
La réforme des retraites augmentera le coût de l’assurance santé et prévoyance

C’est un des dommages collatéraux de la réforme des retraites, qui entre en vigueur ce vendredi 1ᵉʳ septembre. Le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, qui s’effectuera progressivement jusqu’en 2030, aura un impact sur les régimes d’assurance santé et prévoyance collectives. Une branche dont les tarifs sont déjà orientés à la hausse du fait du vieillissement de la population. Les salariés étant couverts pendant deux années supplémentaires par les contrats souscrits par leurs entreprises, la sinistralité devrait mathématiquement augmenter. Selon le courtier en assurance Verspieren qui a mené une étude actuarielle approfondie, la réforme se traduira par une hausse de près de 3% du coût supporté par les régimes de prévoyance collective d’ici à 2030.
Le recul de l’âge de départ à la retraite pèsera d’abord sur le risque de décès. «Les salariés couverts par le régime de prévoyance étant plus âgés, la probabilité de décès va augmenter», rappelle Ludivine Baudelle, directrice de marché entreprises à la direction des assurances de personnes de Verspieren. «L’impact sur les charges décès dépendra de la fréquence réelle des décès, mais aussi du profil des salariés âgés, notamment leur salaire en fin de carrière, et des garanties du régime.» L’impact sur la garantie décès devrait malgré tout être lissé du fait de la montée en charge progressive de la réforme jusqu’en 2030, la hausse du coût devrait rester inférieure à 3% dans les huit prochaines années, estime Verspieren.
Hausse du nombre d’arrêts de travail
La garantie incapacité de travail sera, elle, directement affectée par la hausse du nombre d’arrêts de travail. «Les effets dépendront des franchises prévues dans les contrats de prévoyance collective», rappelle Ludivine Baudelle. Ces dernières varient, généralement, de 15 à 90 jours. «Plus les franchises sont courtes, plus l’impact sera élevé. Cela dépendra aussi du statut du salarié, cadre ou non cadre. Par ailleurs, l'âge de départ à la retraite pour les salariés invalides étant maintenu à 62 ans, cela devrait limiter la hausse du nombre d’arrêts de travail», précise Ludivine Baudelle. Le coût des prestations devrait ainsi augmenter de 1 à 3% dans les huit prochaines années sur la garantie incapacité, prédit Verspieren.
Lors de la précédente réforme adoptée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy en 2010, le recul de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite s’était déjà traduit par une hausse du taux d’absentéisme, comme le pointe un rapport du Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET) publié le 14 février dernier. La hausse de la fréquence des arrêts maladie varie selon le genre et l’état de santé des salariés, révèle encore cette étude. Au total, Verspieren estime que la réforme de 2010 a déjà entraîné une hausse de 15 à 20% du coût supporté par les régimes de santé et prévoyance collective.
La réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron vient s’ajouter à une autre lame de fond qui pèse sur les régimes de prévoyance : le vieillissement de la population. Au total, en tenant compte de ces facteurs conjugués, la branche devrait subir une hausse de 10% du coût des prestations d’ici à 2030, estime le courtier Verspieren.
Pour les experts en actuariat d’Addactis, la réforme entraînera une hausse de 15% de la sinistralité lorsqu’elle sera pleinement effective après 2030. «Cela reste conditionné à la réelle employabilité des seniors. Le taux d’activité a tendance à baisser après 55 ans», tempère Estelle Villermet, directeur de mission chez Addactis.
La prévention comme bouclier à la hausse des cotisations
Face à la hausse de la charge des sinistres, les assureurs auront-ils d’autres choix que d’augmenter leurs tarifs ? «La hausse des cotisations dans la prévoyance collective est une tendance que l’on observe déjà régulièrement depuis quelques années. Les effets de la réforme des retraites seront lissés dans le temps et se conjugueront aux autres facteurs structurels comme le vieillissement de la population et la hausse des risques psycho-sociaux qui alimentent déjà une dérive des arrêts de travail», explique Estelle Villermet. Autrement dit, les tarifs de la prévoyance collective ne vont pas augmenter brutalement de 15% en 2030, mais pourraient augmenter progressivement.
Rogner sur les garanties est peu probable, les entreprises se devant d’offrir le même niveau de couverture à leurs salariés. Elles disposent, en revanche, d’un autre levier pour éviter de subir une hausse des cotisations : la prévention. «La solution n’est pas uniquement d’indexer les cotisations ou de minorer les garanties ! Verspieren accompagne ses clients en menant notamment des audits approfondis pour lutter contre l’absentéisme au travail et en déployant des solutions adaptées visant au bien-être des salariés et à leur retour à l’emploi, et ce, en collaboration avec les assureurs», détaille Ludivine Baudelle. Cet accompagnement se révèle déterminant pour éviter que l’arrêt de travail ne soit prolongé par le salarié.
Les complémentaires santé dans le viseur de l’Etat
Quant aux complémentaires santé, elles devraient également subir les effets de la réforme des retraites puisque les salariés bénéficiant du régime collectif seront couverts deux ans de plus. L’impact d’ici à 2030 restera modéré, selon Verspieren, inférieur à 0,5% par an. Addactis anticipe, de son côté, une hausse de 5% du coût des garanties après 2030, tirée par le vieillissement de la population. «L’effet âge est un facteur important dans la tarification des contrats, rappelle Estelle Villermet. Le taux d’activité des 60-64 ans est de 35% et va encore augmenter du fait de la réforme. Cela va tirer les dépenses de santé vers le haut. »
C’est sans compter d’éventuelles réformes qui pourraient encore augmenter la charge pour les complémentaires santé d’ici à 2030. «On ignore quel sera l’avenir pour les frais de santé. A titre d’exemple, les transferts de charges de la Sécurité sociale vers les régimes complémentaires vont probablement se poursuivre», rappelle Ludivine Baudelle de Verspieren. Si le gouvernement a renoncé à son projet très controversé de «Grande Sécu», il continue à accroître la charge pesant sur les assurances santé. Au 1ᵉʳ octobre, doit ainsi entrer en vigueur la minoration du remboursement des soins dentaires par la Sécurité sociale : elle les prendra à charge à 60% contre 70% auparavant.
Cette mesure devrait entraîner une hausse annuelle de 0,66% sur le montant des remboursements effectués par les complémentaires santé, selon Verspieren. Dans ce marché haussier, le courtier recommande un pilotage sur mesure et une analyse fine avec ses entreprises clientes des postes subissant une dérive des remboursements. La prévention et le recours aux réseaux de soins, qui permettent aux assurés de bénéficier de tarifs négociés, sont d’autres leviers pour limiter une hausse des dépenses de santé qui paraît de plus en plus inéluctable.
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