
Le projet de système européen de paiement franchit un palier

C’est une «avancée décisive» selon les concepteurs du projet. Un projet porteur et ambitieux, qui consiste à créer un système paneuropéen de paiement, en mesure de proposer un produit de paiement sans subir la désintermédiation induite par les géants américains du paiement Visa et Mastercard.
Lundi soir, la trentaine de banques européennes co-actionnaires du projet Initiative européenne des paiements (EPI) ont franchi une étape-clé lors d’un vote très attendu. Le conseil d’administration a indiqué «son intention de transformer la société provisoire (interim company) EPI en société cible (target company)», selon une phrase lapidaire publiée sur le site internet de l’institution. «La liste des personnes impliquées dans EPI Company sera connue d’ici la fin de l’année».
«C’est une étape importante, un premier vote qui doit lancer la démarche de conversion de la société intérimaire vers une target holding company, qui elle lancera le produit sur le marché», a précisé mardi soir Martina Weimert, directrice générale de la compagnie intérimaire EPI, lors d’une conférence organisée par L’Agefi.
Une «étape» donc, mais les négociations se poursuivent : les banques engagées dans ce vaste projet de paiement paneuropéen se donnent encore trois semaines – soit jusqu’au 22 décembre, a confirmé Martina Weimert - pour régler le dossier épineux du financement.
1,3 milliard d’euros de fonds propres
En matière de financement, la target company doit être dotée de 1,3 à 1,5 milliard d’euros de fonds propres, rapportaient mardi certains médias, chiffre que la dirigeante d’EPI Interim Company n’a pas souhaité confirmer.
Concrètement, l’EPI a toujours vocation à proposer plusieurs produits de paiement, par étapes. A minima une carte de paiement physique compatible EPI, un portefeuille numérique, et des cartes de paiement numérisées. «Le lancement commencera avec le paiement P2P et P2Pro, un premier moyen d’exister auprès des consommateurs de façon ludique. Puis seront proposés les paiement e-commerce avec pour sous-jacent le SCT Inst (virement instantané). Le paiement par carte prend plus de temps car il nécessite des infrastructures et l’implication de nombreux acteurs», a détaillé Martina Weimert.
Les banques y voient aussi leur intérêt. «Ce projet va révolutionner le marché, on y croit depuis 2019, nous voyons dans EPI une possibilité de construire quelque chose avec une seule expérience client, une plateforme avec un seul processeur de bout en bout pour tous les pays. C’est une révolution pour les prochaines années», a réagi Carlo Bovero, responsable monde cartes et moyens de paiement innovants chez BNP Paribas, lors de la conférence de L’Agefi.
Quels pays seront partie prenante ?
Mais combien de pays européens seront finalement partie prenante ? L’enjeu est essentiel, ne fut-ce que pour que l’EPI aboutisse en tant que projet d’harmonisation européenne. Voire qu’il constitue une autre forme de construction européenne.
Le projet compte une trentaine de banques contre seize au départ en juillet 2020 (BNP Paribas, Groupe BPCE, Deutsche Bank, DZ Bank, Santander, etc.) ainsi que Worldline et Nets. Et il reste ouvert à l’arrivée de nouveaux membres. D’ailleurs, ses initiateurs indiquent avoir reçu des marques d’intérêt «de certaines des Big Tech et de grands commerçants».
Pour donner un coup d’accélérateur, sept pays de l’UE ont publié le 9 novembre dernier un appel commun en faveur d’un système de paiement européen uniforme. Ces derniers jours, plusieurs gouverneurs de banques centrales ont poussé le projet, dont François Villeroy de Galhau en France, qui a prôné «la décision d’un ‘go’ rapide» pour l’EPI.
Il reste de grands absents, ou des hésitants, comme l’Espagne. Interrogée par L’Agefi, Martina Weimert nuançait : «les banques espagnoles font partie du projet mais (…) n’ont pas les mêmes priorités. Les pays nordiques où le paiement digital est déjà très développé se sont organisés entre eux. Les pays de l’Est à l’exception de la Pologne attendent qu’EPI soit lancé pour le rejoindre. L’Italie n’a pas encore décidé d'être actionnaire mais Nexi est actionnaire et c’est le principal acquéreur en Italie (90% des commerçants), l’Autriche est également présente grâce au réseau d’acceptation.»
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