« Si H2O AM avait mis en place des provisions, on le saurait »

Gérard Maurin, le fondateur du Collectif Porteurs H2O, et fondateur du cabinet de gestion de patrimoine Mesnil Finance, réagit à l’audience de H2O AM devant la Commission des sanctions de l’AMF, qui s’est tenue le 25 novembre.
Jean-Loup Thiébaut
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Quel a été votre sentiment à l’issue de l’audience? Je me félicite du rapport de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et du réquisitoire de la représentante du Collège de l’AMF. Les griefs ont été clairement expliqués, et sont relativement simples à comprendre, pour une affaire qui demeure complexe. La représentante du Collège a d’ailleurs rappelé, sans nous citer, qu’un collectif représentait de nombreux investisseurs particuliers, et que les griefs énoncés lui permettraient d’aller devant la justice pour obtenir réparation et être indemnisés des montants bloqués dans les side pockets. Avez-vous appris des choses ? Sur le plan technique des opérations, je n’ai rien appris de particulier. Cela fait deux ans que je travaille sur ce dossier avec Maître Dominique Stucki. Grâce à l’expertise judiciaire, menée par Eric Pinon depuis cinq mois, qui doit rendre son rapport prochainement nous avons également pu récupérer plus de 4000 pièces, comme des emails, des dossiers, des tableurs Excel. Je pense que nous maîtrisons très bien le sujet, malgré sa complexité. H2O AM a annoncé, durant l’audience, avoir provisionné près de 500 millions d’euros pour d’éventuelles sanctions et indemnités. Est-ce que cela vous rassure sur le plan financier? H2O AM a essayé de dire un peu maladroitement à la Commission des sanctions que plus la sanction serait lourde, moins la société de gestion aurait d’argent pour rembourser les porteurs. Or, l’AMF travaille sur ce dossier depuis six mois, et de notre côté, nous avons obtenu des milliers de documents. Si H2O AM avait mis en place ces provisions, on le saurait. L’association n’a aucun élément tangible sur les sommes dont H2O dispose réellement. Ils ont déclaré en octobre 2020 qu’ils rembourseraient les investisseurs au fur et à mesure que le groupe Tennor les rembourserait. Mais il parait clair que Tennor ne paiera sans doute rien, ou des miettes. En tout cas, la seule façon pour les particuliers de récupérer de l’argent c’est d’aller en justice. Et notre association porte la seule action qui permettra une indemnisation. Nos membres représentent pour le moment 60 millions d’euros d’encours logés dans les side pockets. Si on y ajoute nos différents griefs,le manque à gagner sur l’argent bloqué et les dommages et intérêts, nous estimons le préjudice total de nos membres à environ 90 millions d’euros. La valorisation initiale des side pockets était d’environ 1,6 milliard d’euros. Et vos membres représentent moins de 5% de ces encours. La majorité des porteurs manque-t-elle d’information? La réalité est que de nombreux clients ne se trouvent pas en France. Avec le cabinet Deminor, qui nous accompagne dans la procédure et la gestion administrative, nous avons pu approcher des conseillers financiers en Italie, en Espagne, en Suisse et en Asie. Nous avons facilité les procédures à l’international pour que ces intermédiaires, qui ont parfois beaucoup de clients, puissent nous rejoindre. Cette internationalisation nous a un peu obligé de repousser la clôture des inscriptions à notre association. Nous n’accepterons les nouvelles des adhésions que jusqu’au 15 janvier, afin de pouvoir assigner H2O AM vers février-mars avec tous les dossiers bien carrés. Il n’y a rien de pire que d’avoir raison sur le fond et de se faire débouter sur la forme parce que certaines pièces du dossier sont manquantes ou erronées. Nous comptons pour cela sur Deminor, qui s’assure que chaque dossier soit impeccable. L’écho médiatique de l’audience, et surtout du réquisitoire historique, a-t-il eu un effet sur les inscriptions? Depuis la semaine dernière, nous recevons une cinquantaine d’inscriptions par jour. Nous approchons les 2.000 investisseurs particuliers membres, et avons également dans nos rangs plusieurs investisseurs institutionnels, dont un gros assureur. A ce sujet il important de rappeler que seuls les porteurs qui se seront pourvus en justice bénéficieront du jugement à venir et des éventuelles indemnisations. Au cours des débats, la défense a contesté la compétence de la Commission des sanctions à juger le cas, notamment en raison du Brexit. Est-ce que vous craignez une argumentation équivalente pour votre procédure? Il est normal que les avocats cherchent tous les moyens possibles concernant la territorialité et la compétence dans un dossier complexe mais si la société est basée au Royaume-Uni, et que Bruno Crastes est résident monégasque, les fonds H2O eux sont de droit français. Plus les avocats attaquent sur la forme, plus cela met en évidence qu’ils sont légers sur le fond. Cela nous renforce dans l’idée que le fond du dossier est très défavorable à H2O AM, qui doit utiliser ce genre d’arguments pour sa défense. Ils ne vont pas lâcher une, voire plusieurs, centaine de millions sans se battre.

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