Les catastrophes naturelles forcent les réassureurs à s’adapter

Avec une ardoise de plus de 7 milliards d’euros en 2022, les «cat nat» pèsent sur les comptes de Munich Re, Swiss Re, Scor et Hannover Re. Ces quatre leaders du secteur s’activent pour ne pas voir leurs bénéfices couler.
catastrophe naturelle, inondation en Europe, cat nat
Depuis le début de 2023, les pertes assurées au titre des catastrophes naturelles restent en-dessous de la moyenne des dix dernières années.  -  Crédit Imaresz/Pixabay

Les grands réassureurs européens ne font plus uniquement le constat du changement climatique et de ses conséquences sur les activités humaines, ils le payent déjà. «Les dépenses nettes liées aux grands sinistres de l’exercice 2022 ont dépassé les attentes pour la sixième année consécutive», rapporte par exemple Hannover Re, dernier des principaux réassureurs à publier ses résultats ce jeudi 9 mars.

Avec un total de 1,7 milliard d’euros l’année passée, ces dépenses ont non seulement dépassé le niveau prévu de 1,4 milliard d’euros pour 2022, mais aussi les 1,3 milliard de 2021. En cause, notamment, les catastrophes naturelles qui ont coûté à elles seules 1,2 milliard d’euros, contre 963 millions en 2021. Parmi ces événements, l’ouragan Ian, qui a frappé les Etats-Unis fin septembre, a entraîné une charge nette de 322 millions d’euros, les inondations en Australie 233 millions d’euros et la tempête Ylenia en Europe 107 millions.

Le conflit en Ukraine estimé à plus d’un milliard d’euros

Au total, Munich Re, Swiss Re, Hannover Re et Scor, les quatre plus grands réassureurs mondiaux, ont déboursé plus de 7 milliards d’euros en 2022 en lien avec les catastrophes naturelles de grande ampleur. Le groupe français Scor, qui parle d’une «sixième année consécutive marquée par une fréquence élevée» de ces événements, a aussi enregistré une hausse de leur coût, passé de 838 millions d’euros en 2021 à 963 millions en 2022. Swiss Re, qui pointe les orages de grêle en France, a dépassé sa prévision en 2022 avec 2,7 milliards d’euros de dépenses liées aux catastrophes naturelles. Seul Munich Re, qui a pourtant déboursé 1,6 milliard d’euros pour l’ouragan Ian, fait mieux qu’en 2021 avec une charge nette de 2,4 milliards.

D’autres poids sont venus s’ajouter à ces éléments climatiques. L’inflation pèse par exemple sur le coût des reconstructions et donc sur les indemnisations des réassureurs qui cèdent une partie de leur risque contre une prime aux réassureurs. L’inflation sociale, à savoir les modifications du système de responsabilité en matière d’assurance liées aux décisions de tribunaux, est aussi en hausse. Surtout, un an après les débuts du conflit, les réassureurs commencent à chiffrer les pertes liées à la guerre en Ukraine. Munich Re, Swiss Re, Hannover Re et Scor ont passé plus d’un milliard d’euros de réserves en 2022 liées à de potentiels sinistres futurs dans la région. Avec 86 millions d’euros, Scor est le moins concerné, devant Swiss Re (300 millions), Hannover Re (331 millions) et Munich Re (475 millions).

A lire aussi: La réassurance affronte sa pire année depuis 1999 sur le marché français

Des résultats en hausse, à l’exception de Scor

Les résultats de la branche dommages et responsabilité des réassureurs en sortent meurtris. Munich Re est le seul à améliorer son ratio combiné, qui mesure la rentabilité technique en exprimant le rapport entre les décaissements et les encaissements, de 99,6% en 2021 à 96,2% en 2022. Hannover Re, dont le ratio se dégrade en passant de 97,7% à 99,8%, reste aussi rentable, à la différence de Swiss Re et de Scor, respectivement à 102,4% et 113,2%, qui sont déficitaires. Grâce à leurs revenus d’investissement, Munich Re, Hannover Re et Swiss Re parviennent toutefois à sortir des résultats positifs dans la branche de respectivement 1,8 milliard d’euros, 588 millions et 310 millions.

