
« Vontobel est devenue la plus grande banque suisse aux Etats-Unis en gestion de fortune »

Lorsque vous avez quitté la direction général d’AllianzGI, vous aviez annoncé partir à la retraite. Pourquoi avoir finalement choisi de rejoindre Vontobel ?
J’ai été nommé président du conseil d’administration de Vontobel en avril 2022. Il est vrai que je voulais prendre ma retraite après avoir démissionné d’AllianzGI en 2019. Je souhaitais m’occuper de mes trois filles qui avaient à l'époque des examens important à passer. Mon épouse s'était longtemps arrêtée dans le passé pour s’occuper de nos enfants et je considérais que c'était mon tour de m’en occuper. En 2020, j’ai été approché par un chasseur de têtes qui m’a parlé de la succession en cours chez Vontobel. L’ancien président, Herbert Scheidt, partait après avoir été à la tête de la banque pendant 20 ans. J’ai donc commencé en tant que membre du conseil d’administration de Vontobel en 2021 et membre du comité des risques. Pour devenir chairman, il est important d’avoir une connaissance approfondie des risques.
Avez-vous une fonction exécutive en tant que président ?
Le conseil d’administration est l’organe suprême de surveillance et de gestion de l’entreprise. Il peut déléguer des tâches exécutives à la direction. C’est ce que nous faisons à Vontobel. A cet égard, je n’ai pas de tâches exécutives, mais le conseil d’administration est responsable de la stratégie, par exemple. En outre, le président est responsable de la gestion du conseil d’administration et veille à un échange d’informations adéquat entre la direction et le conseil d’administration. En Suisse, le président est élu chaque année par les actionnaires. Vontobel est un groupe coté en Bourse, mais aussi détenu par un pôle familial à hauteur de 51%.
Quel bilan tirez-vous de cette première année d’exercice ?
J’ai commencé par voir beaucoup de clients. Par ailleurs, Vontobel est une entreprise qui grandit par petites acquisitions et j’ai été impliqué dans toutes les opérations depuis mon arrivée. Elle a racheté par exemple les clients privés offshore d’UBS aux États-Unis l’an dernier. Le groupe est en train d’appliquer le plan stratégique élaboré en 2020 et qui court jusqu’en 2030. Tous les deux ans, nous revoyons la stratégie pour voir s’il y a des ajustements à faire par rapport à notre plan de départ. Cela a évidemment été le cas l’an dernier avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, puis dans le contexte nouveau de forte inflation.
Quelles ont été les décisions prises ?
Nous avons tout d’abord décidé d’interrompre nos activités de gestion de patrimoine avec des clients domiciliés en Russie et en Biélorussie. L’impact a toutefois été minime car il s’agissait de quelques milliards de francs suisses en moins gérés. Cela n’a eu aucune conséquence sur notre plan stratégique et nos résultats.
Ensuite, au regard des tensions géopolitiques entre les Etats-Unis et la Chine, nous avons décidé de nous retirer de Chine et de nous concentrer sur les pays en accord avec la vision européenne et américaine. Nous avions à l’époque de la gestion de fortune à Hong Kong notamment via des produits structurés et la gestion pour les institutionnels. Ce n’est pas pour nous un marché central. Nous nous sommes retirés de la gestion de fortune et avons arrêté notre activité B2C de produits structurés dans le pays. Nous avons également mis à l’arrêt nos plans pour la Chine continentale.
C’est compliqué de faire du business en Chine en finance.
Vontobel est aussi en recherche d’un nouveau directeur général. Avez-vous trouvé un candidat ?
Effectivement nous avions annoncé en mai que notre directeur général, Zeno Staub, partait pour se lancer en politique*. Son départ est prévu en avril de l’année prochaine. Cela nous laisse encore du temps et nous sommes confiants de pouvoir l’annoncer avant la fin de l’année.
Vous avez annoncé récemment que vous cherchiez à vous renforcer sur les marchés privés par acquisition. Quelles expertises vous intéressent le plus ?
