
L’investisseur français s’exporte

Ma carrière a vraiment pris un nouveau tournant quand je suis allé à l’international », confie Denis Barrier, 46 ans, cofondateur et responsable de Cathay Innovation, un fonds de Cathay Capital de 300 millions d’euros qui investit à Paris, San Francisco, Shanghai et Pékin. Ce professionnel français du private equity vit à San Francisco depuis quelques années. Détenteur d’un doctorat de physique des solides, diplômé de l’Ecole normale supérieure et de Télécom ParisTech, il était chercheur au sein du laboratoire de France Télécom, « quand, un jour, Orange a eu besoin de quelqu’un pour renforcer une activité de capital-risque finançant des chercheurs voulant créer leur entreprise, se souvient-il. A l’époque, je ne savais même pas ce qu’était le private equity ». Son expertise technique suffit à convaincre.
Il y travaillera six ans, avant un passage à l’Agence des participations de l’Etat et au ministère des Finances. « La technologie me manquait », confesse-t-il simplement. Il revient à ses premières amours en devenant responsable du corporate venture et du venture capital chez Orange : « J’ai élargi mes horizons, notamment avec Orange Capital China. » Il rejoint ensuite Iris Capital, le fonds d’Orange et Publicis, pour saisir l’occasion de s’installer aux Etats-Unis. C’est là-bas qu’il rencontre Ming-Po Cai, fondateur de Cathay Capital, qui lui propose de lancer avec lui Cathay Innovation.
Les Français sont prisés dans l’univers des fonds de capital-investissement internationaux, en particulier anglo-saxons. Basé entre Londres et San Francisco, Frédéric Rombaut, 52 ans, travaille pour le fonds britannique Seraphim Capital. Lui aussi a commencé sa carrière dans les télécoms. Ingénieur et fils d’entrepreneur, il exerce au sein d’une start-up de réseaux informatiques rachetée par Bouygues et IBM avant de rejoindre le pôle de corporate développement du groupe Bouygues. Il devient alors administrateur de plusieurs sociétés et travaille également sur le dossier de candidature à la 3e licence de téléphonie mobile qui donnera naissance à… Bouygues Telecom. Après une thèse en management de l’innovation, il effectue un virage vers la finance, chez Apax Partners de 1998 à 2003, avant de partir aux Etats-Unis pour conseiller les géants de la Silicon Valley. Il crée Qualcomm Ventures Europe, un fonds de 100 millions d’euros dédié aux technologies wireless, puis devient directeur général du développement international de Cisco. « Ce que j’aime dans mon métier, c’est le côté ’Yes you can!’, explique-t-il. Avec de l’argent employé tout à fait rationnellement, nous accompagnons les entrepreneurs dans leurs efforts fous pour révolutionner l’économie de demain. »
Entrepreneurs
D’autres professionnels optent pour la voie entrepreneuriale en dehors des frontières tricolores. Jeune quadragénaire, Paul Strachman vit à New York depuis plusieurs années. « J’aide les start-up françaises qui veulent se domicilier aux Etats-Unis, je mène une veille sur les tendances, notamment l’intelligence artificielle », raconte ce Français diplômé de l’Ecole des Ponts ParisTech, de la London School of Economics (LSE) et détenteur du prestigieux MBA de l’université de Stanford. Il travaille aujourd’hui pour un fonds américain (Red Sea Ventures), a lancé son propre fonds, Spar, et est aussi le venture partner américain d’Isai, le fonds français cofondé par Pierre-Kosciusko Morizet. « Ce métier est extraordinaire : je partage l’aventure de ceux qui osent miser sur demain. » C’est son MBA qui lui a ouvert en 2007 les portes d’une carrière américaine. « Depuis un voyage à 11 ans, j’ai toujours rêvé de vivre à New York », glisse-t-il. Après son MBA, il décroche le poste de directeur de la stratégie au sein d’un centre de fitness haut de gamme aux Etats-Unis, Equinox. « Mais le milieu des start-up m’attirait », dit celui qui rejoint alors une jeune société pour l’accompagner dans son « scale-up », sa montée en puissance. « J’ai aidé cette entreprise spécialisée dans la digitalisation de l’écriture jusqu’à la première levée de fonds », se rappelle-t-il.
« Pour moi, l’étape ultime de ma carrière était d’être entrepreneur au service des entrepreneurs », déclare Frédéric Court, 48 ans. Ce Niçois a atteint son idéal en 2014 en fondant Felix Capital, à Londres. Pour concrétiser cet objectif, il a pris des risques. Diplômé de l’Essec, il exerce d’abord cinq ans chez Lazard en tant qu’analyste à Londres et à New York. « Il y avait beaucoup de travail et d’opportunités avec la première vague internet des années 2000 mais je voulais absolument créer ma société », raconte-t-il. Il revient en France et créé Etexx, une place de marché dédiée à l’industrie du textile. Il lève de l’argent, commence à se faire connaître auprès de fonds de capital-risque en tant qu’entrepreneur, obtient 8 millions d’euros de Partech et Upfront Ventures en 1999, un montant très élevé en venture à l’époque. « Malheureusement, nous avons dû arrêter en 2001, se souvient-il. J’ai décidé de passer du côté investisseur, pour garder ce lien avec l’entrepreneuriat et l’innovation, mais en ayant plus d’impact qu’en étant dans la banque d’affaires. » Il poursuit son parcours dans le capital-risque chez Advent Ventures Partners, où il devient rapidement associé-gérant. Il y travaillera plus d’une quinzaine d’années. « Une fois cette expérience acquise, j’ai eu envie de redevenir entrepreneur et de monter ma société dans le domaine de l’investissement, à partir de Londres où j’étais installé », relate le financier dont le fonds Felix Capital se fait remarquer, en l’espace de quelques années, pour ses investissements dans des start-up de l’art de vivre numérique (Fartech, RAD, Frichti…). Sa première levée atteint 120 millions de dollars en 2015. Son deuxième fonds en 2017 avait pour objectif le même montant. Il a été sursouscrit à 200 millions et bouclé à 150 millions de dollars.
La carrière des financiers français dans le venture à l’international se démocratise. Les jeunes investisseurs aspirent à des expériences anglo-saxonnes. « J’ai de la chance, j’exerce un des meilleurs métiers au monde, pour un professionnel que j’admire », se réjouit Alexandre Perrin, 28 ans, qui investit le portefeuille de Richard Branson en equity et venture, chez Virgin Management. Avant de décrocher ce poste, ce diplômé de HEC et de l’Imperial College London a travaillé notamment en fusions-acquisitions chez Barclays à Singapour et chez Edmond de Rothschild à Paris. « La banque d’affaires est une très bonne école mais mieux vaut ne pas avoir trop besoin de sommeil ! », se rappelle-t-il en ironisant. Aujourd’hui, après deux ans dans le private equity parisien, il a réussi à intégrer le métier du capital-risque à Londres. « J’ai retrouvé ma santé, ma vie sociale et j’ai découvert un univers passionnant, rémunérateur, avec un impact sur le monde qui m’entoure », confie le jeune homme. A moins de 30 ans, il a déjà réalisé un de ses rêves professionnels. Mais il a conscience de sa chance. « Ce secteur est très fermé et compétitif, constate-t-il. Il ne s’ouvre qu’à ceux qui sont issus de grandes écoles et choisissent des premiers postes exigeants ou à des entrepreneurs connaissant bien le milieu du capital-risque. » Comme souvent dans les métiers de l’investissement, un stage permet d’entrouvrir une porte. Guillaume Bazan, 24 ans, a ainsi pu directement rejoindre One Peak Partners à Londres, un fonds de growth, suite à un stage de fin d’études à HEC. « Il faut faire ses preuves, c’est vrai, reconnaît celui qui cherche les entreprises qui seront les futures pépites du portefeuille du fonds. Mais je remarque tout de même que la connaissance du marché anglo-saxon et de l’écosystème français des start-up est valorisé. » Les financiers français semblent en effet bénéficier à plein de l’aura de la French Tech.
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