La réforme de la facture électronique avance cahin-caha

La réunion de la communauté de relais n’a pas permis à Bercy de dissiper le brouillard, tant sur le calendrier que sur les modalités.
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Bercy n'a pas tout à fait dissipé le brouillard autour de la facture électronique  - 

Fin juillet, au cœur de l’été, la Direction générale des Finances publiques (DGFiP), grande ordonnatrice de la réforme de la facture électronique, avait annoncé par communiqué le report de cette dernière. En laissant son écosystème dans un brouillard estival. Ces parties prenantes, des entreprises émettrices/réceptrices de factures aux éditeurs de logiciels et autres conseils, attendaient de pied ferme ce jeudi 14 septembre pour y voir plus clair. Ce jour-là s’est en effet déroulée comme prévu la réunion de la communauté de relais de la facture électronique, instance animée par la DGFiP et l’Agence pour l’informatique financière de l’Etat (AIFE). Mais la réunion à Bercy, qui comptait 250 inscrits en physique et 180 à distance, n’a, selon certains professionnels, pas tenu toutes ses promesses de dissipation des incertitudes. «Les échanges ont été riches, nourris et constructifs dans un esprit partagé d'écoute et de dialogue», a pourtant salué la DGFiP dans un post Linkedin.

La puissance publique, représentée tout de même notamment par le directeur général des Finances publiques, Jérôme Fournel, la directrice de projet facturation électronique à la DGFiP, Céline Frackowiak, et la directrice de l’AIFE, Armelle Degenève, a reconnu que le report ne trouvait pas sa source dans le manque de préparation du secteur privé, mais dans la conception du portail public de facturation (PPF). Ce dernier est le nœud central du futur schéma de flux, point de déversement des données de transaction vers l’administration fiscale et chef d’orchestre des échanges inter-plateformes avec son annuaire. Le prestataire technologique Capgemini a été invité à s’en expliquer à la tribune. Alors que la mise en œuvre opérationnelle du PPF était précédemment annoncée pour début 2024, la DGFiP évoque désormais, sans que le calendrier ci-après soit encore tout à fait officiel, une finalisation de son développement au mieux à l’automne 2024. L’année 2025 serait consacrée aux tests du nouveau système, passant par la phase pilote précédemment prévue début 2024. L’appel à participation à ce pilote connaît «un grand succès, avec 116 dossiers déposés représentant 1.313 entreprises», souligne Christophe Viry, directeur marché et produit chez Generix, et administrateur du Forum national de la facture électronique (FNFE), participant à la réunion à Bercy.

Mobilisation

Avant donc embarquement des entreprises «facturières» en 2026. Toutes les sociétés concernées par la réforme, à savoir celles soumises à la TVA pour les transactions franco-françaises, avaient selon le précédent calendrier l’obligation de réception de la nouvelle facture au 1er juillet 2024, et d’émission pour les plus grandes. Celles de taille intermédiaire devaient suivre au 1er janvier 2025 et les petites un an plus tard. Désormais, le calendrier comportera deux vagues et non trois, avec d’abord les grandes et celles de taille intermédiaire (ETI) début 2026 et les moyennes et petites pourquoi pas à l’automne. «Un planning décalé mais resserré, pointe Christophe Viry, avec 18 mois de retard au démarrage et 10 mois à l’arrivée». Le cadre de Generix se désole d’un «si long report, d’autant plus qu’il était exclu jusqu’en juillet dernier, le risque bien entendu est celui de la démobilisation des entreprises, il faut tout mettre en œuvre pour mettre à profit ce report et sécuriser le succès de cette réforme sans précédent».

Une idée à ce sujet a été rappelée par de nombreux participants. Celle de découpler les deux phases de la réforme, e-invoicing pour le flux de factures et e-reporting pour la transmission des données à l’administration fiscale. Cette partie déclarative devait s’imposer à chaque catégorie d’entreprises au même moment que la facturation. Mais «il serait dommage, note Hervé Postic, directeur général du cabinet de conseil en systèmes de trésorerie Utsit, également administrateur du FNFE, que le retard dans le déploiement du PPF, et donc dans la collecte de données fiscales, retarde par ricochet les échanges de factures entre entreprises». «Nous pourrions mettre en œuvre les échanges entre acteurs privés sans attendre l’administration fiscale», plaide-t-il, car «si l’optimisation de la collecte de la TVA est un objectif de la réforme, cette dernière est en premier lieu destinée à simplifier la vie des entreprises». Décaler la partie déclarative, abonde Christophe Viry chez Generix, «permettrait de débloquer la situation, d’autant que nous pourrions également attendre la seconde phase pour intégrer les cas d’usage de la facture», qui en sont les nombreux cas particuliers comme l’implication de tiers à la facturation ou la gestion de la facture d’acompte.

Immatriculation

Ce scénario fait ressurgir la question de l’immatriculation des plateformes de dématérialisation partenaires ou PDP, prestataires des entreprises pour les échanges de factures nouvelle mouture. Cette immatriculation par la DGFiP (qui avait début septembre reçu 18 dossiers de candidatures) était, et est encore, conditionnée à la démonstration d’interopérabilité avec le PPF. Dont l’avènement donc est quelque peu retardé.

Il serait bon selon les observateurs d’accorder des immatriculations provisoires, et de livrer au plus tôt l’annuaire du PPF fournissant aux PDP les coordonnées nécessaires d’adressage par le biais du protocole de découverte dynamique : au lieu de s’interroger mutuellement individuellement, acheteur et vendeur interrogeront cette mine centralisée d’informations.

Ce qui élude un écueil : la réforme pour l’heure n’impose pas le recours à une PDP, toute entreprise pouvant s’adresser directement au PPF, qui il est vrai ne fournira qu’un service public minimum. Cela n’inquiète pas Christophe Viry, qui, prêchant certes pour sa paroisse, estime que peu d’entreprises pourront se contenter d’un recours direct au PPF. Qui plus est, «l’administration se dit certainement que moins il y a de flux directs avec le PPF, mieux c’est pour la sécurité et la fiabilité générale du système», ajoute Hervé Postic.

Rendez-vous au plus tard à partir du 3 octobre, à l’occasion du dépôt par le gouvernement à l’Assemblée nationale du projet de loi de Finances 2024. Puisque la marche de la réforme de la facture électronique passe par la loi.

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