La hausse des prix de la réassurance maintient les assureurs sous tension

Aux Rendez-Vous de Septembre, les réassureurs promettent que les hausses tarifaires ne seront pas aussi violentes que l’an passé. Mais ils renvoient aussi la balle aux assureurs pour ajuster leurs propres tarifs.
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Le traditionnel rendez-vous des assureurs et réassureurs se tient cette année du 9 au 13 septembre à Monaco  - 

Le climat est plus apaisé cette année à Monte-Carlo. Aux Rendez-Vous de Septembre, traditionnelles rencontres de la profession où se négocient les renouvellements de traités, les réassureurs vantent «un dialogue constructif» avec leurs clients assureurs. Après dix ans de réassurance bon marché, les renouvellements du 1er janvier 2023, marqués par des hausses tarifaires pouvant atteindre jusqu'à 50% sur les traités catastrophes en dommages aux biens, ont acté une rupture violente. «Les derniers renouvellements ont laissé un sentiment d’amertume aux assureurs et ont quelque peu abîmé leur relation avec les réassureurs», observe Emmanuel Le Floc’h, directeur général de Aon Reinsurance Solutions Paris.

Des hausses tarifaires plus modérées

Les réassureurs ont donc changé de ton… mais pas d’objectif. Si les hausses tarifaires et le durcissement des conditions de souscription seront moins féroces cette année, le chemin reste encore long pour restaurer leur profitabilité et satisfaire leurs actionnaires. «Nous avons porté le fardeau de la volatilité pendant cinq ans. Le retour sur fonds propres des réassureurs (RoE) a tout juste dépassé le coût du capital au premier semestre 2023. Nous avons besoin de plus d’un semestre de retour décent», assène Jean-Paul Conoscente, directeur général de Scor Global P&C (dommages et responsabilité).

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Sous réserve que les bons résultats des réassureurs se confirment au deuxième semestre – la saison des ouragans dans l’Atlantique vient de débuter – les hausses tarifaires au 1er janvier 2024 devraient donc être plus modérées, mais s’écrire tout de même «à deux chiffres», prévient Jean-Paul Conoscente. Difficile, cette année, d’arracher une estimation aux grands réassureurs mondiaux. «La loi antitrust nous empêche de communiquer sur nos tarifs», répond Thomas Blunck, directeur général réassurance de Munich Re. Les fidèles de ces Rendez-Vous de Septembre ont pourtant été habitués à un discours plus assertif sur les prix. «Nous ne donnons pas de tendance pour les différentes lignes d’activité, car le plus important est de négocier individuellement avec chaque client», ajoute encore Thomas Blunck.

Des réassureurs plus sélectifs

Si le discours se veut plus prudent, c’est aussi parce que «les réassureurs doivent faire attention à ne pas scier la branche sur laquelle ils sont assis en réduisant leur souscription», analyse Benoit Butel, président du courtier LSN Ré Walbaum. Face au durcissement des conditions l’an dernier, «les assureurs ont commencé à apprendre à vivre avec davantage de volatilité».

Car les réassureurs ne se sont pas contentés de revoir leurs tarifs à la hausse. Ils ont aussi cherché à réduire leur exposition nette aux catastrophes naturelles, qui génère trop de volatilité dans les comptes. Axa XL Re a ainsi mené des actions de remédiation sur son portefeuille. De son côté, Scor s’est retiré des tranches basses en ne couvrant plus les événements catastrophiques avec une période de retour inférieure à 1 sur dix ans.

Avec le réchauffement climatique, les plus petits sinistres, dits «périls secondaires» deviennent plus fréquents et coûtent cher aux réassureurs. Sans se désengager de la couverture des catastrophes naturelles, qui reste le cœur de leur activité, les réassureurs ont décidé de ne plus absorber la volatilité générée par ces événements climatiques de moindre ampleur. «Nous ne pensons pas que nous sommes les mieux placés pour couvrir ces événements. Notre rôle est d’absorber les chocs sévères comme le récent tremblement de terre en Turquie. Il faut que l’industrie trouve un nouvel équilibre entre réassureurs et assureurs, et entre assureurs et assurés», martèle Nikhil da Victoria Lobo, responsable de la réassurance dommages pour l’Europe de l’Ouest et du Sud chez Swiss Re.

Des assureurs acculés

En d’autres termes, les assureurs vont devoir eux aussi ajuster leurs tarifs aux risques ou se montrer plus sélectifs s’ils ne veulent pas voir à leur tour cette volatilité se répercuter durement dans leurs comptes. En Californie ou en Floride, des assureurs se sont carrément retirés du marché et refusent de prendre des affaires nouvelles sur les dommages aux biens. «Le rapport de forces s’est inversé avec les réassureurs et, à court terme, les assureurs n’ont pas d’autre choix que d’accepter ces nouvelles conditions», analyse Manuel Arrivé, directeur réassurance EMEA chez Fitch Ratings.

Les marges de manœuvre des assureurs restent limitées, particulièrement en France où le ministre de l’Economie Bruno Le Maire leur demande depuis plus d’un an de modérer leurs hausses tarifaires. Dans ce contexte, «les assureurs de taille moyenne et importante abandonnent certaines branches déficitaires ou bien diversifient leur activité et leurs risques pour que leur exposition ne soit pas uniquement concentrée sur les zones à risques. Les petits acteurs comme les mutuelles d’assurance spécialisées dans les dommages et très localisées subissent davantage la hausse du prix de la réassurance, ce qui se répercute sur leurs coûts», constate Benoit Butel.

Face à l’accroissement des risques, l’appétit pour la réassurance devrait donc rester élevé malgré le durcissement des conditions, prédisent les courtiers. «Le marché devrait devenir plus concurrentiel : un assureur ayant mis en place des actions pour limiter ses risques et/ou augmenter ses tarifs trouvera plus facilement de la capacité et des conditions optimisées», prédit Emmanuel Le Floc’h.

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