
BANQUES - Le Conseil de résolution affine ses exigences de subordination

Le Conseil de résolution unique (SRB) a présenté le 17 février – pour consultation jusqu’au 6 mars et publication en avril comme annoncé à L’Agefi début février –, sa nouvelle méthode de calcul du ratio réglementaire européen MREL (minimum required eligible liabilities), obligatoire pour toutes les banques systémiques au niveau européen ou national dans le cadre de la nouvelle directive BRRD 2. Il met notamment en application les obligations mondiales de ratio TLAC (total loss-absorbing capacity) imposées par le Conseil de stabilité financière (FSB) aux banques systémiques globales (G-SIB) et retranscrites dans le règlement CRR2 en 2019.
Le MREL est un matelas réglementaire parallèle au ratio de levier minimum destiné à permettre une résolution bancaire par absorption des pertes en interne (bail-in) sans faire appel aux contribuables, avec, dans les faits, deux niveaux d’exigence : un ratio de subordination, constitué des éléments de capital (fonds propres CET1) et des dettes subordonnées (AT1, tier 2) ou seniors non préférées (SNP) ; un ratio MREL général, constitué en plus des dettes seniors préférées et, pari passu, des dépôts juniors non préférés. Lors d’une résolution, les deux composantes peuvent être utilisées, mais le SRB préfère généralement toucher d’abord aux dettes plus subordonnées du ratio de subordination, comme on l’avait vu avec Banco Popular en 2017.
Selon la politique de calcul révisée en 2019, le ratio de subordination devait être de 14 % ou 16 % (pour les G-SIB) des actifs pondérés par les risques (RWA), auxquels s’ajoutaient des coussins combinés (conservations + contracycliques + systémiques = CBR), mais avec un ajustement théorique calculé au cas par cas par le superviseur, pour converger vers le ratio international TLAC. Le superviseur pouvait imposer un supplément de ratio de subordination au regard de l’inclusion ou non des dettes seniors préférées (à hauteur de 2,5 % des RWA pour les G-SIB) quand les autres passifs pari passu (dépôts d’entreprises) représentaient une petite part du total de la tranche senior préférée.
NCWO
Avec cette nouvelle politique, ce principe « no creditor worse off » (NCWO), qui ne permet pas au SRB de proposer une résolution BRRD affectant davantage certains créanciers qu’une liquidation normale, est maintenu. « Dans une résolution, seuls les éléments éligibles au MREL seraient affectés, alors qu’une liquidation toucherait aussi, dans le même ordre que les dettes seniors et dépôts juniors pari passu, les dettes seniors structurées et autres dettes opérationnelles de la banque (hors ‘covered bonds’ et dépôts seniors), explique Miguel Raminhos, analyste spécialisé chez Natixis. Chaque année, l’analyse de cette situation NCWO sera la clé afin de déterminer le bon équilibre entre les deux ratios (subordination et MREL). »
Alors que ce texte entrera en vigueur à partir de 2022, les superviseurs devront communiquer aux banques les premiers chiffrages individualisés début 2021. En utilisant les formules par défaut non individualisées, le ratio de subordination moyen se situerait autour de 21 % des RWA, et le ratio MREL moyen autour de 27 % des RWA. Ces formules restent cependant complexes, et différentes selon que les banques sont G-SIB ou systémiques uniquement au niveau européen ou national. Le ratio de subordination passera de 16 % à 18 % des RWA pour les G-SIB, avec un ajustement lié à l’inclusion possible des dettes seniors préférées jusqu’à 3,5 % des RWA après analyse du principe NCWO sur les autres passifs.
