
Les trésoriers, des experts qui comptent

Entre la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et la crise énergétique, les trésoriers n’ont pas chômé ces derniers mois. « Cet environnement macroéconomique compliqué a d’ailleurs permis de rappeler que la trésorerie occupe une place centrale au sein des organisations, estime Stéphanie Rousseau, directrice trésorerie et financement de Saur. Sans leur expertise, lorsque l’accès à la liquidité est devenu très compliqué pendant la crise sanitaire, nombre d’entreprises n’auraient plus été en mesure de payer salariés et fournisseurs… Et ce rôle stratégique est appelé à se renforcer dans un contexte de remontée des taux. » « Ce qui a aussi changé, c’est que l’horizon de temps s’est accéléré, l’enchaînement des crises nous imposant d’être de plus en plus agiles dans notre rôle de sentinelle, constate Hélène Guessant, directrice trésorerie, financement et consolidation de Chantelle. Les trésoriers doivent en effet être à l’écoute des fonctions internes, tout en étant tournés vers le monde extérieur afin de récupérer, auprès des cabinets de conseil, des banques, des éditeurs de logiciels ou des régulateurs, toutes les informations susceptibles d’avoir un impact sur l’entreprise. »
Digitalisation et RSE
Les trésoriers sont en outre confrontés à deux chantiers de taille : la digitalisation et les enjeux RSE (responsabilité sociétale des entreprises). « Si ce n’est pas notre rôle de définir la stratégie RSE des entreprises, c’est à nous de sensibiliser les organisations sur notre capacité à privilégier des financements indexés sur des critères ESG (environnement, social, gouvernance, NDLR) », souligne Stéphanie Rousseau. En matière de digitalisation, les trésoreries ont toujours été en avance de phase par rapport aux autres fonctions, en adoptant très tôt des treasury management systems (TMS). « Mais aujourd’hui, pour en avoir discuté avec mes confrères, je sais que beaucoup envisagent de changer de logiciel ou de recruter des experts pour internaliser la maintenance de leur TMS », révèle Stéphanie Rousseau.
C’est cette option qu’a retenue la direction de la trésorerie, des financements et de l’ingénierie financière de Thales, où quatre ingénieurs sont dédiés au déploiement et au support des solutions IT. « Avec des profils de plus en plus techniques, observe son directeur, Jean-Claude Climeau. Pour intégrer cette équipe, il faut d’abord avoir une très bonne formation en SI (systèmes d’information), mais aussi comprendre les enjeux fonctionnels de la trésorerie et maîtriser la gestion de projet car, au quotidien, vous devez être capables d’échanger avec le métier et les experts de la DSI lorsqu’il s’agit de déployer un nouvel outil ou de faire du support auprès de plusieurs centaines d’utilisateurs. »
Pour remplir leurs missions, les trésoreries s’appuient en général sur des effectifs relativement réduits et stables. « Au sein de mon équipe, deux experts ont en charge la trésorerie, le financement et la maintenance du SI, le troisième étant dédié la consolidation », détaille Hélène Guessant. Chez Thales, les effectifs en trésorerie ont très peu évolué ces dernières années. La moitié des 80 collaborateurs sont basés au siège, l’autre moitié étant constituée de correspondants implantés dans les filiales du groupe à travers le monde. « En moyenne, 10 % de l’équipe évolue tous les ans en raison de départs à la retraite, d’évolution de notre organisation ou de mobilités internes, confie Jean-Claude Climeau. Pour les remplacer, nous recrutons sur le marché, dans les grandes banques et les autres corporates, mais aussi en interne dans des fonctions financières plus généralistes, comme le contrôle de gestion. »
Ce recours à la filière interne et à l’alternance permet de s’affranchir des tensions sur le marché de l’emploi. « C’est vrai que le recrutement est devenu plus compliqué qu’il y a quelques années, constate Stéphanie Rousseau. Les candidats savent qu’ils peuvent en ce moment changer facilement de poste. Ils n’hésitent donc pas à se montrer gourmands en matière de rémunération car ils connaissent leur valeur. Aujourd’hui, lorsque vous recevez un jeune diplômé, l’une des premières questions qu’il pose concerne le niveau de rémunération. Et si vous ne vous alignez pas sur les prix du marché, soit il ne vient pas, soit il partira rapidement pour obtenir plus ailleurs. »
Image de marque
Pour faire la différence, les trésoreries misent sur l’image de marque de leur entreprise. « Chez Saur, nous avons la chance d’évoluer dans le business de l’eau, qui est intimement lié aux problématiques de développement durable et d’ESG. Or c’est un argument qui compte aux yeux des jeunes générations », souligne Stéphanie Rousseau. De son côté, Thales met en avant son image de société technologique. « Beaucoup d’ingénieurs rêvent de venir travailler chez nous pour le côté innovant du groupe, assure Jean-Claude Climeau. Et lorsque nous recrutons des trésoriers, c’est aussi notre solidité financière et notre implantation à l’international qui résonnent à leurs oreilles car ils savent que, chez nous, ils auront de réelles perspectives d’évolution. » Des évolutions qui peuvent se dérouler au sein même de la trésorerie. « Lorsque vous êtes en poste sur un métier de la trésorerie ou du financement, vous pouvez avoir envie de toucher à différents sujets, comme le cash management, le change ou le financement export, note Jean-Claude Climeau. Vous pouvez aussi accéder à des responsabilités managériales ou envisager une expérience à l’international… L’un de nos experts en salle de marché a récemment pris des responsabilités en trésorerie au sein de l’une de nos filiales. Mais vous pouvez aussi choisir d’y effectuer un passage de trois ou quatre ans pour, derrière, rebondir sur des postes de contrôleur de gestion, de gestion de projet ou de directeur financier de business unit. » Positionnée au cœur des risques financiers, la trésorerie se révèle un véritable accélérateur de carrière. « Un métier passionnant, en prise avec les marchés, le business, la stratégie de l’entreprise et le monde qui l’entoure », conclut Jean-Claude Climeau.
