Bercy favorise en toute discrétion la création de captives d’assurance

Le texte sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité dans le cadre du 49.3 sur le projet de loi de Finances intègre la révision du cadre fiscal des captives.
Bertrand De Meyer
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La révision du cadre fiscal des captives est maintenant sur les rails législatifs.  - 

Les captives de réassurance doivent être essoufflées à force de faire des allers-retours dans les projets de loi de Finances de l’exécutif depuis deux ans. Mais cette fois-ci devrait être la bonne : le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité avec deux 49.3 intègre bien un article adopté mi-novembre par le Sénat, puis modifié par un député Renaissance, sur la révision du cadre fiscal des captives. L’idée est de rendre plus attractives ces structures internes permettant à une entreprise de s’auto-assurer, généralement sur les premières lignes de risque.

L’article 3 quater A du PLF indique que les captives de réassurance « peuvent constituer, en franchise d’impôt, une provision destinée à faire face aux charges afférentes aux opérations de réassurance acceptées dont les risques d’assurance relèvent des catégories des dommages aux biens professionnels et agricoles, des catastrophes naturelles, de la responsabilité civile générale, des pertes pécuniaires ainsi que des dommages et des pertes pécuniaires consécutifs aux atteintes aux systèmes d’information et de communication et des transports ». Le gouvernement, qui avait lui-même déposé un amendement en ce sens avant de le retirer, ne semblait pourtant pas vouloir légiférer sur le sujet. « Nous avons déposé un amendement sur les captives d’assurance. Je prends l’engagement qu’il ne sera pas dans le texte final du gouvernement » avait affirmé devant l’Assemblée nationale le ministre de l’Economie Bruno Le Maire.

Provisions d’égalisation

En passant par le Sénat puis l’Assemblée avant d’être conservée, la révision des captives de réassurance pourrait, enfin, avoir trouvé une issue après avoir été déjà repoussée l’an dernier. Les critiques pleuvent, notamment sur la gauche de l’hémicycle, sur ce dispositif, assimilé par la députée du groupe Socialistes et Apparentés de l’Assemblée nationale Valérie Rabault à « des paradis fiscaux » car il suppose sortir une partie des résultats des entreprises de l’assiette fiscale.

« Le principe est acquis : les entreprises pourront constituer des réserves en franchise d’impôt. La discussion porte désormais sur le niveau des provisions qui pourraient être créées en franchise d’impôt : il faut que cela soit suffisamment attractif pour être incitatif. En d’autres termes, il ne faut pas que les modalités mises en place entravent le développement du dispositif », réagit Romain Dupeyré, avocat associé chez DWF.

Le texte donne déjà des précisions : « La limite dans laquelle les dotations annuelles à cette provision peuvent être retranchées des bénéfices et celle du montant global de la provision sont fixées par décret, respectivement en fonction de l’importance des bénéfices techniques et de la moyenne sur les trois dernières années du minimum de capital requis ». Ces dotations seront rapportées au bénéfice imposable au bout de quinze ans. Certains craignent que ces modalités ne soient pas assez généreuses pour réduire l’appel d’air d’autres pays plus attractifs, comme le Luxembourg. « Nous prenons acte de la volonté du gouvernement de permettre aux sociétés de réassurance captives des grandes entreprises françaises de constituer en franchise d’impôts des provisions d’égalisation leur permettant de lisser dans le temps les risques qu’elles réassureront. Ce mécanisme, opérationnel dans d’autres pays comme le Luxembourg, est de nature à favoriser le développement en France de sociétés d’assurance captives qui jusqu’ici étaient plutôt localisées à l’étranger », estime néanmoins France Assureurs.

Hausses des tarifs en assurance d’entreprise

Les assureurs auraient préféré un dispositif plus ciblé sur les risques spécifiques, comme la pandémie ou les cyber-attaques. « France Assureurs a toujours considéré que le développement de sociétés de réassurance captives pouvait être un levier complémentaire utile à une meilleure protection des grandes entreprises françaises, explique le lobby du secteur. Cette complémentarité méritait à notre sens de cibler ce développement des captives là où effectivement le marché de l’assurance et de la réassurance classique pouvait présenter un déficit de capacité. »

Car l’environnement dans lequel l’exécutif saute le pas n’est pas anodin : « C’est l’occasion d’avancer dans un contexte de marché qui favorise la création de captives de réassurance », résume Romain Dupeyré. En 2023, les entreprises font face à des hausses de tarif comprises entre 8% et 10% en moyenne lors des renouvellements de contrats d’assurance. Mais aussi à des hausses de franchise et des baisses de capacité. En s’auto-assurant sur les premières lignes, les entreprises parviennent à baisser ces tarifs, ou même à avoir accès plus facilement aux capacités du marché de la réassurance. « Nous restons attachés à un traitement équitable entre acteurs », prévient toutefois France Assureurs. Après avoir rejeté la motion de censure du groupe La France Insoumise, l’Assemblée nationale a adopté sans vote en nouvelle lecture l’ensemble du projet de budget alors que le Sénat doit l’examiner en nouvelle lecture à partir de ce jeudi 15 décembre.

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