Avocats, la relation client chamboulée

La distanciation forcée aura obligé les avocats et leurs clients bancaires à échanger et travailler différemment. Avec toujours, en ligne de mire, l’objectif de maintenir un relationnel pérenne et de qualité.
Chloe Enkaoua
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 -  Adebestock

La sophistication du droit et la mise en concurrence des cabinets d’avocats d’affaires, notamment via les panels, ont renforcé la nécessité de soigner le client. Or celle-ci a été mise à mal par l’épidémie de Covid-19 et la distanciation sociale, obligeant les avocats à s’adapter pour répondre aux besoins. « Maintenir la relation client dans un monde où il est plus difficile de se voir est délicat, témoigne Xenia Legendre, managing partner de Hogan Lovells. Cela demande plus d’efforts, et dans ce contexte, il est important d’être aux côtés des clients pour discuter ouvertement des problématiques juridiques nouvelles et des conséquences de cette crise sur leur activité. »

Et les changements ont été nombreux, notamment pour les clients bancaires et financiers. Lors du premier confinement, l’avalanche de mesures d’urgence et de nouveaux textes réglementaires a souvent amené les avocats à se poser en éclaireurs et à répondre en priorité aux urgences liées à la crise sanitaire. « On a vu ensuite un retour aux grands sujets qui préoccupent actuellement cette clientèle : le Libor, la montée en puissance du digital, ou encore le Brexit qui revient sur le devant de la scène », détaille Sharon Lewis, associée responsable du groupe institutions financières et assurances au niveau mondial chez Hogan Lovells. Les demandes très circonstancielles de la première vague ont ainsi fait place à de la consolidation ou des projets à plus long terme. Et plus que jamais, les avis juridiques sont devenus des aides à la décision. « Les cabinets avec lesquels nous travaillons ont été agiles, à l’écoute et proactifs, exactement là où nous les attendions, se félicite Virginie Brocoletti, directrice des affaires juridiques au sein du groupe Crédit du Nord. Ils n’ont pas hésité à nous envoyer des informations immédiates et des notes explicatives lorsqu’un nouveau texte sortait. Cela nous a permis de consolider nos propres interprétations, et de pouvoir ainsi communiquer très rapidement auprès de notre réseau. »

La notion de business partner a donc ici pris tout son sens, et conduit les avocats à réaliser un travail d’anticipation particulièrement poussé. « Il est important, en particulier dans ces moments-là, de se mettre à la place des clients et de leur apporter notre expérience », atteste Hervé Ekué, managing partner et associé en marchés de capitaux internationaux d’Allen & Overy. « C’est un peu comme aux échecs, car il faut sans cesse réfléchir à la prochaine étape. Nous avons en outre profité de notre réseau international pour mettre en miroir les différentes mesures d’urgence à l’étranger. Cela a renforcé nos rapports à l’échelle globale de manière très significative. Aujourd’hui, plus que des conseils, nous sommes pour nos clients de vrais partenaires, à la fois sur les questions juridiques et d’un point de vue organisationnel. » Dans ce contexte, et au vu des conseils très stratégiques attendus, les associés et les avocats plus seniors ont véritablement eu un rôle clé à jouer. « Ceux qui ont le plus d’expérience, et notamment ceux qui ont vécu la crise de 2008, ont été spécialement sollicités », confirme Hervé Ekué.

Digitalisation des rapports

Donatien de Longeaux, directeur juridique d’UBS France, fait pour sa part le distinguo entre ses avocats de longue date et les autres. « Avec nos conseils plus ponctuels, le lien s’est plutôt distendu, observe-t-il. Avec nos conseils habituels, en revanche, nous avons dû réinventer la relation entretenue souvent de longue date, quels que soient les sujets à propos desquels nous les avons sollicités. Le premier confinement a été préjudiciable à la proximité que nous avons l’habitude d’entretenir. Nous avons dû relever le défi de l’absence de contact en présentiel. » Donatien de Longeaux explique avoir eu besoin, au cours de cette période, de beaucoup plus de notes argumentées, notamment au sujet de la déchéance du terme de crédits qui a soulevé de nombreuses questions… et des débats en interne : « Nos avocats ont réussi à se mobiliser très rapidement et à co-construire avec nous les arguments pour convaincre. Il leur a fallu être encore plus didactiques. »

Si la digitalisation des rapports a donc parfois compliqué les choses, elle les a également souvent facilitées. « Pouvoir tous être connectés à une réunion à 8h30, c’est d’une efficacité redoutable », témoigne Hervé Ekué. « En termes de disponibilité des uns et des autres, il sera difficile de revenir au monde d’avant. Par ailleurs, cela nous a permis de rentrer davantage dans l’intimité de nos clients, en échangeant par exemple sur nos contraintes familiales communes. » Post-Covid, les réunions Zoom et autres closings virtuels devraient donc avoir encore de beaux jours devant eux. Et les avocats devront apprendre à travailler autrement, en s’appuyant particulièrement sur les outils digitaux. « Le digital s’accélère de manière très significative, notamment dans le secteur bancaire où la pression sur les coûts va également s’accentuer, souligne Sharon Lewis. Nous allons devoir nous adapter à ces changements et miser davantage sur les nouvelles technologies. Cela va pousser les grands cabinets comme le nôtre à investir de plus en plus dans des outils, y compris d’intelligence artificielle. »

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