
Les entreprises encadrent le risque matières premières

La flambée des prix des matières premières l’an dernier a souvent pris de court les entreprises. Il est vrai que les variations étaient inédites, avec des multiplications soudaines par quatre à cinq dans l’énergie. Mais même si les prix ont retrouvé des niveaux proches de ceux de l’automne 2021, les entreprises sont souvent encore en réflexion pour se prémunir à l’avenir contre pareil épisode. «Nous n’avons pas constaté de demandes de couvertures sur les matières premières plus nombreuses suite aux hausses de cours qui ont marqué l’année 2022, même si les échanges sur le sujet ont été beaucoup plus fréquents, rapporte Sébastien Rouzaire, président fondateur de Kerius Finance, et membre de la Commission Finance d’Entreprise de l’Anacofi. Les entreprises non couvertes et surprises par les hausses brutales avaient à traiter l’urgence, parfois en mode survie, et les prix des couvertures, indexés sur les prix des matières, n’auraient de toute façon pas permis de sauver les marges au plus fort de la crise. »
Il est vrai aussi que dans l’énergie, la norme n’est pas le recours aux couvertures financières, les entreprises discutent plutôt les prix avec leurs fournisseurs. La question est de négocier au mieux alors que les prix vont rester à des niveaux élevés. C’est le sens du Fonds de garantie publique qui vient d’être mis en place par l’Etat, pour rassurer les fournisseurs.

Mais pour garder une certaine indépendance vis-à-vis de ceux-ci et couvrir des besoins importants ou moins récurrents, les entreprises s’intéressent davantage au suivi de leurs risques et aux assurances possibles. «Le sujet des prix des matières premières est devenu plus sensible après la flambée des prix de l’an dernier, beaucoup de directions financières ont revisité la carte de leurs expositions, les indices de référence et les programmes de couvertures », rapporte Thomas Prunier, membre de la commission risques de l’Afte, responsable de la gestion des risques financiers au sein d’une grande entreprise industrielle internationale. Les entreprises de taille intermédiaire ou moyenne sont plus en phase d’apprentissage. «Davantage d’entreprises nous interrogent en vue de piloter et suivre leurs risques», témoigne Olivier Lechevalier, président de Defthedge, société spécialisée dans la gestion digitale du risque de change et de matières premières. Les sociétés de moins d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires en sont souvent encore au stade de la réflexion. En pratique, la souscription de couvertures financières n’est pas beaucoup plus fréquente qu’auparavant. »
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Banques en retrait
Il est vrai qu’il s’agit d’un exercice complexe, avec des marchés moins liquides que celui du change, des coûts d’exécution potentiellement plus élevés. «Pour acheter des couvertures financières sur les matières premières, il faut commencer par identifier les banques actives sur telle ou telle matière, car elles ont eu tendance ces dernières années à faire des allers-retours dans leurs offres à cet égard, notamment pour les matières agricoles, expose Sébastien Rouzaire. En outre, les banques réclament souvent des volumes minimaux que les PME, nos clients, n’atteignent pas forcément.» Celles-ci sont en train de prendre le sujet en mains. «A 163 euros, le prix du kwh d’électricité en puissance constante à 12 mois a rejoint son niveau d’octobre 2021, celui du gaz à 46 euros est au niveau de septembre 2021. Les prix redeviennent intéressants. Nous commençons à expliquer aux entreprises qu’il s’agit de niveaux de prix à nouveau ‘praticables’ pour commencer à se couvrir», affirme Solal Huard, CFA, directeur, Kerius Finance.
En interne, les entreprises sont incitées à procéder avec méthode pour optimiser les achats de dérivés auprès des banques et des courtiers. «Avant de souscrire une couverture, une entreprise doit mesurer son exposition, déterminer quelle marge elle veut protéger et prendre en compte le risque de change qui, souvent, annule en partie l’évolution des prix des matières premières», recommande Olivier Lechevalier.
Surtout, les responsables doivent éviter de se laisser attraper par les effets d’annonces et les mouvements de prix. «Quelle que soit la volatilité des prix de l’énergie et des matières premières, les grands groupes déroulent un programme de couvertures visant à lisser les effets de la volatilité dans le temps», rappelle Thomas Prunier. Il est rare que les trésoriers agissent par à-coups. Certaines entreprises fixent même par avance des dates limites pour atteindre des ratios de couverture. «Nous avons une politique de couverture systématique qui nous donne de la visibilité ainsi qu’à nos clients, explique ainsi Patrice Lucas, directeur général de Verallia qui a d’importants besoins d'électricité pour ses fours. En clair, nous couvrons 85% de nos besoins de l’année n+1, 50% en n+2 et 25% en n+3. Les couvertures sont renouvelées au fil du temps et nous permettent d’amortir la volatilité. En pratique, nous demandons à nos fournisseurs des prix fixés d’avance et nous achetons des couvertures financières auprès des banques. »
Mais s’il est contre-productif de se couvrir quand les cours s’envolent, cela ne veut pas dire rester insensibles aux opportunités. «Nous recommandons aux dirigeants qu’il convient de rester opportuniste et de saisir les occasions sur les marchés quand elles se présentent et correspondent à leurs besoins particuliers, avance Solal Huard. Par exemple, le coût du fret s’est effondré ces derniers mois et des opportunités pour fixer les prix étaient à nouveau disponibles récemment. »
Evolution notable imprimée par les hausses de prix, les directions financières se sont rapprochées des départements achats, souvent responsables de contrats de fournitures d’énergie. «On voit à présent plus d’entreprises voulant changer et davantage recourir à des couvertures via des dérivés de gré à gré. Le sujet passe alors dans le giron de la direction financière qui est plus impliquée sur le sujet désormais», dévoile Thomas Prunier. De quoi mieux adosser les couvertures aux besoins physiques.
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