Avis de brouillard passager sur la facture électronique

Les parties prenantes ont fort à faire en attendant de découvrir le nouveau calendrier de la réforme.
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La généralisation de la facturation électronique signifiera tout simplement la fin de la facture papier  - 

Il s’agit de ne surtout pas relâcher les efforts après l’annonce d’un report aux airs de demi-surprise seulement. Celui de la généralisation de la facturation électronique, annoncé au cœur de l’été par la Direction générale des Finances publiques (DGFiP). Qui pourtant assurait jusqu’alors qu’un report était exclu pour cette réforme signifiant tout simplement la fin de la facture papier et des échanges directs entre acheteur et vendeur au sein d’un nouvel écosystème, avec en toile de fond le salutaire mouvement de digitalisation des entreprises bien sûr mais aussi l’optimisation de la collecte de la TVA. Fin juillet, la DGFiP a annoncé l’ajournement de la première étape d’entrée en vigueur du dispositif prévue le 1er juillet 2024 «afin de donner le temps nécessaire à la réussite de cette réforme structurante pour l’économie».

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Le report en soi n’a pas étonné outre-mesure Cyrille Sautereau (photo), le président du Forum national de la facture électronique (FNFE), tant «le respect du calendrier apparaissait tendu». «C’est la méthode qui pose problème, les participants étant laissés dans l’incertitude quant à la teneur et aux délais des aménagements, normalement quand on change le planning, on annonce le nouveau», avance-t-il. Le brouillard n’aide jamais la navigation. La DGFiP s’en tient aujourd’hui encore à son communiqué de fin juillet qui évoquait un nouveau calendrier de la réforme devant être défini «dans le cadre des travaux d’adoption de la loi de finances pour 2024». Le projet de cette dernière ou PLF doit être déposé par le gouvernement à l’Assemblée nationale au plus tard le premier mardi d’octobre, le 3 donc cette année. «La loi de Finances est souvent finalement votée entre Noël et le Jour de l’An», pointe Cyrille Sautereau, qui, soulignant «un contexte politique ne facilitant pas les choses», appelle la DGFiP à lever le voile au plus tôt sur ses propositions. Pourquoi pas, espère-t-il, dès le 14 septembre à l’occasion de la prochaine réunion de la communauté des relais pour la facturation électronique. La DGFiP en tout cas consulte activement sur le sujet.

Sensibilisation

«Mais nous n’avons certainement pas levé le stylo en attendant ces précisions», clame Magali Pelletier, (photo) responsable des offres auprès des directions financières chez l’éditeur Itesoft, candidat PDP. «Les efforts collectifs ont commencé à porter leurs fruits, il ne faut pas casser la dynamique après tant d’efforts de sensibilisation, qui reste perfectible auprès des petites et moyennes entreprises», poursuit-elle. L’écosystème a déjà fort à faire à ses yeux pour respecter les spécifications techniques de la réforme, édictées par l’Agence pour l’informatique financière de l’Etat (AIFE). Une nouvelle version de cette bible a d’ailleurs été publiée dans la foulée de l’annonce par la DGFiP du report de la réforme, et «les règles ne sont pas encore totalement figées», selon Magali Pelletier.

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Magali Pelletier, responsable des offres auprès des directions financières chez l’éditeur Itesoft  - 

La tension évoquée par Cyrille Sautereau sur le respect des échéances calées jusque fin juillet tenait tout autant à la mise en place effective du portail public de facturation (PPF) fin décembre 2023, nécessaire à l’immatriculation des plateformes de dématérialisation partenaires (PDP), qu’à la capacité de toutes les entreprises de respecter le calendrier pour un démarrage en plein été 2024. «Aujourd’hui, nous travaillons sur plan, le schéma reste théorique», illustre Cyrille Sautereau. Un service d’immatriculation des PDP ouvert par la DGFiP début mai n’en instruit pas moins déjà les candidatures. «Il y aura probablement des dizaines de prétendants dès cette année, peut-être une cinquantaine de PDP à terme», estime le président du FNFE.

Et une phase pilote de la réforme doit bien aider à valider que les rouages sont bien huilés. Mais «on ne sait pas si le pilote prévu à partir de janvier prochain est reporté. La sélection des participants devait se faire cet été et les premiers ateliers débuter fin août, nous n’avons pas de nouvelles», indique Magali Pelletier.

Alléger 2024

Quel pourrait donc être le nouveau calendrier ? Pour rappel, le 1er juillet prochain correspondait à l’exigence côté e-invoicing de réception de facture électronique pour toute entreprise assujettie à la TVA pour les transactions franco-françaises et d’émission pour les grandes entreprises. Celles de taille intermédiaire (ETI) étaient attendues au 1er janvier 2025 et les petites (TPE / PME) un an plus tard. Les obligations de e-reporting c’est-à-dire de transmission à l’administration fiscale des données de transaction suivaient les mêmes échéances. Le FNFE, selon son président, «préconise de ne pas tout décaler homothétiquement de six, douze, voire dix-huit mois, mais d’alléger l’année 2024, pour lui consacrer la phase pilote et l’embarquement des quatre millions d’entreprises dans leur choix de PDP ou du PPF pour la réception de leurs factures, puis de donner un peu d’air aux dates au plus tard d’entrée dans les obligations d’émettre pour tous». «Il ne faut pas stopper l’élan des entreprises qui seront prêtes à l’été 2024, elles pourront se lancer, mais la première date-butoir de juillet pourrait être décalée à début 2025», plaide Magali Pelletier.

Cyrille Sautereau, président du Forum National de la Facture Électronique et des Marchés Publics Électroniques (FNFE-MPE)
Cyrille Sautereau, président du Forum National de la Facture Électronique et des Marchés Publics Électroniques (FNFE-MPE)  -  photo Vincent Blocquaux

Le e-reporting suscite particulièrement l’attention des observateurs, du fait de spécifications techniques appelant encore des précisions, «notamment sur les modalités de transmission ou les données à transmettre», note la cadre d’Itesoft. Pour Cyrille Sautereau, «il pourrait être judicieux de décaler davantage le e-reporting afin de mieux digérer le e-invoicing, le consensus existe pour scinder les deux phases». Cette adaptation interviendrait alors que l’Union européenne avance dans son projet d’alignement des pratiques de déclaration numérique de la TVA, avec comme prochaine étape la digitalisation des processus déclaratifs par le biais de la directive Vida (VAT in the digital age) toujours en discussion et dont l’entrée en vigueur est envisageable à horizon 2028. «Nous sommes en avance de phase en France, nous pourrions continuer d’inspirer le projet européen tout en nous calant au plus près de son calendrier pour la fin de notre déploiement. Soyons pragmatiques plutôt que dogmatiques» conseille Cyrille Sautereau.

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