
« Si H2O AM avait mis en place des provisions, on le saurait »

Quel a été votre sentiment à l’issue de l’audience? Je me félicite du rapport de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et du réquisitoire de la représentante du Collège de l’AMF. Les griefs ont été clairement expliqués, et sont relativement simples à comprendre, pour une affaire qui demeure complexe. La représentante du Collège a d’ailleurs rappelé, sans nous citer, qu’un collectif représentait de nombreux investisseurs particuliers, et que les griefs énoncés lui permettraient d’aller devant la justice pour obtenir réparation et être indemnisés des montants bloqués dans les side pockets. Avez-vous appris des choses ? Sur le plan technique des opérations, je n’ai rien appris de particulier. Cela fait deux ans que je travaille sur ce dossier avec Maître Dominique Stucki. Grâce à l’expertise judiciaire, menée par Eric Pinon depuis cinq mois, qui doit rendre son rapport prochainement nous avons également pu récupérer plus de 4000 pièces, comme des emails, des dossiers, des tableurs Excel. Je pense que nous maîtrisons très bien le sujet, malgré sa complexité. H2O AM a annoncé, durant l’audience, avoir provisionné près de 500 millions d’euros pour d’éventuelles sanctions et indemnités. Est-ce que cela vous rassure sur le plan financier? H2O AM a essayé de dire un peu maladroitement à la Commission des sanctions que plus la sanction serait lourde, moins la société de gestion aurait d’argent pour rembourser les porteurs. Or, l’AMF travaille sur ce dossier depuis six mois, et de notre côté, nous avons obtenu des milliers de documents. Si H2O AM avait mis en place ces provisions, on le saurait. L’association n’a aucun élément tangible sur les sommes dont H2O dispose réellement. Ils ont déclaré en octobre 2020 qu’ils rembourseraient les investisseurs au fur et à mesure que le groupe Tennor les rembourserait. Mais il parait clair que Tennor ne paiera sans doute rien, ou des miettes. En tout cas, la seule façon pour les particuliers de récupérer de l’argent c’est d’aller en justice. Et notre association porte la seule action qui permettra une indemnisation. Nos membres représentent pour le moment 60 millions d’euros d’encours logés dans les side pockets. Si on y ajoute nos différents griefs,le manque à gagner sur l’argent bloqué et les dommages et intérêts, nous estimons le préjudice total de nos membres à environ 90 millions d’euros. La valorisation initiale des side pockets était d’environ 1,6 milliard d’euros. Et vos membres représentent moins de 5% de ces encours. La majorité des porteurs manque-t-elle d’information? La réalité est que de nombreux clients ne se trouvent pas en France. Avec le cabinet Deminor, qui nous accompagne dans la procédure et la gestion administrative, nous avons pu approcher des conseillers financiers en Italie, en Espagne, en Suisse et en Asie. Nous avons facilité les procédures à l’international pour que ces intermédiaires, qui ont parfois beaucoup de clients, puissent nous rejoindre. Cette internationalisation nous a un peu obligé de repousser la clôture des inscriptions à notre association. Nous n’accepterons les nouvelles des adhésions que jusqu’au 15 janvier, afin de pouvoir assigner H2O AM vers février-mars avec tous les dossiers bien carrés. Il n’y a rien de pire que d’avoir raison sur le fond et de se faire débouter sur la forme parce que certaines pièces du dossier sont manquantes ou erronées. Nous comptons pour cela sur Deminor, qui s’assure que chaque dossier soit impeccable. L’écho médiatique de l’audience, et surtout du réquisitoire historique, a-t-il eu un effet sur les inscriptions? Depuis la semaine dernière, nous recevons une cinquantaine d’inscriptions par jour. Nous approchons les 2.000 investisseurs particuliers membres, et avons également dans nos rangs plusieurs investisseurs institutionnels, dont un gros assureur. A ce sujet il important de rappeler que seuls les porteurs qui se seront pourvus en justice bénéficieront du jugement à venir et des éventuelles indemnisations. Au cours des débats, la défense a contesté la compétence de la Commission des sanctions à juger le cas, notamment en raison du Brexit. Est-ce que vous craignez une argumentation équivalente pour votre procédure? Il est normal que les avocats cherchent tous les moyens possibles concernant la territorialité et la compétence dans un dossier complexe mais si la société est basée au Royaume-Uni, et que Bruno Crastes est résident monégasque, les fonds H2O eux sont de droit français. Plus les avocats attaquent sur la forme, plus cela met en évidence qu’ils sont légers sur le fond. Cela nous renforce dans l’idée que le fond du dossier est très défavorable à H2O AM, qui doit utiliser ce genre d’arguments pour sa défense. Ils ne vont pas lâcher une, voire plusieurs, centaine de millions sans se battre.
