«Les grands gagnants de 2018 ont été les ETF sur actions américaines»

Marlène Hassine Konqui, directrice de la recherche ETF chez Lyxor dresse le bilan du marché des ETF en 2018, année marquée par de grandes difficultés rencontrées par la gestion active. Pour l’année à venir, la responsable anticipe une montée en puissance des stratégies passives et granulaires, ciblant des thèmes ou des secteurs. Un entretien réalisé en amont de la Journée Nationale des Investisseurs 2018.
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L’allocation d’actifs des investisseurs institutionnels a-t-elle évolué significativement en 2018 ? Les flux sur le marché européen des ETF sont significatifs à ce titre : ils sont surtout utilisés par les institutionnels pour ajuster leur allocation. Leur analyse permet de détecter des changements de tendance et, depuis l'été dernier, le comportement des investisseurs institutionnels a nettement évolué. Entre février et l’été 2018, les flux étaient assez binaires, se dirigeant surtout vers les actions américaines au détriment des autres zones. Sur les ETF obligataires, on n’observait pas de tendance marquée. Depuis, on a observé principalement trois évolutions : des sorties moins importantes des actions européennes, des flux plus défensifs, notamment vers les ETF smart beta (facteur « qualité » et stratégies « min var »), qui avaient plutôt consolidé dans les 18 mois précédents. Enfin, le retour des flux vers les obligations d’État illustre la quête de sécurité des investisseurs. Sur l’année 2018 dans son ensemble, que retenir des flux sur le marché européen des ETF ? Les grands gagnants de 2018 ont été les ETF sur actions américaines (plus de 20Md€ de collecte), les indexations globales sur l’ensemble des pays développés et les ETF sur actions émergentes. Côté obligataire, les ETF sur obligations d’État ont connu une collecte record et ont concerné les États-Unis et l’Europe démontrant que de part et d’autre de l’Atlantique, les investisseurs sont à la recherche de sécurité. A l’opposé, les ETF sur actions européennes sont les grands perdants de 2018 (3,4Md€ de sorties) suivis par les actions japonaises (2Md€ de sorties). Le segment de obligations d’entreprises a aussi souffert de près de 2Md€ de sorties. Le regain d’intérêt pour certaines stratégies smart beta (minimum variance, stratégies factorielles) témoigne aussi de la prudence des investisseurs : leur collecte a atteint 1Md€ en 2018, soit cinq fois plus que celle des ETF sectoriels. Enfin les flux vers les indexations ESG progressent fortement : 4Md€ sur l’année. Le quantitative easing semble avoir favorisé la gestion passive. La fin programmée de ces mesures exceptionnelles peut-elle modifier l’équilibre passif et actif ? L’analyse de l’environnement économique et politique est un élément crucial pour déterminer si la période est plus ou moins favorable à la gestion active ou passive. Ce qui est évident, c’est qu’à mesure qu’on se dirige vers la fin du quantitative easing, on va assister à une résurgence de la volatilité des données macro ou microéconomiques et que le cycle économique va, à un moment donné, arriver à son terme. Les valorisations devraient redevenir plus en phase avec les facteurs fondamentaux, d’où une dispersion des performances plus importante. Vous menez depuis plusieurs années une recherche sur la performance des fonds actifs. En quoi consiste-t-elle ? Nous avons développé depuis 2014 un outil d’analyse, sur 10 ans glissants, des caractéristiques de performance de 6.000 fonds actifs domiciliés en Europe, répartis en 23 univers en fonction de la classe d’actifs (actions, obligations) et deal cible géographique (Europe, États-Unis, émergents,...). L’idée est de déterminer comment la performance par rapport à l’indice de référence peut être utilisée dans la construction de portefeuille en observant année après année quels univers et quels environnements se prêtent le mieux à la gestion active ou passive. Notre analyse décompose les portefeuilles en styles de gestion pour parvenir à capturer les bénéfices spécifiques à chacun et apporter une performance additionnelle, même si l’allocation d’actifs reste le déterminant principal de la performance. Quelles conclusions peut-on en tirer sur le poids idéal à accorder à la gestion active dans un portefeuille ? En première approche, l’analyse sur les 10 dernières années des résultats des gérants suggère qu’un portefeuille composé en moyenne de 35% de stratégies actives classiques ou « de spécialité » (hedge funds, etc.) et 65% de stratégies indicielles classiques ou smart beta, aurait généré de la valeur. Si on ajoute une couche de sélection de fonds actifs plutôt que de conserver tout l’univers des fonds actifs, le mix aurait même été plus proche du 50/50. La gestion passive est favorisée dans des marchés de tendance, où la dynamique conjoncturelle macroéconomique prédomine et la liquidité est abondante. La gestion active fonctionne mieux dans des marchés guidés par les fondamentaux, réagissant de manière rationnelle aux nouvelles des sociétés. Quels enseignements tirer du contexte actuel ? L’année 2018 a été difficile pour la gestion active : seuls 31% des fonds actifs de notre échantillon ont surperformé leur benchmark de janvier à septembre, contre 44% en 2017. Cette difficulté à battre l’indice se vérifie sur l’obligataire, où l’environnement a été compliqué à la fois sur la partie taux et la partie crédit, et sur les actions, perturbées par le risque économique et politique. L’Europe est la seule zone où les fonds actifs ont plutôt bien réussi : sur la zone euro, 46% des fonds surperforment, ce qui est supérieur à la moyenne de 43% observée sur 10 ans et sur l’Europe au sens large, l’écart est encore plus fort (43% de surperformers en 2018 contre 33% en moyenne). Les gérants sont redevenus plus défensifs et ont su exploiter certains thèmes de marché. Aux États-Unis et dans les émergents, cela a été plus difficile pour la gestion active. Qu’anticipez-vous sur les trimestres à venir ? Aux États-Unis, la situation est en train de changer, avec un marché moins directionnel et une différenciation plus marquée entre actions, du fait de la hausse des taux de la Fed, de l’impact fiscal qui s’amoindrit et de la guerre commerciale. Cela plaide pour des stratégies passives plus granulaires, ciblant des thèmes ou des secteurs, voire des stratégies actives. En Europe, l’environnement reste compliqué et la tâche pourrait être plus difficile pour les gérants actifs. Notre préférence va aux stratégies passives au Japon, où les corrélations restent très élevées même si la future hausse de TVA pourrait changer la donne. De même, sur les marchés émergents, on a observé une recorrélation avec la hausse du dollar et la guerre commerciale. Des stratégies passives ciblant les pays peu dépendants du pétrole peuvent être intéressantes.

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