Les dettes subordonnées bancaires resteront prisées en 2021

Les émissions devraient rester assez importantes, grâce aux ajustements réglementaires.
Fabrice Anselmi

Avant la deuxième vague de coronavirus actuelle, les économistes craignaient que ne se matérialisent au premier semestre 2021 tous les défauts d’entreprises attendus et le passage de leurs créances en prêts non performants (NPL) dans les bilans des banques. «Les taux de défauts vont inévitablement augmenter : la question est de combien et quand ? Avec la recrudescence des infections depuis octobre, les gouvernements européens ont étendu les moratoires et autres dispositifs de reports et de prêts garantis (PGE), ce qui devrait repousser la matérialisation de ces événements à fin 2021 ou début 2022, quand ils diminueront leurs aides aux PME. Et c’est seulement à partir de la fin des moratoires que les banques commenceront à compter les arriérés, ce qui impliquera le passage des prêts performants (niveaux 1 et 2 sous IFRS 9) en NPL (niveau 3), ce qui pourrait prendre plus de trois mois encore», estime Miguel Raminhos, analyste spécialisé chez Natixis.

Ce décalage, qui a sans doute aussi amené le superviseur (Banque centrale européenne, BCE) à relâcher sa recommandation sur la non-distribution de dividendes, devrait donc soutenir pendant une bonne partie de l’année les dettes bancaires subordonnées, notamment les obligations Additional Tier 1 (AT1) ou «CoCos» car convertibles au-dessous d’un certain niveau de fonds propres durs CET1. Ces dernières ont déjà connu les plus belles performances en 2020 - entre +5% et +8% selon qu’elles étaient émises en euros ou en dollars - malgré trois quarts de la période passés en rendement négatif et une diminution par deux des rendements 2019. «Au deuxième semestre, il faudra cependant commencer à mettre de côté les dettes des petites banques périphériques, plus exposées aux défauts des PME locales (autour de 26% du bilan en Italie, Grèce et Portugal) ou aux prêts à la consommation en risques», poursuit Miguel Raminhos. En revanche, le coût pour les banques lié aux PGE sera par définition limité à leur exposition de 10% ou 20%.

Report des réglementations bancaires

Outre des injections de liquidités massives de la BCE au travers des opérations de refinancement ciblées à long terme (TLTRO 3) à des conditions très intéressantes, les régulateurs ont réduit la pression sur le capital prudentiel avec le retrait des coussins contracycliques, la possibilité de passer sous les exigences de capital CRR (Pilier P2G et coussin de conservation de capital CCB), et d’utiliser dès 2020 les dettes AT1 et Tier 2 pour remplir le Pilier P2R. «Si on part du principe qu’il faut toujours respecter le CCB à 2,5% des actifs pondérés par les risques (RWA), les deux autres mesures ont permis de réduire l’obligation de CET1 de 0,5% à 2% selon les banques. Si on ajoute l’allégement de contrainte sur le CCB, ce sont plusieurs centaines de milliards d’euros qui ont été libérés (167 sur notre échantillon)», note encore Miguel Raminhos. Il chiffre les besoins d’émissions nettes pour les 22 grandes banques de l'échantillon autour de 6 milliards d’euros en dettes AT1 et autant en Tier 2, ou de 10 milliards avec une hausse des RWA de 10%. Et il anticipe plus globalement des émissions à hauteur de 12 milliards en AT1 (après 17 milliards en 2020), 24 milliards en Tier 2, et à peu près autant en dettes seniors non préférées, SNP, sur un total de 109 milliards de dettes bancaires attendues en euros et 204 milliards pour les banques européennes toutes devises confondues.

Echéances repoussées

A ces mesures, se sont ajoutés les reports de nouvelles échéances réglementaires : à 2023 (au lieu de 2022) pour la réforme dite Bâle 3.5 et l’obligation de ratio de levier G-SIB pour les banques systémiques, avec une grande flexibilité laissée aux banques pour remplir progressivement à partir de 2022 leur ratio réglementaire européen de résolution bancaire MREL (minimum required eligible liabilities). Sachant que les règles européennes CRR 2 ont été amendées en juin via un paquet bancaire dit «quick fix» sur divers points, en particulier les provisions liées aux différents niveaux d’IFRS 9 et aux PGE. «Ces mesures, bienvenues, ont juste pour défaut d’augmenter l’opacité autour des bilans bancaires et des besoins en capital. Les banques recevront quand même en 2021 de leur superviseur la première recommandation de cibles pour les ratios MREL et de subordination, et devraient théoriquement les communiquer au marché», rappelle Miguel Raminhos.

Parmi les autres grandes thématiques à suivre pour les investisseurs en dettes bancaires subordonnées, notons toujours la distance à surveiller pour chaque banque par rapport à son niveau de montant de capital distribuable (MDA) sous forme de coupons d’AT1, de dividendes ou de bonus ; les incitations aux fusions-acquisitions de banques européennes notamment au travers de l’utilisation des «badwill» générés pour améliorer le ratio de couverture des créances douteuses et soutenir les coûts de restructuration liés à la transaction ; voire, à partir de 2022, l’effet diminué des injections de liquidités TLTRO sur le ratio de liquidité à long terme (NSFR) puisque ces financements alors devenus plus «courts» devront être refinancés.

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