
Bercy ouvre la porte à de possibles annulations de dette pour les entreprises

L’annonce a surpris les avocats spécialisés dans la restructuration des dettes d’entreprises. Une partie de la dette de certaines entreprises confrontées aux retombées économiques de la crise sanitaire du covid pourrait être annulée «au cas par cas», a déclaré mercredi sur BFM TV le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire. «On ne va pas attendre que l’entreprise se prenne le mur. On va regarder sa situation (...), voir s’il faut étaler sa dette, voire annuler sa dette en partie», a-t-il ajouté. Pour cela, le ministre proposera «d’ici à quelques semaines un dispositif de concertation et de conciliation qui doit permettre pour toutes les entreprises qui sont en train d’arriver face à ce mur de la dette de leur proposer une solution sur mesure». La concertation permettrait de réunir l’Etat, le commissaire aux comptes, les représentants du Tribunal de commerce et les banquiers pour mieux identifier les problèmes et leur donner du temps a détaillé le ministre en citant l’exemple des PME de l’aéronautique qui pourraient rebondir…
Face à l’incompréhension, des sources financières informées expliquent que «le ministre a avancé l’idée en étant conscient des risques de défaillance à venir d’entreprises qui, pour certaines auraient fait défaut de toute façon, mais pour d’autres avaient une activité tout à fait viable avant la crise et qui le redeviendra après : il souhaite qu’un processus permette entretemps d’anticiper, d’accompagner et d’informer au mieux ces entreprises, en toute transparence».
S’il devait s’agir d’annuler de la dette privée, les avocats spécialisés en restructuration s’étonnent quand même : «N’est-ce pourtant pas déjà l’objectif du droit des entreprises en difficulté de permettre de la réduire voire de l’annuler ? Ce n’est pas le rôle de l’Etat de s’immiscer : il appartient aux tribunaux de valider des plans prévoyant le cas échéant des réductions de dette conformément à la loi», rappelle l’avocate Sophie Vermeille (Vermeille & Co), en évoquant les différentes procédures existantes. «Nous sommes dans une économie libérale où l’Etat ne peut pas décider de l’annulation des dettes privées comme ça, confirme Didier Bruère-Dawson, associé de Bryan Cave Leighton Paisner (BCLP). Même pour les entreprises de plus de 400 salariés, le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) propose, mais ne peut rien imposer aux créanciers privés.»
Pour les dettes sociale et fiscale, ce serait un autre débat. «Mais pour être cohérent avec son idée, pourquoi l’Etat n’envisage-t-il pas la suppression du ‘privilège du Trésor’, une spécificité française qui rend les dettes sociales prioritaires sur toutes les autres créances chirographaires», s’interroge Sophie Vermeille. Selon elle, cette situation spécifique fragilise les entreprises ayant des difficultés d’accès au crédit. Une telle réforme encouragerait aussi les services de l’Urssaf à se mobiliser plus rapidement : ils sont en effet souvent les mieux placés pour déceler les premiers signes de difficulté et pourraient les contraindre à y remédier plus vite : «Au lieu cela, ils laissent traîner car on peut supposer ils se savent davantage protégés que les autres créanciers.»
Attention à la requalification en aides d’Etat par Bruxelles
«Même pour ces dettes publiques – auxquelles il faut désormais ajouter les prêts garantis par l’Etat (PGE) – la logique est bien plus souvent au rééchelonnement des dettes qu’à l’abandon pur et simple, ce qui risquerait d’être requalifié en aides d’Etat à Bruxelles», rappelle Didier Bruère-Dawson. De fait, après la crise de 2008, l’Etat français avait autorisé via les services ad hoc d’importantes annulations de dettes sociales et fiscales pour de nombreuses entreprises et PME françaises, déjà «au cas par cas», pour plusieurs milliards d’euros au total, mais les rapports sur le sujet n’ont jamais été publiés, notamment au regard des problématiques de déficit public et d’aides d’Etat. Il serait du coup appréciable, mais aussi peut-être risqué, que le Ministère mette en place un processus rigoureux et transparent cette fois-ci.
Selon une étude publiée mercredi par le cabinet Altares, les défaillances d’entreprises sont en recul de 32% sur un an au premier trimestre 2021, mais 79% des jugements mènent désormais directement à la liquidation de l’entreprise. En particulier pour les PME, qui finissent par craquer. Pour les autres, les procédures de restructuration ont reculé de 30% à 40% pour l’instant, grâce aux différentes mesures d’aides, mais les experts craignent que cela ne fasse que repousser le problème si la reprise économique n’est pas forte et rapide. Les économistes expliquent régulièrement combien des entreprises maintenues en vie artificiellement dans la durée («zombies») nuisent aux gains de productivité, à la croissance et à l’emploi, mais cette crise particulière montre aussi que la plupart des Etats ont pris ce parti, au moins dans un premier temps.
{"title":"M\u00e9diation des entreprises»,"body":{"value":"Mercredi, le M\u00e9diateur des entreprises et la Chambre de commerce et d\u2019industrie (CCI), \u00e0 qui Bruno Le Maire avait confi\u00e9 en d\u00e9cembre une mission d\u2019accompagnement pour les entreprises des secteurs touch\u00e9s par la crise (restauration, h\u00f4tellerie, voyagistes, salles de sports, traiteurs, \u00e9v\u00e9nementiel, discoth\u00e8ques), ont pr\u00e9sent\u00e9 leur dispositif \u00e0 deux niveaux pour optimiser leur acc\u00e8s aux mesures de soutien. Avec les CCI comme point d\u2019entr\u00e9e de premier niveau, du diagnostic \u00e0 l\u2019orientation vers les diff\u00e9rents dispositifs dont l\u2019aide des m\u00e9diateurs du cr\u00e9dit pour n\u00e9gocier un r\u00e9\u00e9chelonnement des cr\u00e9dits bancaires. Puis le M\u00e9diateur des entreprises, qui a bien pr\u00e9cis\u00e9 qu\u2019il n\u2019y avait pas de liens avec l\u2019annonce du ministre (ci-dessus), peut intervenir pour traiter les diff\u00e9rends entre entreprises, et des difficult\u00e9s sp\u00e9cifiques d\u2019acc\u00e8s aux aides.<\/p>\n»,"format":"light_html"}}
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse