
Les MBA s’efforcent de justifier leur prix

La crise sanitaire et ses conséquences – cours à distance, fermeture des frontières – pèsent lourdement sur le déroulé des MBA (master of business administration). Ces formations de haut vol pour cadres désireux d’évoluer rapidement se retrouvent privés d’atouts considérables. Les « study trips » ou « learning trips », séjours organisés dans des villes attractives – Shanghai, New York, Berlin – pour rencontrer des entreprises, sont reportés, voire annulés. Les cours et les événements dédiés au networking sont organisés en visioconférence. « Le réseau fait entièrement partie de l’enrichissement que l’on vient chercher dans un MBA. Avec la visioconférence, la communication est tout de même moins aisée ! », pointe Mélanie le Rouzo, qui effectue un executive MBA à l’EM Lyon après un parcours professionnel dans la finance. Elle estime cependant faire partie des chanceux. « J’ai commencé mon MBA en octobre 2019 et j’ai eu quelques mois pour fréquenter les autres étudiants et croiser les gens des autres promotions. »
Paul Chaignon, qui a démarré un MBA à plein temps à l’ESCP Europe en septembre de cette année, n’a eu qu’un mois de cours en présentiel, avant de passer au tout en ligne. « Nous enchaînons des heures de cours, des masterclass, des ‘career fairs’, derrière notre écran, cela crée de la fatigue », explique l’étudiant. En revanche, la crise a décuplé la solidarité dans la promotion. Les étudiants français soutiennent les étudiants étrangers, pour qui le MBA est une deuxième famille. Afin de maintenir les liens, l’ESCP comme d’autres écoles ouvre des salles de cours pour permettre à des petits groupes d’étudiants de se retrouver pour travailler ensemble. Pour Simon Blanchard, qui a démarré un MBA à la rentrée de septembre à Grenoble Ecole de management, la formule est presque un entraînement à la « vie d’après » : « On s’attend à ce que, au-delà de la formation, nos emplois soient de plus en plus un mélange entre présentiel et distanciel. »
Suite au premier confinement, les écoles se sont équipées pendant l’été. L’Essec, par exemple, a investi 2 millions d’euros dans du matériel dernier cri : casques de réalité virtuelle pour les rencontres entre les étudiants et les entreprises, salles de classe virtuelles qui permettent une bonne interactivité malgré la distance. Les établissements accompagnent aussi les enseignants, comme HEC qui a créé une cellule dédiée pour former les intervenants à l’utilisation des outils et à l’adaptation de leurs cours et activités pédagogiques sur le support numérique. La crise s’immisce aussi dans les contenus et devient le sujet de cours de gestion, de management ou de leadership. « Tous les participants ont été coachés individuellement pour donner du sens à leur expérience. Les contenus des cours et les études de cas ont été adaptés à ce que les cadres sont en train de vivre », détaille Marjorie Diebolt, responsable recrutement des programmes d’executive education à l’EM Lyon.
Chamonix plutôt que la Chine
Pour les voyages, les équipes pédagogiques s’organisent. « Deux voyages sont au programme du MBA, en Chine et aux Etats-Unis. J’ai proposé de remplacer le premier par un séminaire en France d’une semaine, en anglais, avec l’intervention de consultants chinois qui exercent en France », explique Nicolas Berland, professeur des universités, responsable des MBA à Dauphine PSL. Si le voyage aux Etats-Unis, reprogrammé au printemps 2021, ne peut pas avoir lieu, le professeur a aussi prévu un programme de substitution sur le campus londonien de l’université. Andrea Masini, directeur délégué du MBA HEC, essaie de voir la situation sous un angle positif. « Un voyage à Londres devait être organisé dans le cadre de la spécialité finance. Comme il n’y a plus le temps de trajet, nous avons utilisé deux jours pleins pour multiplier les rencontres en ligne entre les étudiants et les entreprises. » L’EM Lyon propose de son côté aux participants de son executive MBA qui ne pourront pas partir en Chine, aux Etats-Unis ou au Canada, un « learning from altitude » : quatre jours de conférences, de rencontres et de nuits en refuge, en haute montagne à Chamonix. Un programme conçu spécialement pour la période.
Pour compenser le préjudice que subissent les étudiants, les écoles leur offrent des accès à des services supplémentaires, la possibilité de revenir suivre des modules de cours jusqu’à trois ou quatre ans après la fin de leur cursus, ou de partir en learning trip plus tard… Mais pas de remise sur les prix. « La crise sanitaire a engendré une augmentation des coûts pour les écoles, qui ont dû investir dans la technologie et la formation des enseignants. Nous ne faisons pas d’économies sur le dos des étudiants. Nous nous engageons à trouver des alternatives équivalentes pour les aider à réaliser leur projet professionnel », avance Thomas Jeanjean, directeur général adjoint de l’Essec en charge des programmes post-expérience. La crise n’a d’ailleurs pas découragé les candidats, puisque plusieurs écoles disent constater une augmentation des inscriptions en MBA en cette rentrée.
Chacun est sûr que l’expérience actuelle transformera l’avenir du diplôme. « La part de numérique sera de plus en plus importante, comme cela va être le cas dans plusieurs secteurs économiques », estime Dr Phil Eyre, directeur des MBA de Grenoble Ecole de management. Pour Nicolas Berland à Dauphine, cela permet de répondre à des enjeux de plus long terme. « Nos étudiants nous interrogent de plus en plus sur notre empreinte carbone. Trouver des alternatives aux voyages des enseignants et des étudiants serait une bonne façon d’y répondre. »
Plus d'articles Emploi
-
TPE et PME cherchent talents désespérément
Le baromètre Bpifrance/Rexecode pointe que les difficultés de recrutement restent le principal frein à l’activité. -
Politique monétaire, les conditions du pivot
La Fed et la Banque centrale européenne (BCE) semblent proches du taux terminal. Elles devraient toutefois maintenir un régime restrictif au moins jusqu’en 2024. -
La relation chômage-inflation reste brouillée
L’après-Covid avait donné l’impression d’une «réactivation» de la courbe de Phillips, relation négative entre le taux de chômage et le taux d'inflation. Un lien déjà plus si évident.
Contenu de nos partenaires
- Slawomir Krupa doit redorer le blason boursier de la Société Générale
- L’alliance mondiale des assureurs «net zéro» fait pschitt
- Arnaud Llinas (Amundi ETF): «80% de notre collecte du premier trimestre s’est faite sur les ETF ESG»
- Carrefour s’apprête à supprimer 1.000 postes dans ses sièges en France
- La succession d’Olivier Klein à la tête de la Bred se précise
- Casino obtient l’ouverture d’une procédure de conciliation avec ses créanciers
- La Société Générale présentera sa nouvelle feuille de route stratégique le 18 septembre
- Les gros dossiers de LBO attendent des jours meilleurs
- Le digital bouscule la gestion des paniques bancaires
-
Audit
Les faiblesses françaises de la lutte contre la fraude sociale
La Cour des comptes dégonfle le mythe des 50 milliards de fraudes sociales chaque année. Et pointe les véritables points noirs dans la lutte contre une pratique qui exaspère les Français -
Tuer le père
Etats-Unis: DeSantis, le candidat qui veut renouer avec «les valeurs traditionnelles de l’Amérique»
Fidèle à Donald Trump en 2016, le gouverneur de Floride défend une ligne encore plus conservatrice que son ancien mentor -
Limiers
Commissions d'enquête: un risque évident de télescopage avec la justice
Sur les Affaires Benalla, Sarah Halimi, Yvan Colonna, et plus récemment sur celle de Samuel Paty, les parlementaires ont tendance à se muer en enquêteurs