La Mutuelle de Poitiers, un patrimoine d’actifs qui grandit depuis 1838

La mutuelle spécialisée dans les métiers non-vie vient de lancer un développement dans la prévoyance. Prudente, elle gère ses actifs avec un horizon de temps mutualiste.
Laurence Pochard
as-fraissinet.jpg

Elle a fait le choix d’une croissance maîtrisée et indépendante. La Mutuelle de Poitiers, créée en 1838, grandit régulièrement depuis. «Nous nous sommes toujours développés par croissance interne dans les métiers non-vie, et nous venons de prendre un virage historique en créant une société d’assurances dans la branche vie pour faire de la prévoyance, explique Stéphane Désert, son directeur général. L’activité est lancée depuis fin janvier et nous avons signé les premiers contrats.» La nouvelle activité devrait contribuer à la croissance de la mutuelle. Et sûrement à celle de ses actifs: une gestion actif-passif est mise en place, l’allocation cible est en partie atteinte, et elle est exposée principalement aux produits obligataires.
Les derniers chiffres disponibles font ressortir des actifs sous gestion à 1,15 milliards d’euros à la fin de l’exercice 2021. Les placements sont sous la responsabilité d’Anne-Sophie Fraissinet depuis 2010. Celle qui cumule les postes de directeur financier et des risques et de directeur général adjoint décrit ainsi son style d’investissement: «la raison d’être de la Mutuelle de Poitiers en tant que société d’assurance mutuelle est de payer des sinistres c’est-à-dire de protéger ses sociétaires, en assurant leurs risques. En contrepartie la gestion de nos actifs, financiers et immobiliers, est exercée en limitant nos risques selon le principe de la personne prudente, et de façon rentable, ce que nous recherchons à travers notre large diversification de chacun des compartiments de nos actifs.»

Un important portefeuille d’immeubles

La répartition des actifs n’a que peu évolué en 2022 par rapport à 2021, et la part consacrée à l’immobilier reste élevée, autour de 20%. «Notre patrimoine immobilier est constitué de très longue date et pourrait être qualifié de classique, mais aussi de qualité et durable», précise Anne-Sophie Fraissinet. Elle ajoute qu’il est réparti sur de grandes villes plutôt de l’ouest de la France comme Poitiers, Bordeaux, Tours et Nantes mais aussi Paris. La mutuelle est également le plus souvent propriétaire dans presque toute la France des points de vente tenus par ses agents généraux. Mis à part l’investissement dans quelques fonds pour environ 25 millions d’euros, l’immobilier est surtout géré en interne par une équipe dédiée de sept personnes, alors que les autres classes d’actifs gérées en direct occupent quatre personnes. Les immeubles détenus sont en général mixtes avec des bureaux et des logements ainsi que des commerces en rez-de-chaussée, et la Mutuelle de Poitiers apprécie les bâtiments haussmanniens. Elle passe actuellement ce portefeuille en revue sous l’angle de la durabilité et des économies d’énergie. Sur la partie concernée par le décret tertiaire, pour les bâtiments de plus de 1.000 mètres carrés, elle se dit en bonne marche pour atteindre les objectifs réglementaires pour 2030. L’investisseur a fait établir tous les diagnostics énergétiques de son parc locatif et entreprend des travaux structurels sur certains immeubles pour atteindre la note minimum de D.

La classe d’actifs prépondérante dans le portefeuille reste toutefois l’obligataire, qui représente autour de 60% des placements. «En matière d’investissement obligataire, nous intervenons en direct sur les marchés financiers avec un profil « buy and hold », mais nous passons également par des fonds pour les segments de marché ou les stratégies que nous ne souhaitons pas gérer en direct, comme le segment du High Yield, les fonds obligataires internationaux ainsi que des stratégies plus complexes à mettre en œuvre à notre niveau, détaille la responsable.Ainsi par exemple pendant ces dernières années, nous avons utilisé des fonds obligataires couverts short duration.» Avec la hausse des taux, la responsable se repositionne très régulièrement sur le marché des taux en direct, ce qui lui permet d’accompagner le marché, avec des durations qui tendent à s’allonger tout en privilégiant des émetteurs de très grande qualité.

Actionnaire actif et responsable

La Mutuelle de Poitiers investit autour de 13% de son portefeuille en actions cotées, pour les trois-quarts du volume en direct dans les grandes capitalisations et le reste via des fonds. Elle vote lors de toutes les assemblées générales des sociétés dont elle est actionnaire. Elle a également mis en place une politique d’exclusions en lien avec son éthique. Elle refuse ainsi d’investir dans des sociétés impliquées dans la fabrication, le commerce et le stockage de mines anti-personnel et de bombes à sous-munitions, ou dont l’activité principale est liée au tabac, aux jeux d’argent ou à la pornographie. Cette charte d’investissement responsable est d’ailleurs applicable à toutes les classes d’actifs. « Nous avons une forte implication en matière de durabilité, nous avons pris des engagements d’investisseur responsable depuis plusieurs années, exposés dans une charte d’investisseur responsable et avec un suivi des études en matière ESG de notre portefeuille d’actifs financiers, décrit Anne-Sophie Fraissinet. En tant qu’assureur IARD, nous n’étions pas encore soumis à publier notre politique de durabilité, mais le lancement de notre activité de prévoyance, via notre filiale Pronoé, nous a amenés à formaliser cette politique que nous publierons sur notre site. »

Se diversifier pour aller chercher du risque

L’assureur a également entrepris une diversification vers les classes d’actifs illiquides, censées offrir davantage de rendement: dette privée, private equity, mezzanine et fonds d’infrastructures. Elles pèsent un peu moins de 5% de ses actifs. «Cela nous permet d’accompagner d’autres entreprises que celles qui vont sur les marchés publics avec une rémunération intéressante mais une liquidité moindre, explique Anne-Sophie Fraissinet. Nous favorisons les sociétés de gestion reconnues sur la place pour leur sérieux, et nous diversifions par métiers et par millésimes.» L’investisseur collabore avec une quinzaine de sociétés de gestion partenaires, essentiellement françaises, parmi lesquelles se trouvent en non coté Swen Capital Partners – notamment dans son fonds «Blue Ocean"- Impact Partners, Trocadéro Capital Partners ou encore avec CIC, BNP et Lazard pour certaines de leurs stratégies. En dette privée, la mutuelle fait en outre partie de la vingtaine d’assureurs qui ont abondé le premier volet des obligations «relance». L’assureur se montre exigeant lors de la sélection de ces gérants: il est important pour lui de s’assurer que les fonds sont gérés par des sociétés qui mettent la durabilité au cœur de leur propre ADN, et qui intègrent dans leur analyse et leur sélection les critères ESG de façon réelle. «Nous essayons de nous prémunir du greenwashing au maximum en suivant attentivement les reportings de durabilité de nos contreparties, souligne la directrice finance et risques. Quand je participe aux comités d’investissement de certains fonds non cotés, je les challenge sur leurs engagements, l’existence et le suivi de réels indicateurs de durabilité, c’est une façon d’agir et de participer activement à la réalisation des objectifs en matière de développement durable quand on n’est pas un acteur majeur.»
La Mutuelle de Poitiers reste en tout cas réactive à l’évolution des marchés, et en fonction n’exclut pas d’accorder à l’avenir de nouveaux mandats à des gérants externes.

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles Actualités

Contenu de nos partenaires

Les plus lus de
A lire sur ...