
Les acheteurs prennent de la valeur

Chez BPCE Achats, la boucle est désormais bouclée. « L’intégration de Natixis, iBP, iPCE, BCE IT et BPCE SA dans notre giron marque la fin d’un long processus qui nous permet désormais de couvrir toutes les entités du groupe, avec un périmètre de 3,8 milliards d’achats par an », se félicite Pascal d’Orlandi, directeur général de BPCE Achats qui supervise une filière de près de 240 acheteurs. Au Crédit Agricole SA, l’organisation matricielle achats au niveau groupe est en place depuis le début de l’année, avec une équipe de 150 acheteurs qui optimisent un budget de 5 milliards d’euros. « Nous disposons également de notre propre gouvernance, un comité composé de dirigeants de l’ensemble des entités du groupe ayant pour mission de valider notre feuille de route stratégique et nos grands projets », complète Sylvie Robin-Romet, directrice des achats du Crédit Agricole SA, qui, signe de reconnaissance encore rare pour cette fonction, a intégré le « codir » de CASA il y a un an.
Un périmètre élargi
Les directions achats investissent de nouveaux territoires, comme le marketing, la communication ou le conseil. Résultat : leur taux de couverture a fortement progressé. Chez Covéa, où le processus de regroupement au niveau groupe des directions achats de Maaf, MMA et GMF a été engagé il y a cinq ans, la cinquantaine d’acheteurs couvre désormais 85 % des dépenses, contre 38 % avant la mise en place de la nouvelle organisation. Cette montée en puissance a aussi été accélérée par les investissements dédiés à la digitalisation. La direction achats de Covéa s’est ainsi dotée d’un SI achats qui lui a permis de dématérialiser l’ensemble de ses processus. « L’objectif étant de mieux piloter les dépenses, de gagner en productivité et de répondre aux enjeux réglementaires », précise Sylvie Noël, directrice des achats de Covéa qui préside également l’Association des directeurs et responsables achats (Adra).
La transformation des organisations achats a changé la posture des acheteurs qui se positionnent désormais comme de véritables « business partners » pour les métiers. Au Crédit Agricole, la direction des achats s’est par exemple vu confier le pilotage du plan de réductions des dépenses « Save » qui ambitionne de réaliser plus de 200 millions d’euros d’économies de dépenses d’ici à fin 2019. Les acheteurs sont par ailleurs attendus sur leur capacité à contribuer à la transformation digitale. Ainsi, BPCE Achats co-sponsorise, avec la direction du digital du groupe, le Start Up Pass. « Cette démarche d’open innovation vise à faciliter la mise en relation entre notre groupe et les start-up avec lesquelles on ne peut pas avoir les mêmes exigences en matière de trésorerie, de délais de paiement ou de propriétés intellectuelles », souligne Pascal d’Orlandi. L’image de l’acheteur « cost killer » que l’on sollicitait uniquement pour négocier une réduction des tarifs a donc bien changé, comme l’observe Magali Testard, associée responsable conseil achats & supply chain chez Deloitte : « Dans l’étude mondiale que nous avons réalisée auprès de 480 directeurs achats, la réduction des coûts reste le moteur prioritaire pour 79 % des sondés, mais il n’est plus le seul. Aujourd’hui, la valeur ajoutée d’un acheteur se mesure aussi à sa capacité à manager le risque (57 %), à introduire de nouveaux produits (52 %) ou à optimiser la gestion des flux de trésorerie (48 %). » Cette réalité, Nydia Meziani la vit au quotidien depuis qu’elle a rejoint en mars dernier la direction des achats de Crédit Agricole SA comme acheteuse prestations conseil. Elle consacre les deux tiers de son temps à la mise en place d’un nouveau panel de fournisseurs pour le conseil. « Le plan stratégique que j’ai présenté au comité de gouvernance interne vient d’être validé, confie cette diplômée du master 2 achats à l’international de l’IUP de Sceaux qui a travaillé pendant sept ans chez Renault-Nissan comme acheteuse IT et prestations d’ingénierie. Ce qui m’a permis de lancer les appels d’offres et de constituer une première ’short-list’ de 70 fournisseurs. L’objectif est d’en conserver une cinquantaine à la fin du processus. » Acheteur conseil prestations intellectuelles chez Covéa, Samuel