faisait état d’au moins 20 morts. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a diffusé une vidéo montrant des corps jonchant le sol, près d’une camionnette très endommagée de la poste publique ukrainienne, Ukrpochta. La poste utilise notamment ce type de véhicules pour distribuer les allocations de retraite dans des zones rurales. Cette frappe, dont il a dénoncé la «brutalité», visait des «civils ordinaires», a souligné Volodymyr Zelensky. «De telles frappes russes ne doivent pas être laissées sans une réponse appropriée», a-t-il dit, exhortant notamment l’Europe et les Etats-Unis à réagir. L’attaque s’est produite dans le village de Iarova, situé à moins de dix kilomètres du front et qui comptait environ 1.800 habitants avant l’invasion russe de l’Ukraine à grande échelle déclenchée en février 2022. La région de Donetsk forme avec celle, voisine, de Lougansk le Donbass, un bassin industriel limitrophe de la Russie et vu comme une priorité par le Kremlin. Elle est l’une des quatre régions ukrainiennes dont Moscou revendique l’annexion, en plus de la péninsule de Crimée annexée en 2014. Enquête pour crime de guerre Le parquet général ukrainien a annoncé avoir ouvert une enquête pour crime de guerre. Au moins 13 corps, placés dans des sacs mortuaires noirs, ont été acheminés vers une morgue de la région de Donetsk, ont constaté des journalistes de l’AFP sur place. A l’intérieur du bâtiment, des proches endeuillés tentent de se consoler, tandis que d’autres quittent le bâtiment en pleurs. Une postière a été blessée et hospitalisée, a dit à l’AFP le directeur de la branche d’Ukrpochta dans la région de Donetsk, Maksym Soutkovy. En Ukraine, la poste distribue les retraites à plus de deux millions de personnes. Les postiers peuvent être chargés de procéder au paiement des retraites dans la campagne, y compris dans les zones près du front, où les services publics et les banques ont dû fermer face au danger. La distribution peut être organisée par groupes dans une rue du village, par souci d’efficacité par rapport à un passage maison par maison. L’arrivée du postier, qui n’est généralement pas quotidienne, est souvent très attendue par la population, selon des journalistes de l’AFP. En plus de la distribution des retraites, des lettres et des colis, les employés de la poste vendent nourriture et produits de première nécessité dans ces localités où les magasins sont rares. Attaques sur les zones civiles La région industrielle de Donetsk est la zone où les combats entre les forces russes et ukrainiennes sont les plus intenses. Les troupes russes en tiennent à ce jour environ 79%, selon une analyse de l’AFP. Le président Zelensky a affirmé fin août que «jusqu'à 100.000" soldats russes étaient concentrés près de Pokrovsk, une ville clé de la région de Donetsk, tandis que les initiatives internationales en faveur de la paix semblent dans l’impasse. Depuis le début de l’invasion, les zones d’habitation ukrainiennes sont régulièrement bombardées. Dans la nuit de samedi à dimanche, l’Ukraine a subi la plus grande attaque de drones et de missiles depuis le début de la guerre, qui a fait au moins cinq morts - dont une jeune femme et son bébé à Kiev - et a touché pour la première fois le siège du gouvernement. L’attaque sur Iarova rappelle une frappe russe qui avait tué plus de cinquante personnes venues participer à une cérémonie funéraire dans le petit village de Groza, en octobre 2023. Stanislav DOSHCHITSYN avec Maryke VERMAAK dans la région de Donetsk © Agence France-Presse