Au total, les résultats toutes activités confondues des groupes s’améliorent d’ailleurs en 2022. Munich Re croît de plus de 10% à 3,3 milliards d’euros, Hannover Re de 14% à 1,4 milliard et Swiss Re de 7% à 470 millions. Le français Scor, empêtré dans ses crises de gouvernance, est le seul à afficher une lourde perte de 301 millions d’euros, après avoir dégagé 456 millions de profits en 2021. «Les résultats du groupe sont très décevants», a reconnu le président de Scor Denis Kessler.

Rétablissement de la branche vie et santé

Pour afficher des résultats en croissance malgré la sinistralité en dommages, les réassureurs se sont appuyés sur le rétablissement des activités vie et santé. Alors que la pandémie de Covid-19 avait coûté plus de 2,1 milliards d’euros en 2021, la charge nette est redescendue à 1,5 milliard en 2022. Swiss Re, en particulier, n’a déboursé «que» 588 millions d’euros l’année passée, contre 2 milliards en 2021. Grâce à cette diminution, le groupe suisse affiche à nouveau un bénéfice de plus de 410 millions dans la branche, contre une perte de plus de 450 millions d’euros en 2021. Il fait plus que doubler pour Munich Re à 737 millionset Hannover Re à 588 millions . Pour Scor, dont la marge technique passe de 10,3% à 14,5%, le résultat croît de 45% à 1,1 milliard.

Certains ont aussi profité de leur diversification. Swiss Re s’est largement appuyé sur la croissance de sa compagnie d’assurance «BtoBtoC» iptiQ et un meilleur ratio combiné qu’anticipé de sa filiale d’assurance directe Swiss Re Corporate Solutions. Munich Re, qui avait misé sur sa filiale d’assurance directe Ergo pour maintenir ses objectifs, a aussi vu juste. Après avoir dégagé 605 millions d’euros de bénéfice en 2021, Ergo en a affiché 826 millions en 2022.

A lire aussi: La réassurance esquisse son avenir, entre cyber et partage des risques

Hausse des tarifs et désengagement

Joachim Wenning, président du conseil d’administration du réassureur allemand, ne s’y trompe pas : «Notre portefeuille d’activités largement diversifié nous rend non seulement plus résilients, mais nous ouvre également de nouvelles perspectives de revenus.» Pour autant, Swiss Re et Munich Re, qui visent 3 milliards et 4 milliards d’euros de bénéfice en 2023, doivent avant tout améliorer la rentabilité de la branche dommages pour atteindre leurs objectifs. Dans ce cadre, les renouvellements des traités de réassurance en janvier ont été marqués par un durcissement historique avec une rétention accrue de la part des cédantes, les compagnies d’assurance qui transfèrent une partie de leur risque aux réassureurs, et des hausses de tarifs significatives.

Scor, qui est lancé dans un plan d’urgence d’une année pour retrouver la rentabilité, a par exemple fait part d’une amélioration de 2,5 à 3 points de son ratio net de souscription attendu du portefeuille renouvelé au 1er janvier 2023. Le groupe français, qui a vu ses primes de réassurance pour les contrats concernés baisser de 12,1% sur un an à 3,66 milliards d’euros lors de ces renouvellements, témoigne aussi du désengagement des réassureurs sur certains risques.

La profession, qui devra présenter ses résultats 2023 sous la nouvelle norme comptable IFRS 17, devrait tirer profit de cette politique de sélection mais aussi de la hausse des taux d’intérêt. «Les augmentations des taux d’intérêt des banques centrales, qui devraient améliorer les résultats des investissements à moyen terme, constituent une lueur d’espoir pour le secteur de l’assurance», estimait Swiss Re fin 2022.

A lire aussi: Le marché français de la réassurance se durcit de manière inédite

En attendant, Munich Re, Swiss Re, Hannover Re et Scor espèrent être épargnés en 2023. Les pertes assurées au titre des catastrophes naturelles sont de l’ordre de 6 à 8 milliards de dollars depuis le début de l’année, soit en dessous de la moyenne de 13,5 milliards de dollars des dix dernières années, rapportent les analystes de JPMorgan. Une première bonne nouvelle, mais l’année est encore longue.

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles Réassurance

Contenu de nos partenaires

Les plus lus de
A lire sur ...