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« Beaucoup d’investisseurs victimes de fraude boursière ne cherchent pas à en obtenir réparation »
Il est fréquent que les investisseurs européens victimes de fraude boursière concernant des titres américains ne cherchent pas à en obtenir réparation. Pourtant plusieurs voies existent pour entamer une procédure et bénéficier d’une indemnisation. Dans cet entretien, Bruno Rosenbaum, Partner, Head of International Clients, de Kahn Swick & Foti, l’un des principaux cabinets d’avocats américains spécialistes des fraudes boursières, détaille les opportunités dont peuvent se saisir les actionnaires de sociétés cotées au Etats-Unis.
« Tout d’abord, la fraude boursière est caractérisée lorsqu’une société émet de fausses informations dans le but d’influer sur le cours de bourse, qui augmente d’une manière artificielle, pour chuter lorsque la vérité éclate, engendrant une moins-value pour ses actionnaires » précise Bruno Rosenbaum. Ce préjudice peut être indemnisé. Aux Etats-Unis, où se concentrent plus de 95% du contentieux boursier mondial (chaque année, environ deux milliards de dollars sont distribués à des investisseurs victimes de fraude boursière), les procédures sont relativement rapides, puisqu’elles s’étalent sur deux-trois ans, contre une dizaine d’années en moyenne dans le reste du Monde.
Le coût de la procédure est supporté par les avocats
Le système américain des class actions permet un recours collectif, regroupant tous les actionnaires victimes d’un même préjudice d’être indemnisés. Ils sont représentés par un actionnaire ou un groupe d’actionnaires : le « lead plaintiff ». Cependant, le coût de la procédure est exclusivement supporté par les avocats. Qu’il soit lead plaintiff ou qu’il préfère rester passif, l’actionnaire n’a pas à supporter ce coût.
La période de la fraude peut être déterminante
Lorsque les parties se mettent d’accord, le juge nomme un administrateur judiciaire qui va être en charge de distribuer les fonds. « Même si vous avez été passif pendant toute la durée du litige, vous devez notifier à l’administrateur judiciaire que vous étiez actionnaire pendant la période litigieuse et qu’ainsi vous souhaitez recevoir votre indemnisation. Cependant rester passif ne permet pas d’obtenir systématiquement le même résultat qu’en prenant le rôle de lead plaintiff », indique Bruno Rosenbaum. Le lead plaintiff va contrôler le procès. Il nomme ses avocats, choisit les demandes à exprimer, qui ne sont pas uniquement financières. En particulier, il fixe la « class period », c’est à dire la période de fraude. Or son impact sur l’indemnisation potentielle peut être déterminante. « La fin de la période de fraude est généralement assez objective : elle correspond au jour de la chute du cours de bourse. Mais, le début de la période de fraude est plus subjectif. Quand a commencé cette fraude ? Quand a eu lieu la première fausse information ? Est-ce qu’elle figurait dans le rapport annuel, dans une déclaration du CEO, dans un call avec les investisseurs ? Cette période de fraude peut dépendre de la stratégie du lead plaintiff : il va plaider en faveur d’une période qui favorise la prise en compte de ses propres investissements » détaille Bruno Rosenbaum. Dans cette perspective, ses avocats mèneront une enquête afin d’identifier si des déclarations des dirigeants de la société en cause, des documents publiés auprès de la SEC ont pu constituer de fausses informations susceptibles d’étendre la période de fraude au bénéfice de leur client actionnaire. « Si les opérations de l’investisseur ne sont pas incluses dans la class period en tant que membre passif, un investisseur diligent devrait au minimum évaluer l’opportunité de devenir lead plaintiff, en particulier lorsque cette démarche pourrait permettre d’intégrer ses opérations et de prétendre à une indemnisation potentiellement bien supérieure, avec un écart pouvant atteindre plusieurs dizaines de millions de dollars, selon les montants investis » observe Bruno Rosenbaum.
Le « portfolio monitoring » permet d’être informé des opportunités
En amont, la décision de participer ou non à une procédure doit être murement réfléchie. C’est aussi le rôle du cabinet d’avocats qui, supportant les charges de cette procédure, sera très attentif à l’intérêt d’agir. « En tant que cabinet spécialisé, nous analysons plusieurs centaines de litiges chaque année, pour n’en recommander que quelques-uns » témoigne Bruno Rosenbaum. C’est ainsi que dans le cadre d’une revue régulière de son portefeuille (« portfolio monitoring »), un investisseur peut être informé des opportunités d’être partie à une procédure, aux Etats-Unis ou sur d’autres marchés. « Ce service est gratuit et consiste pour l’investisseur à nous adresser, sur un rythme mensuel ou bimensuel, ses ordres d’achat et de vente, afin que nous puissions l’alerter des cas de fraude boursière susceptibles d’impacter son portefeuille et lui recommander la voie à suivre » indique Bruno Rosenbaum.
Outre le montant potentiel d’indemnisation, le cabinet analysera le type de fraude. « Même si le contentieux judiciaire ne fait pas partie de l’ADN d’un investisseur institutionnel, il sera sensible, en tant qu’investisseur responsable, au besoin de s’engager face au comportement frauduleux d’une entreprise, d’autant plus s’il s’agit d’enjeux sociaux ou environnementaux » relève ainsi Bruno Rosenbaum.
Bruno Rosenbaum est Partner, Head of International Clients, du cabinet d’avocats américain Kahn Swick & Foti, LLC.
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