Le ratio MREL reste composé à la fois d’un montant d’absorption des pertes en cas de résolution (LAA) et d’un montant de recapitalisation (RCA), qui s’expriment tous les deux sur la base des expositions RWA, le calcul du RCA pouvant néanmoins se mesurer sur la base d’un bilan réduit après une résolution avec transferts d’actifs au lieu d’un simple renflouement interne. La formule de calcul introduite dans la politique du SRB de 2019 est maintenue : 2 x (P1 + P2R) + MCC + CBR, où le Pilier 1 (8 % des RWA) et le Pilier 2 Requis (1,5 % à 3 % des RWA) sont désormais définis par les nouvelles réglementations CRD5/CRR2, et où la « charge de confiance du marché » MCC est proche du taux CBR. Avec des évolutions concernant le MCC et le RCA, explique Thomas Verdin, directeur associé au pôle banques du cabinet BM&A : « Alors que le MCC était jusque-là égal au CBR ajusté de -125 points de base (pb) représentant la confiance du marché dans la capacité de la banque à se recapitaliser après la résolution, il devra évoluer progressivement – en 4 étapes jusqu’à l’application finale de la politique MREL en 2024 – vers la formule législative d’un CBR réduit du coussin contra-cyclique. L’idée : ne considérer que les coussins propres à l’établissement, non liés à la conjoncture. »
Selon la même logique d’affiner le calcul, le RCA post-résolution, auparavant calculé de façon ex ante sur la base d’une réduction du bilan de 20 %, fera l’objet d’un ajustement plus ciblé, fixé entre 15 % et 25 % par l’autorité de supervision en tenant compte du plan de résolution élaboré par le régulateur, du plan préventif de rétablissement rédigé par la banque, et de critères économiques divers (dépôts, prêts non performants, etc.) pouvant faciliter des cessions d’actifs. « En appliquant ainsi le cadre BRRD2, la politique du SRB poursuit sa démarche pour mettre en cohérence le MREL, ratio-cible de communication et de supervision pour toutes les banques en Europe, avec le principal cadre pour une résolution NCWO (le ratio de subordination) et avec le standard international TLAC imposé aux G-SIB, tout en prenant mieux en compte le redimensionnement probable du bilan après résolution », résume Thomas Verdin.
Pour compliquer le tout, à partir de 2024, les banques devront calculer aussi le ratio de subordination selon une deuxième méthode – 8 % du TLOF (total liabilities & own funds) correspondant au total du passif plus capital réglementaire (CET 1, AT1, Tier 2) retraité de certaines positions en dérivés nettes – et choisir la moins avantageuse.
Financement
En attendant les premières exigences ciblées début 2021, et malgré les efforts de pédagogie du SRB, les experts estiment qu’il y a trop de marges de manœuvre (NCWO, RCA, etc.) permettant au régulateur d’adapter ces contraintes au cas par cas et de les éloigner des formules de calcul proposées pour que cette brève consultation éclaire plus que partiellement les banques sur la planification de leur financement.
Sur un échantillon de 24 banques européennes avec un bilan supérieur à 100 milliards d’euros couvertes par Natixis (hors BPCE), seulement 8 ne respecteraient pas déjà leur ratio de subordination RWA ; 16 seraient contraintes par le ratio de subordination TLOF à partir de 2024 ; et le déficit, entre 3 et 6 milliards chacune, les amènerait donc à lever davantage de dettes subordonnées dès 2021. « Il faudra également tenir compte de la transposition des réformes bâloises en droit européen pour application d’ici à 2027 : ‘Bâle 4’ va amener à augmenter le montant des RWA, donc les besoins de MREL et de ratio de subordination qui devront être compensés par de nouvelles émissions de dettes AT1 et Tier 2 pour restaurer les ratios de Pilier 1, et potentiellement se conformer à une partie du Pilier 2 comme la révision du P2R définie par CRD5 le permet, selon l’interprétation formulée en décembre par le Conseil de supervision de la Banque centrale européenne (BCE) », rappelle Miguel Raminhos. Pour certains, les G-SIB auront alors rempli leur « coussin » de dettes SNP via des émissions ad hoc, qui devraient donc stagner après 2020, au profit d’émissions de dettes seniors préférées (« bailinables ») pour remplir d’ici à 2024 l’écart (précité) entre le MREL total et le ratio de subordination, tout en optimisant leur structure de financement. Avant fin février, d’autres estimaient que les banques continueraient à opter pour un maximum de dettes subordonnées et SNP, par obligation structurelle pour les établissements avec holding, ou parce que le différentiel de coût n’était pas important...

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