
Silicon Valley Bank : la chute éclair de la banque des start-up

Il a suffi d’un doute pour faire plonger Wall Street et entraîner dans son sillage les places boursières européennes ainsi que toutes les valeurs bancaires ce vendredi. Un doute créé par les difficultés d’une banque californienne, Silicon Valley Bank. Fondée en 1983, cette dernière est spécialisée dans le financement des start-up technologiques et «des secteurs innovants» et compte parmi sa clientèle la moitié des start-up soutenues par des fonds de capital-risque (venture capital) aux Etats-Unis.
Vendredi soir, les autorités bancaires californiennes ont décidé sa fermeture pour protéger ses clients, alors que l'établissement subissait une fuite des dépôts (bank run). Il s’agit de la plus grosse faillite d’une banque de dépôt aux Etats-Unis depuis Washington Mutual lors de la crise financière de 2008.
Sa maison mère SVB Financial Group avait reconnu mercredi avoir essuyé des pertes de 1,8 milliard de dollars sur la vente de 21 milliards de titres de dette, représentant près de 80% de son portefeuille. Dès le lendemain, elle lançait une levée de capital de 2,25 milliards de dollars pour se renflouer. Un échec patent. Les doutes des investisseurs lui ont fait perdre 9,6 milliards de dollars de capitalisation boursière en une seule séance, rendant caduque l’augmentation de capital.
Une liquidation ordonnée
Tandis que certains fonds de venture conseillaient déjà à leurs sociétés en portefeuille de retirer leurs dépôts logés chez SVB, le régulateur californien a réagi vendredi en prenant «possession» de la banque. Il a ainsi acté «l’insolvabilité et la liquidité insuffisante» de SVB qui ferme ses portes. Les 175,4 milliards de dollars de dépôts de ses clients sont quant à eux garantis par l’agence fédérale de garantie des dépôts, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC). Les déboires de Silicon Valley Bank ont créé une onde de choc sur les marchés vendredi, faisant redouter un possible effet de contagion.
L’effet «kiss cool» de la Tech américaine
A la tête de 212 milliards d’euros d’actifs à la fin 2022, SVB fournissait du crédit, des solutions de trésorerie, de trade finance et autres produits bancaires aux start-up spécialisées dans les secteurs technologiques, en particulier dans la science et la santé ainsi qu’aux fonds de capital risque (venture capital, VC) et de private equity. Le groupe SVB fournit aussi, via ses autres filiales, des services de banque privée et de gestion d’actifs aux professionnels du capital-risque. Il dispose, en outre, d’une banque d’investissement, SVB Securities, active dans tous les métiers du conseil au financement en passant par la recherche actions.
L’emballement autour de la Tech de l’autre côté de l’Atlantique a profité au cours des dernières années à la Silicon Valley Bank. Son portefeuille de prêts dédiés aux start-up soutenues par des fonds VC a connu un bond de 77,4% entre 2016 et 2021, avant de subir le ralentissement observé dans ce secteur technologique, en raison notamment des incertitudes macroéconomiques. Son profil de risque était ainsi étroitement lié à la situation financière de ses clients et à leurs besoins de financement. Ces derniers «ont toujours été et continuent d'être imprévisibles, notamment dans un environnement économique chahuté», détaille-t-elle au chapitre des «risques de crédit», dans son document d’enregistrement auprès du gendarme boursier américain.
A lire aussi: La banque Silvergate se dirige vers une liquidation
Silicon Valley Bank avait récemment pâti de la baisse des dépôts de ses clients, qui ont eu tendance à brûler du cash. «Bien que le déploiement du capital-risque ait suivi nos attentes, la consommation de trésorerie des clients est restée élevée et a encore augmenté en février, ce qui a entraîné des dépôts inférieurs aux prévisions», avait expliqué mercredi son patron Greg Becker aux investisseurs.
Des investissements vulnérables à la hausse des taux
SVB Financial Group a aussi fait les frais de mauvaises décisions d’investissement, qui l’ont rendu très vulnérable à la hausse des taux. Au plus fort du boom technologique, le groupe a décidé de placer 91 milliards de dollars de dépôts dans des titres à long terme tels que des obligations hypothécaires et des bons du Trésor américain. A l’époque considérés comme sûrs, ces titres ont perdu 15 milliards de dollars depuis que la Réserve fédérale américaine (FED) a augmenté ses taux.
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