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Au Brésil, le procès Bolsonaro entre dans sa phase décisive
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L'ambassadeur britannique aux Etats-Unis limogé, pour ses liens avec Jeffrey Epstein
Londres - L’ambassadeur britannique aux Etats-Unis, Peter Mandelson, a été limogé jeudi en raison de ses liens avec le délinquant sexuel américain Jeffrey Epstein, un revers de plus pour le Premier ministre Keir Starmer avant la visite d’Etat de Donald Trump au Royaume-Uni. La pression montait depuis plusieurs jours sur Keir Starmer, qui avait nommé il y a moins d’un an cet architecte du «New Labour» de Tony Blair, pour tenter de consolider les liens entre son gouvernement et la nouvelle administration Trump. Des mails entre le vétéran du parti travailliste de 71 ans et le financier américain, mort en prison en 2019, révélés cette semaine, «montrent que la profondeur et l'étendue des relations de Peter Mandelson avec Jeffrey Epstein sont sensiblement différentes de celles connues au moment de sa nomination», a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. «Compte tenu de cela, et par égard pour les victimes des crimes d’Epstein, il a été révoqué comme ambassadeur avec effet immédiat», a ajouté le Foreign Office. Dans une lettre écrite par Peter Mandelson pour les 50 ans de Jeffrey Epstein en 2003, et publiée en début de semaine par des parlementaires à Washington, le Britannique affirme que le financier américain est son «meilleur ami». Interrogé mercredi après la publication de cette lettre, le Premier ministre Keir Starmer lui avait apporté son soutien, assurant que Peter Mandelson avait «exprimé à plusieurs reprises son profond regret d’avoir été associé» à Jeffrey Epstein. Mais cette position est rapidement devenue intenable. En fin de journée mercredi, des médias britanniques, dont le tabloïd The Sun, ont rapporté que M. Mandelson avait envoyé des mails de soutien à Jeffrey Epstein alors que ce dernier était poursuivi en Floride pour trafic de mineures. Juste avant que M. Epstein ne plaide coupable pour conclure un arrangement dans cette affaire en 2008, Peter Mandelson lui aurait écrit: «Je pense énormément à toi et je me sens impuissant et furieux à propos de ce qui est arrivé», l’incitant à "(se) battre pour une libération anticipée». «Je regrette vraiment très profondément d’avoir entretenu cette relation avec lui bien plus longtemps que je n’aurais dû», avait tenté de se défendre l’ambassadeur dans un entretien diffusé mercredi sur la chaîne YouTube du Sun. Il y a affirmé n’avoir «jamais été témoin d’actes répréhensibles» ou «de preuves d’activités criminelles». «Sérieuses questions» «L’affirmation de Peter Mandelson selon laquelle la première condamnation de Jeffrey Epstein était injustifiée et devait être contestée constitue une nouvelle information», a fait valoir le Foreign Office pour expliquer la décision de le limoger. Dans une lettre au personnel de l’ambassade, citée jeudi soir par la BBC, Peter Mandelson affirme que ce poste a été le «privilège» de sa vie. «Je regrette profondément les circonstances qui entourent l’annonce faite aujourd’hui», ajoute-t-il. Les relations entre Londres et Washington sont «en très bonne posture», se félicite l’ex-ambassadeur, disant en tirer une «fierté personnelle» Pour Keir Starmer, ce départ, à une semaine de la visite d’Etat du président Donald Trump au Royaume-Uni les 17 et 18 septembre, est un nouveau coup dur. Le dirigeant travailliste, au plus bas dans les sondages, a déjà dû se séparer il y a quelques jours de sa vice-Première ministre, Angela Rayner, emportée par une affaire fiscale, ce qui a déclenché un remaniement de taille du gouvernement. Trois fois ministre et commissaire européen, Peter Mandelson était le premier responsable politique nommé ambassadeur à Washington, un poste traditionnellement réservé à des diplomates chevronnés. Cet homme de réseaux et d’influence, surnommé le «Prince des ténèbres», était déjà tombé à deux reprises par le passé en raison d’accusations de comportements répréhensibles ou compromettants. La cheffe de l’opposition conservatrice Kemi Badenoch a fustigé le «manque de courage» de Keir Starmer, qui «a encore échoué à un test de son leadership». Marie HEUCLIN © Agence France-Presse