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Après 29 mois d’attente, les investisseurs bloqués dans les fonds cantonnés de H2O AM ont enfin reçu un premier remboursement. Un pas important de la part de la société de gestion de Bruno Crastes, qui va sans doute devoir malgré tout affronter plusieurs procès au civil. Les porteurs de parts de «side pockets» ont reçu un courrier la semaine dernière leur détaillant les modalités de versement de la somme récemment collectée auprès de Tennor. H2O AM, qui gérait 11,6 milliards à fin décembre 2022, a effectué les versements ce 25 janvier en cash à destination des porteurs de parts de fonds cantonnés. « L’opération est, d’un point de vue comptable (et non pas fiscal), similaire au versement d’un dividende», précise H2O AM dans l’un de ces courriers que Newsmanagers a pu consulter. Le montant global de la somme versée aux investisseurs bloqués n’a cependant pas été officialisé. H2O AM avait annoncé au début du mois de janvier une réduction de 250 millions d’euros du nominal de la dette first super senior secured note (FSSSN), un titre qui avait permis de restructurer en mai 2021 pour 1,45 milliard d’euros de créances d’entreprises liées au groupe Tennor, la holding de l’homme d’affaires allemand Lars Windhorst. L’enjeu restait de savoir si cette somme allait être entièrement perçue par les détenteurs de parts de fonds cantonnés. Il semblerait que la société de gestion n’ait versé qu’un peu plus de la moitié des 250 millions d’euros. Les fonds étant cantonnés et en liquidation, leurs valeurs liquidatives ont baissé du montant des sommes versées. En utilisant les données publiées sur le site internet de H2O AM, on peut estimer le montant total perçu par plusieurs fonds cantonnés. Celui du fonds cantonné d’Allegro serait d’un peu moins de 31,7 millions d’euros, soit environ 10,8% de la valorisation initiale du fonds cantonné en octobre 2020, pour une part retail en euro (la plus classique pour les investisseurs particuliers français). Pour la poche cantonnée du fonds Adagio, le versement s’élèverait, selon nos calculs, à 18,4 millions d’euros (6,5% de la valorisation initiale), et pour celle de Moderato, 4,1 millions d’euros (4%). Le versement pour la side pocket de Multistratégie serait de 5,4 millions d’euros, selon sa lettre aux porteurs. Cela correspondrait à 5,9% de la valorisation initiale d’une part institutionnelle en euros. Enfin, H2O AM aurait versé 81,5 millions d’euros à la poche cantonnée de Multibonds (soit 10% de la valorisation initiale), et rien à celle de Vivace, selon un tweet du blogger et consultant Philippe Maupas, qui conseille par ailleurs l’association d’investisseurs Collectif Porteurs H2O. Ses chiffres pour les autres fonds diffèrent légèrement des nôtres. Par ailleurs, les niveaux de remboursement par rapport aux valorisations initiales varient également marginalement entre les différentes parts (retail, super retail, institutionnelle, couvertures en devises…) au sein d’un même fonds cantonné. #H2Ogate : «Suite à un remboursement partiel de la FSSSN fin décembre 2022, son nominal sera donc réduit de €250 millions.» Le communiqué H2O du 3 janvier était obscur à souhait. D’après mes calculs, ce sont 144 millions € qui ont été remboursés aux side-pockets le 25 janvier. pic.twitter.com/3EVJSdIIkf — AlphaBetaBlog (@AlphaBetaBlogFR) January 26, 2023 La somme hypothétique de ces cinq versements, un peu moins de 142 millions d’euros (144 millions selon les données de Philippe Maupas), semble bien éloignée des 250 millions annoncés début janvier. Interrogé sur ce différentiel d’un peu plus de 100 millions d’euros, H2O AM n’a pas répondu. -
Bruno Crastes compte encore jouer un rôle actif au sein de H2O
Bruno Crastes, qui a récemment écopé d’une interdiction d’exercer l’activité de gérant pendant cinq ans de la part de l’Autorité des marchés financiers, a tenu une conférence téléphonique avec les clients de H2O Asset Management mercredi. A cette occasion, il a clairement dit qu’il allait continuer à jouer un rôle actif au sein de la société de gestion de 11,6 milliards d’euros, rapporte le Financial Times. Lors de cette réunion, Bruno Crastes, désormais corporate and market strategy director, a jugé les violations supposées au cœur des sanctions «très techniques», tout en indiquant qu’il continuerait à aider à façonner la vision de la société sur la direction des marchés d’obligations mondiales et des devises. «Je serai heureux de continuer à travailler avec les marchés et d’essayer de trouver les bonnes stratégies», a-t-il conclu, après avoir livré ses prévisions pendant une heure. Lors de la conférence de mercredi, Babak Abrar, directeur des ventes et du marketing de H2O, a annoncé que le remboursement initial des investisseurs des fonds cantonnés était prévu pour la semaine prochaine.
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