Nous avons annoncé ce mois-ci notre premier accord de coopération avec un expert international des marchés privés afin de permettre à nos clients de la gestion de patrimoine d’investir dans cette classe d’actifs par le biais d’un fonds multi-stratégies. Nous continuons à développer notre offre et sommes intéressés par des domaines tels que les infrastructures, la dette privée et le capital-investissement. Bien qu’il faille plus de temps pour développer l’expertise interne et la reconnaissance de la marque, nous sommes ouverts à la croissance organique et aux transferts d'équipes. Bien sûr, une acquisition plus importante accélérerait le processus et il y a beaucoup d’opportunités sur le marché, beaucoup de possibilités, mais ce qui n’est pas négociable, c’est une culture d’entreprise alignée sur la nôtre - et c’est difficile à trouver.
Vontobel décide de ne pas faire de gestion de fortune en Chine alors que d’autres acteurs se battent pour s’y développer malgré les tensions géopolitiques. Pourquoi ce choix ?
Nous sommes une société de taille moyenne avec un actionnaire familial et 2.100 employés. Aujourd’hui notre bataille se situe plutôt du côté des États-Unis pour résister sur ce marché très concurrentiel. Nous voulons y faire grandir nos effectifs et notre clientèle.
C’est compliqué de faire du business en Chine en finance. Sans compter d'éventuelles sanctions qui pourraient toucher un jour les entreprises occidentales présentes dans le pays si les choses s’envenimaient avec les Etats-Unis. Si je puis me permettre, nous sommes une des rares banques suisses à ne jamais avoir été sanctionnée par les Américains et nous espérons que cela continuera.
Concernant l’Asie-Pacifique qui demeure un marché très intéressant et en forte croissance pour les clients institutionnels, nous restons présents via notamment nos bureaux de Singapour, Hong Kong, Tokyo et Sydney.
Et le reste du monde ?
Nous nous développons bien sûr en Europe. Nous avons ouvert par exemple un bureau de conseil en gestion de fortune à Milan en 2020. A Londres, nous avons finalisé en 2021 notre montée au capital à 100 % d’une boutique de fixed income baptisée TwentyFour AM, qui marche très bien. Nous sommes impatients qu’un accord entre la Suisse et le Royaume-Uni puisse être trouvé pour faciliter l’accès aux marchés financiers des deux côtés. Nous aurons alors la possibilité de faire du marketing pour les clients privés au Royaume-Uni. Nous développons aussi progressivement notre pôle de gestion de fortune dans le reste de l’Europe.
A lire aussi: Vontobel AM s’adjoint les services d’un ancien de Natixis IM en Italie
Aux États-Unis, nous sommes présents depuis 40 ans. Aujourd’hui, notre activité consiste en deux pôles : gestion d’actifs et gestion de fortune. C’est aux Etats-Unis que se trouve notre « Quality Growth », boutique qui a été fondée à New York en 1984 et qui gère des actions US et les stratégies de Global quality growth. Ces dernières années, nous avons élargi notre offre aux clients institutionnels américains, notamment pour des stratégies de fixed income, multi-asset et des produits d’investissement à impact. En ce qui concerne la gestion de fortune, il y a un an environ nous avons finalisé l’acquisition de UBS Swiss Financial Advisers AG (SFA) qui conseille des clients qui veulent investir en Suisse. Vontobel est présent dans ce secteur depuis 2009. Après la fusion de l’unité Vontobel avec l’unité UBS, nous sommes devenus la plus grande banque suisse avec 10 milliards de francs suisses sous gestion pour cette activité.
Nous gérons au total près de 20 milliards de dollars aux États-Unis (dont 10 milliards pour la clientèle privée locale) et nous avons 90 personnes sur place. En octobre, le bureau de New York déménagera dans de nouveaux locaux.
Quelle est la place de la France dans ce paysage ?
Nous y avons ouvert une succursale en 2020 pour servir nos clients institutionnels mais nous y vendions déjà nos expertises par le biais d’un TPM. Notre succursale parisienne est composée de trois personnes et dirigée par Thibault Amand. Nous gérions environ 2,5 milliards d’euros pour la clientèle française à fin 2022 après avoir plus que doublé nos encours en 2 ans. Cette clientèle est composée presque uniquement d’investisseurs institutionnels alors qu’au niveau global notre clientèle se décompose pour moitié entre clients privés et clients institutionnels. Nous voulons bien entendu croître en France. Un de nos projets consistera aussi à y développer nos activités sur les produits structurés qui sont manufacturés depuis l’Allemagne. Pour cela nous sommes en processus de recrutement d’un commercial.
*Zeno Staub devrait être en tête de liste pour Le Centre lors des élections au Conseil national à Zurich cet automne.
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