Danton ne se contente pas, lui non plus, de traiter les demandes d’achats des métiers. Sa fonction nécessite de l’agilité dans le pilotage d’activités multimarques et dans les échanges multisites. A ce titre, il intervient comme représentant de la direction achats au sein d’équipes projet qui traitent de sujets transverses. « Au sein de ces équipes, j’ai notamment un rôle de conseil sur l’expression du besoin liée à la mutualisation des services des trois marques de Covéa, explique ce diplômé du master ingénieur d’affaires spécialité achats de Kedge, qui a exercé quatre années comme acheteur « hors production et système de combat » au sein de Naval Group, avant de rejoindre Covéa en novembre 2016. Mon travail consiste en effet à m’assurer que le besoin et les engagements attendus seront d’abord bien compris par les fournisseurs, et que leurs offres sont en phase avec les attentes des métiers. » Après l’étape des soutenances, qui va permettre de répertorier deux ou trois fournisseurs, arrivera le temps de la négociation. « Une négociation qui n’aura pas pour objectif d’obtenir le tarif le moins cher possible, assure Samuel Danton. Ce que l’on nous demande, c’est de privilégier des propositions cohérentes et au juste prix. »
Toutes ces évolutions ont conduit les directions achats à muscler leurs compétences. BPCE Achats a recruté sur l’année écoulée douze nouveaux acheteurs, et cinq embauches sont en cours. « Nous avons eu très peu recours à la mobilité interne, raconte Pascal d’Orlandi. Nous avons privilégié des profils d’acheteurs issus de masters 2 achats, avec deux à trois ans d’expérience maximum. Nous avons la volonté de rajeunir l’équipe avec des générations qui pensent le monde avec de nouvelles références et qui sauront s’adapter à des modes de fonctionnement agiles. » Les recruteurs attachent aussi plus d’importance à d’autres aptitudes. « Concernant les compétences achats, prérequis essentiel, nous avons la chance en France d’avoir une liste impressionnante de masters 2 achats dans des écoles comme l’IAE de Grenoble, l’Ipag, l’Essec ou Centrale, rappelle Sylvie Noël, directrice des achats de Covéa. Lorsque je recrute un nouveau collaborateur, je regarde en priorité ses qualités d’écoute, d’empathie et de proactivité. Car sur des marchés où les solutions évoluent en permanence, on ne peut plus se contenter de gérer son portefeuille seulement en puisant dans la base de données fournisseurs. Aujourd’hui, un acheteur doit avoir la curiosité d’aller voir ce qui se passe ailleurs, et en même temps se montrer très rigoureux car nous serons de plus en plus audités. »
Salaires en hausse
Ces nouvelles compétences ont un prix. « Ces cinq dernières années, la rémunération des acheteurs a bondi de 5 % à 10 % », estime Sylvie Noël. Selon une étude de Michael Page, un jeune acheteur doté de 0 à 2 ans d’expérience émarge, en salaire fixe, entre 33.000 et 42.000 euros brut par an, selon les catégories d’achats, les mieux rétribués étant les acheteurs prestations intellectuelles, hors production (frais généraux), IT et télécoms. Avec cinq ans d’expérience, les acheteurs peuvent espérer entre 50.000 et 55.000 euros par an. A ces rémunérations fixes, vient s’ajouter une part variable qui oscille entre 5 % et 15 % en fonction de la famille d’achats et de l’ancienneté. « Le métier se révèle passionnant car il est à la croisée de l’ensemble des métiers du groupe » , souligne Nydia Meziani qui apprécie aussi la dimension innovante de son travail. Elle a par exemple identifié une start-up qui, sur des compétences rares, chasse directement les personnes en poste pour leur proposer de travailler à 10 % ou 20 % au sein d’une autre entreprise. « Cette nouvelle manière de ’sourcer’ préfigure le marché de l’emploi de demain », dit-elle. Dans cinq ans, cette acheteuse ne se voit pas forcément toujours évoluer dans les achats. « Un poste de chef de projet dans l’informatique ou les nouvelles technologies pourrait m’intéresser. Si je devais rester dans la filière, ce serait pour évoluer vers un poste de manager. » Samuel Danton aimerait, lui, aborder de nouvelles catégories comme le marketing ou les prestations intellectuelles.
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