
L’Agence française anticorruption cesse de notifier l’étendue de son contrôle

A l’occasion d’une matinale d’IMA France, Charles Duchaine, le directeur de l’Agence française anticorruption (AFA), a dressé un bilan de l’Autorité cinq ans après sa création. Créée par la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016, relative à la lutte contre la corruption, l’Agence exerce des missions de conseil et d’assistance et de contrôle. «N’importe quelle entreprise peut nous saisir d’une demande de conseil», explique Charles Duchaine. En revanche, pour l’accompagnement dans la mise en place d’un dispositif anticorruption, l’AFA ne peut répondre à toutes les demandes, et se réservera pour les opérations sur lesquelles elle pourra capitaliser pour d’autres entités.
Lors de la présentation du plan national de lutte contre la corruption sur 2020-2022, l’AFA avait été vivement critiquée sur son contenu, jugé indigent. «Nous sommes, dans cette mission, dépendants de la volonté du gouvernement, rappelle Charles Duchaine. Ce plan est à la dimension des moyens que l’Etat nous a donnés. Nous avions d’autres ambitions, mais nous n’avons pas eu le soutien espéré. Nous allons bientôt définir le prochain plan, et espérons bénéficier d’un soutien massif de tous les acteurs.»
En 2017, l’AFA avait émis ses premières recommandations, révisées à l’automne 2020 pour prendre en compte l’expérience de ses activités de conseil et de contrôle. Elles s’adressent à toutes les entités qui veulent suivre ces règles volontairement, aux sociétés et établissements publics à caractère industriel et commercial assujettis à l’article 17 de la loi Sapin 2, et proposent un cadre pour les acteurs publics. «Depuis cinq ans, nous constatons un rapprochement de culture entre les grandes entreprises, les administrations et les collectivités», se félicite Charles Duchaine.
Associer les opérationnels à l’analyse des risques
Concrètement, «une entreprise n’est pas obligée de suivre nos recommandations, mais elle a une obligation de résultats dans la mise en œuvre de son dispositif anticorruption, rappelle le directeur de l’AFA. Nous l’acceptons volontiers, mais avons quelque peine à concevoir qu’elle puisse utiliser des méthodes véritablement différentes pour répondre aux huit points de l’article 17. Nous contrôlons d’abord la méthode d’évaluation des risques. Si elle est différente dans chaque pays du groupe, nous sommes critiques sur la consolidation qui peut en être faite dans la cartographie des risques du groupe. Il faut évaluer et hiérarchiser les risques, quitte à en abandonner certains, jugés marginaux. Nous proposons d’analyser les processus de bout en bout, en associant les opérationnels».
Devant la commission des sanctions de l’AFA, une entreprise qui suit les recommandations de l’Autorité bénéficie d’une présomption simple de conformité. De quoi convaincre certains récalcitrants. De plus, «notre niveau d’exigence nous donne une crédibilité à l’international», ajoute Charles Duchaine, qui rappelle qu’une fusion avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) aurait détruit cette image. L’appartenance de l’AFA à un réseau de coopération international permet des échanges techniques et des partages de bonnes pratiques.
L’AFA propose une série de guides pratiques pour aider les acteurs. «Nous travaillons de plus en plus dans lacoconstruction, à l’instar du récent guide sur les contrôles comptables anticorruption en entreprise, rédigé avec les acteurs du chiffre, puis mis en consultation. Nous avons intégré les deux tiers des commentaires adressés», précise Charles Duchaine.
Améliorer le plaider-coupable
En matière de contrôle, l’AFA s’est d’abord intéressée aux entreprises les plus exposées. A sa création, l’Autorité a vu grand en voulant contrôler l’ensemble des groupes. «C’était un peu fou et peut-être pas très sérieux, mais cela nous a permis de nous faire la main, reconnaît Charles Duchaine. Les entreprises ont pu profiter de notre rapport, qui les a aidées à mettre en œuvre des dispositifs anticorruption.» Constatant également que ses contrôles étaient trop longs, l’Autorité privilégie aujourd’hui des contrôles sur mesure et thématiques, sur l’engagement de l’instance dirigeante, sur l’existence d’une cartographie des risques, sur les dispositifs comptables, ou encore sur le contrôle des tiers, sans pour autant s’interdire un contrôle global.
«Pour l’avenir, nous ne notifierons plus l’étendue de notre contrôle, prévient Charles Duchaine. Cela devrait nous conduire à un échange plus nourri avec l’entreprise, avant de décider ce que l’on contrôlera. Nous irons ainsi directement au but, et agirons plus rapidement.» Surtout si le dispositif est efficace. S’il ne l’est pas, l’AFA laissera du temps, puis reviendra pour vérifier les avancées. «Ce qui est important, pour nous, ce sont les progrès plus que les résultats, rassure le directeur de l’AFA. Notre intérêt n’est pas d’engager des poursuites.»
Alors que la Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), forme de «plaider-coupable», fait toujours débat, «nous serions favorables à traiter ensemble le sort du dirigeant et celui de l’entreprise, afin d’avoir une réponse unique», confie Charles Duchaine, rappelant ledossier Bolloré, où le tribunal judiciaire a validé la CJIP pour le groupe, mais a renvoyé son dirigeant en correctionnelle. «Il faudrait davantage préciser dans la loi les conditions dans lesquelles un tribunal peut valider une CJIP pour une personne morale ou pour une personne physique. Par exemple, en exclure le dirigeant en cas de récidive, ou prévoir un emprisonnement dans le cadre de la CJIP. Il faudrait également plus de transparence, pour éviter toute suspicion sur la transaction», conclut Charles Duchaine.
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