
Le réflexe du « flex »

Le phénomène du « flex office » se propage parmi les entreprises de la finance : la Société Générale, BNP Paribas Personal Finance, PwC, Axa France… Même les acteurs de l’immobilier s’y mettent, comme CBRE, Primonial Reim, Parella, ou encore Icade (lire La parole à Marc le Blanc). Ce modèle de bureau aussi appelé « desk sharing » consiste en un open space où les places ne sont pas attribuées, et au sein duquel les salariés s’installent librement en respectant la règle du « clean desk », c’est-à-dire faire place nette à la fin de la journée. Fini le bureau individuel agrémenté de photos de ses enfants ou de petits accessoires en tout genre ! Désormais, l’espace de travail est dynamique et agile… et les cols blancs doivent l’être également. « L’idée est que le collectif prime sur l’individuel avec des espaces polymorphes bien pensés », explique Olivier Neuman, associé chez Parella/Esquisse où le flex a été mis en place depuis deux ans pour les 80 collaborateurs du cabinet de conseil en immobilier d’entreprise. Les consultants en particulier, puisqu’ils sont très mobiles. « Ce modèle de bureau permet un brassage de personnes aux métiers et parcours divers, il facilite aussi l’intégration des nouveaux », déclare l’associé de Parella/Esquisse.
Agilité
Selon une étude de JLL, 3 % des salariés français sont en flex mais 28 % travaillent déjà régulièrement de façon flexible (aménagement des horaires, nomadisme). « Le flex est souvent adopté par les entreprises à la faveur de déménagements. Cela peut notamment répondre à des questions d’optimisation d’espaces, car le flex offre généralement entre 25 % et 30 % de gains de surface, soulignent Delphine Breton, directrice du pôle « workplace », et Flore Pradère, responsable recherche entreprises chez JLL. En réalité, les entreprises recherchent surtout l’agilité et la flexibilité. Aujourd’hui, il y a de la croissance, les dirigeants ont des projets pour lesquels ils ont besoin de décloisonner leurs bureaux. La cloison, c’est l’ennemi de la flexibilité ! » Avec leurs plans de transformation digitale menés tambour battant, les acteurs de la bancassurance montrent un véritable engouement pour le « bureau partagé ». Sur son site des Dunes à Val-de-Fontenay (94), la Société Générale a déployé le « flexwork » à grande échelle. « Depuis que nous avons déménagé aux Dunes il y a deux ans, nous avons 5.500 postes en flex sur ce site. Nous appelons cela le flexwork (FW) car il est associé au télétravail », précise Véronique Poulard, DRH ressources et innovation de la filière IT chez Société Générale.
Dirigeants, DRH, experts de l’immobilier… tous s’accordent à dire que le flex ne se réduit pas en un simple réaménagement du mobilier au sein de l’entreprise, mais qu’il est avant tout un outil très efficace qui incarne la transformation digitale et permet « d’embarquer » les salariés. « Les entreprises veulent faire de leur outil de travail – leurs bureaux – un vecteur de transformation culturelle, mais aussi digitale, managériale…, observent Delphine Breton et Flore Pradère chez JLL. Le but est d’“horizontaliser” la façon de travailler, de libérer l’esprit d’initiative, de casser les codes… » En 2016, BNP Paribas Personal Finance (BNPP PF) et ses 2.500 collaborateurs ont élu domicile à Levallois. « Nous sommes passés de cinq adresses à une seule !, rappelle Jean-Charles Lagache, directeur des opérations et membre du comité exécutif chez BNPP PF. Le flex, c’est en réalité un ensemble de choses. Au-delà de l’aspect “rationalisation des espaces”, nous voulions surtout digitaliser l’entreprise, tout en tenant compte de la dimension environnementale (nous avons souhaité aller vers le “paper less”) et technologique (nous avons une application qui permet de trouver une salle de réunion, d’utiliser le covoiturage, etc). » Seuls les quinze membres du comité exécutif ont un bureau individuel « pour des raisons de confidentialité. En ce qui me concerne, mon bureau, c’est une des salles où se réunit mon équipe », indique Jean-Charles Lagache, précisant : « Nous avons 2.000 postes de travail, plus 1.000 places dans nos salles de réunion, pour 2.500 collaborateurs. Et nous avons profité de notre emménagement pour nous doter d’une salle de sport et d’une conciergerie. » Bien sûr, les lieux collaboratifs, les grandes cafétérias, les espaces de bien-être, ajoutés aux services de nettoyage à sec, de livraisons de fruits et légumes, ou de bricolage sont appréciés des cadres. Mais pour s’accoutumer au nouveau mode de fonctionnement de travail « agile », il a fallu bousculer ses petites habitudes. « Le flex ne se fait pas en un claquement de doigts. Cela demande un changement de culture et une évolution des modes de travail, prévient Véronique Poulard. Au début, les collaborateurs avaient tendance à s’asseoir tous les jours au même endroit, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les équipes se constituent au gré de leurs besoins, sinon les personnes bougent au sein de leurs “quartiers”. »
