
« Cette fois, les pays d’Europe du Nord pourraient être plus touchés »

Pablo Manzano, vice-présidents FIG chez DBRS
Comment les banques européennes ont-elles géré jusqu’à présent leurs créances douteuses (NPL) ?
Arnaud Journois - Il est intéressant de constater que chaque pays a développé ses propres solutions. L’Espagne a créé une structure de défaisance en 2012 – la Sareb – pour prendre en charge les créances douteuses de la crise immobilière. En Italie, le développement a été plus lent et a finalement abouti à la création du dispositif GACS, dont s’est inspirée
la Grèce pour mettre en œuvre le Hercules Asset Protection Scheme. En France, la question des NPL n’a jamais été cruciale. Au plus fort de la crise financière, le taux de NPL était de 5 % à 6 %. Il est aujourd’hui à 1,9 %. A aucun moment, le système français n’a subi de pression pour réaliser un deleveraging massif. Indépendamment des dispositifs utilisés, l’ensemble de ces systèmes bancaires nationaux sont parvenus à leur rythme à réduire les NPL dans leurs bilans.
Sur quoi repose l’évolution de ces prêts ?
Pablo Manzano - La recherche académique s’accorde sur un point : l’environnement macroéconomique affecte l’évolution des NPL. Mais toutes les variables macroéconomiques n’ont pas la même importance. L’emploi a ainsi un impact plus significatif sur l’évolution des prêts non performants que les chocs de croissance du PIB, d’inflation ou de taux d’intérêt. Par exemple, pendant le Covid-19, les pays européens, et l’Espagne en particulier, ont enregistré une forte croissance négative du PIB, mais l’emploi est resté plus ou moins stable. Par conséquent, les montants des NPL sont également restés stables pendant cette période. Compte tenu du scénario économique actuel, nous nous attendons à une détérioration de la qualité des actifs. Mais contrairement aux crises précédentes, il n’est pas certain que les NPL augmenteront le plus dans les pays d’Europe du Sud, comme l’Italie, la Grèce ou l’Espagne. L’Europe du Nord pourrait être plus touchée, conséquence d’un choc macroéconomique potentiellement plus important dans ces pays.
En quoi cette crise est-elle différente des précédentes ?
Pablo Manzano - La principale différence réside dans les outils dont disposent les banques pour gérer les créances douteuses et dans le fait que ces dernières sont généralement faibles à l’heure actuelle. Après la crise financière, les régulateurs européens ont développé un arsenal juridique important pour s’attaquer aux NPL. Les banques ont désormais des obligations spécifiques en matière de surveillance et de reporting pour traiter les prêts non performants. De plus, pendant cette période, un marché institutionnel de vente ou de titrisation de NPL s’est développé en Europe. De nouvelles réglementations européennes ont aussi introduit des incitations financières pour vendre ces créances douteuses : les « vieux » NPL consomment du capital, ce qui pèse sur les ratios des banques.
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