
La guerre des talents fait rage en assurance cyber

L’assurance n’échappe pas aux tensions globales sur le marché des recrutements cyber. Face à ce risque technique et en permanente évolution, les souscripteurs portent des compétences essentielles et une grande responsabilité pour les assureurs ou les courtiers. Ces experts, chargés de l’analyse des risques d’une entreprise, déterminent l’opportunité d’une solution d’assurance et alimentent une guerre des talents qui ne fait que commencer.
«Les souscripteurs, de manière générale, sont très chassés. Mais un profil qui possède la spécialité cyber est très recherché car assez rare sur un marché en pleine expansion. L’année 2022 a été très dynamique de ce côté et, avec le développement de ce risque, la demande risque de s’amplifier», confie Louise Enescaux, manager assurance au sein du cabinet de conseil en ressources humaines et recrutement Morgan Philips.
Avec la digitalisation croissante de nos sociétés, le risque cyber est en pleine explosion. Dans ce contexte, le marché de l’assurance cyber, estimé à 9,2 milliards de dollars début 2022 par le réassureur Munich Re, devrait connaître une croissance exponentielle et dépasser les 20 milliards de dollars dès 2025. La France, avec un marché estimé à 219 millions d’euros fin 2021, ne fera pas exception. D’autant que les pouvoirs publics mettent les bouchées doubles pour créer un écosystème favorable.
Marsh France, vivier de recrutement
Pour pallier le besoin, la première solution est de recruter chez les concurrents. Les assurtechs, qui profitent aussi de ces profils avec plusieurs années d’expérience, misent notamment sur cette stratégie pour viser le marché des PME. Stoïk a convaincu Benjamin Mangel, conseiller spécial en assurance cyber chez Marsh France, de le rejoindre au poste de responsable souscription cyber. La filiale du courtier américain n’est autre que le leader en termes de placement de risque cyber en France. Pour attirer Benjamin Mangel, Stoïk, qui a levé près de 15 millions d’euros en 2022, s’appuie sur sa double identité d’expert de la cybersécurité et de distributeur d’assurance grâce à deux porteurs de risque, Acheel et Axeria. Mais aussi sur une volonté de croissance qui détonne parfois avec la frilosité des grands acteurs. «Son expertise nous sera particulièrement précieuse pour faire évoluer notre produit d’assurance et devenir l’acteur incontournable de l’assurance cyber en France et en Europe», affirme Jules Veyrat, co-fondateur et président-directeur général de Stoïk.
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Dattak, qui a levé 7 millions d’euros auprès de XAnge et de business angels en 2022, s’est tourné du côté de Scor pour trouver sa responsable offre cyber. L’assurtech fondée par Charlotte Couallier et Benoît Grouchko, qui distribue un produit d’assurance en s’appuyant sur Wakam, a recruté Alexia Morot, cyber underwriting analyst au sein du groupe de réassurance français. Après avoir participé au lancement de l’offre cyber de Scor, elle devra s’assurer de la saine croissance de Dattak.
Inflation des salaires
Ces débauchages sont loin d’être le fait unique des jeunes pousses. QBE France, la filiale française du groupe d’assurance australien, a récemment annoncé la nomination de Sandy Le Corre comme souscriptrice cyber. Elle s’est spécialisée dans le risque cyber à partir de 2018 au sein de Marsh France et travaillait notamment sur l’optimisation des programmes d’assurance cyber sur un portefeuille grands comptes et ETI. Outre Marsh France, les recrutements se sont beaucoup déroulés au sein de Chubb, Beazley, Zurich, Axa ou Hiscox pour les porteurs de risque et chez WTW pour les courtiers. Plus d’un tiers des effectifs change régulièrement d’employeur dans le domaine.
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Nécessairement, entre une demande en hausse et une offre restreinte, le prix d’équilibre monte. De sources concordantes, les niveaux de salaires pour les postes cyber, à expérience et responsabilité équivalente, sont plus élevés. Alors qu’un souscripteur senior, hors grands risques, se situe dans une fourchette de rémunération comprise entre 70.000 et 80.000 euros, la borne supérieure atteint 100.000 euros pour un souscripteur cyber pour une moyenne d’environ 90.000 euros. Cette différence se reflète aussi pour les profils moins expérimentés.
Former et faire évoluer
Dans ce marché en tension, les solutions internes ne sont pas oubliées. «Lorsqu’une ressource manque sur le marché, quoi de mieux que de la former ? Des formations ou des certifications permettent d’avoir une nouvelle génération de souscripteur avec quelques années d’expérience », explique Louise Enescaux, qui précise : « La plupart des souscripteurs cyber issus de mouvements interne sont issus de lignes moins traditionnelle que les dommages aux biens, comme la responsabilité civile professionnelle ou les lignes financières, qui demandent une technicité très forte et une analyse fine». Sur un marché ou le regain d’appétit pour le risque devrait se matérialiser dès cette année, la guerre des talents n’est pas près de retomber.
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