Pour les managers habitués à des bureaux clos ou semi-ouverts, le principe du flex peut être déroutant, comme le relève Guillaume Savard, managing director advisory & transaction occupiers chez CBRE : « Pour les managers qui avaient un bureau fermé et qui doivent travailler en flex, il faut être attentif à l’élément de statut que cela constituait pour eux et s’interroger sur la façon dont on peut restituer ces éléments statutaires d’une autre manière. Un “big four” a par exemple créé un club “VIP” pour ses associés où ces derniers peuvent boire un verre entre eux dans un espace de type lounge. » Chez Primonial Reim, les nouveaux bureaux situés dans le 8e arrondissement parisien accueillent 120 personnes sur cinq étages. « Nous avons décidé que 100 % des collaborateurs travaillent en open space, raconte Nicolas Leonnard, directeur asset management. Je gère une équipe d’une trentaine de personnes et j’avais auparavant un bureau fermé. J’apprends à manager autrement, la communication est omniprésente et les entretiens plus confidentiels se préparent pour se dérouler dans des espaces dédiés (salles de réunion connectées, bulles de travail…). Le flex demande aux managers plus d’agilité. » Chez Société Générale, Véronique Poulard a très vite adopté le flexwork. « La notion de management change, dit celle qui gère 30 collaborateurs aux Dunes et à la Défense. J’ai connu le grand bureau fermé avec la vue sur Paris. A présent, je m’installe soit à côté de mon équipe, soit de mes pairs RH, soit près des stagiaires et alternants. Avec cette idée d’équité, les barrières sont moins fortes, on sort de sa tour d’ivoire, chacun y gagne. »
Télétravail
A l’instar de la banque au logo rouge et noir, beaucoup d’entreprises choisissent de conjuguer le flex avec le télétravail. « Le télétravail n’est pas automatique lorsqu’une entreprise choisit cette organisation de bureau, mais le sujet est souvent mis sur la table. Cela apporte de la fluidité sur l’usage en flex », notent les expertes de JLL. BNPP PF a mis en place le travail à distance peu après son arrivée à Levallois. « Depuis un an, 1.200 salariés pratiquent le télétravail », indique Jean-Charles Lagache. Primonial Reim l’a instauré aussi. « Nous voulons encourager l’autonomie et le sens des responsabilités de nos collaborateurs, explique Nicolas Leonnard. Chacun est équipé de téléphone et d’ordinateur portables. » En flex depuis deux ans à Levallois, Sarah Couchy, responsable développement à la direction de la distribution chez BNPP PF, a rejoint la communauté des télétravailleurs chez son employeur. « Je suis en télétravail un jour par semaine. Cela me permet notamment de prendre du recul, de me concentrer sur certains sujets… », confie cette jeune manageuse de cinq personnes qui assume un style de gestion « pas du tout basé sur le principe de présence ! Mon job en tant que responsable, c’est de veiller à notre cohésion, de mettre en place une “vie” d’équipe. Du moment que mes collègues peuvent être disponibles à distance, cela me va. » De plus en plus, les entreprises forment leurs managers pour évoluer dans leur façon de diriger. « Les managers sont accompagnés et on apprend à responsabiliser nos équipes, à avoir confiance, à ne pas hésiter à déléguer… », confirme Sarah Couchy. « Le travail va continuer de se transformer, avertit Guillaume Savard de CBRE. Le modèle du salarié qui va d’un point A à un point B pour aller travailler va disparaître au profit de ce qu’on appelle les “slashers”, des salariés qui exécutent différentes tâches dans un grand nombre d’espaces distincts (bureaux, domicile, tiers lieux…). On viendra à son bureau par besoin, et non plus par contrainte. Le bureau d’obligation deviendra le bureau de destination. »
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