La MACSF joue les synergies avec ses start-up de santé numérique

L’assureur développe son activité de « corporate venture » depuis 3 ans.
Laurence Pochard
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La MACSF ( Mutuelle d’assurances du corps de santé français) a signé trois investissements en e-santé depuis le début de 2020. En janvier, la mutuelle des professionnels de santé a réinvesti dans Wellium, maison mère de de la plateforme Leah qui propose une solution de téléconsultation. Elle avait déjà participé au précédent tour de table en 2019. En mai, elle faisait aussi partie des investisseurs d’Owkin avec Bpifrance en lead et Cathay Innovation. Cette start-up développe des solutions à base d’intelligence artificielle (IA) pour les laboratoires pharmaceutiques avec pour objectif d’augmenter la performance de leurs activités de recherche et développement. En juin, la mutuelle a mené le tour de financement de Synapse Medicine aux côtés de XAnge, BNP Paribas Développement, BPI France, de la région Nouvelle-Aquitaine et d’un business angel. «Notre intérêt pour la e-santé provient du fait que notre mutuelle soit consacrée aux professionnels de santé et nous nous devons donc de suivre les évolutions les impactant, explique Stéphane Dessirier, directeur général de la MACSF. Cela recouvre les start-up et ce qu’elles apportent en matière de protection envers les risques et d’adaptation des produits d’assurances aux nouveaux cadres comme celui de la téléconsultation. En effet, toute la déontologie doit être repensée en télémédecine. L’investissement dans ces start-up offre un poste d’observation sur l’évolution des pratiques de santé.» Cette stratégie dédiée à l’investissement dans la e-santé est en place depuis trois ans chez l’assureur, dans une logique de «corporate venture» qui conjugue l’investissement en capital risque avec l’ouverture d’une lucarne de veille sur des technologies utiles à son cœur de métier. Toujours en partenariat Déceler les pépites est affaires de spécialiste. La MACSF, créée en 1935, a donc choisi de se reposer sur l’expertise de fonds de capital innovation et de «growth» qui vont aller détecter les jeunes pousses les plus prometteuses. «Nos process sont alignés sur ceux des fonds, nous sommes accrochés au même wagon, confirme Stanislas Subra, responsable des investissements en capital risque de la mutuelle. Nous allons sur les mêmes projets pour avoir accès aux meilleures sociétés et au meilleur rendement car nous espérons un fort développement international.» Pour le moment, le groupe a investi dans moins de 10 start-up et a mis au travail une dizaine de millions d’euros, sans pression car il intervient sans enveloppe préétablie. Le ticket moyen est de l’ordre de quelques centaines de milliers d’euros, et peut augmenter avec les tours de financement successifs. L’assureur, toujours en tant qu’actionnaire minoritaire, peut être présent en amorçage, en séries A ou B, principalement dans les solutions qui permettent d’organiser le parcours de soins, de sécuriser et d’optimiser les pratiques. Depuis 2013, MACSF est «limited partner» de fonds de capital-risque. «Nous travaillons en partenariat avec les fonds dans lesquels nous avons investi, poursuit l’investisseur. Nous sommes souscripteurs chez Cathay Innovation, Serena ou Alven. Nous échangeons régulièrement avec eux, et ils nous apportent des opportunités de co-investissement, comme Lifen avec Serena. Nous n’avons pas investi dans des fonds de e-santé, mais ces fonds généralistes ont de bonnes performances et voient les meilleures sociétés dans le digital. Dans le cadre de notre allocation au non-coté, 80% passe par des fonds et 20% en direct.» Lifen permet de digitaliser l’échange de documents médicaux, et se trouve donc au croisement du digital et de la santé, en ayant recours à l’IA, présente dans de nombreuses start-up de e-santé. Dans l’autre sens, certaines jeunes entreprises sollicitent directement la mutuelle. «Beaucoup viennent nous voir car nous avons 1 million de sociétaires professionnels de santé, parce que nous avons de l’argent à placer et parce que nous avons une expérience du risque médical, synthétise Stéphane Dessirier. En outre, nous sommes proches de l’Académie de médecine et nous sommes pointus en déontologie.» Et dans un univers du «growth» compétitif pour les investisseurs, un tel profil qui offre plus que du financement est un atout pour être admis au capital des entreprises les plus prometteuses. En effet, la mutuelle va régulièrement communiquer sur ses investissements auprès de ses sociétaires, principales cibles des services développés par les start-up, afin de stimuler l’usage de leurs solutions. Au service des assurés «Ce qui prime, c’est l’utilité pour les sociétaires ou pour notre activité d’assureur», enchaîne le directeur général. Par exemple, la MACSF a proposé à ses sociétaires d’utiliser gratuitement la plateforme de téléconsultation de Leah pendant le confinement. Et les services de certaines entreprises peuvent avoir des effets sur les primes ou les garanties de l’assureur. «Dans la cadre de la réduction des risques, Synapse est utile pour éviter des erreurs médicales, au nombre de plusieurs milliers chaque année, retrace Thierry Houselstein, directeur du comité médical de l’assureur. Son usage pourrait devenir un pré-requis pour être assuré.» De façon générale, tout ce qui peut diminuer le risque, et donc les coûts associés, intéresse l’assureur. Pour cette stratégie en particulier, le retour sur investissement n’est donc pas le but premier. Pour autant, il n’est pas négligeable. «Nous investissons en non coté depuis 10 ans, cela nous apporte un levier de rendement assez exceptionnel», affirme Stéphane Dessirier. «Les fonds de growth dans lesquels nous sommes LP présentent des performances remarquables», abonde Stanislas Subra. Les investissements dans les fonds de capital investissement sont réalisés via l’assurance vie, avec le fonds Euro pour aller chercher de la rémunération supérieure au placement sans risque. La santé est bien sûr au menu de l’allocation en private equity de façon générale: La mutuelle est ainsi un actionnaire important du groupe de cliniques privées Vivalto. En revanche, elle n’investit pas en biotech, segment jugé «trop compliqué». Mais elle soutient aussi des fonds généralistes, comme ceux d’Ardian, «excellents et qui délivrent régulièrement de la performance à travers les cycles». Toutefois, l’exposition aux fonds sur la thématique santé de MACSF va encore augmenter: comme d’autres assureurs au sein de la Fédération française de l’assurance, elle s’est engagée à participer à la levée de 600 millions d’euros consacrée à ce secteur.

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