Tarification carbone : les projets européens de réformes entrent dans le dur

Les rapporteurs du Parlement européen ont dévoilé cette semaine leur travail sur la taxe carbone aux frontières et la réforme du marché carbone. Les débats s’annoncent passionnés.
Clément Solal, à Bruxelles
Réunion des ministres de l’Environnement des Vingt-Sept le 20 décembre 2021.
Réunion des ministres de l’Environnement des Vingt-Sept le 20 décembre 2021.  - 

Entre le projet de taxe carbone aux frontières, la réforme en profondeur du marché carbone européen (emission trading scheme, ETS) et la création d’un ETS parallèle, la tarification du carbone est au cœur du paquet climatique présenté en juillet 2021 par Bruxelles. Ces initiatives phares de la Commission européenne (CE), qui arrivent en ce début d’année à la table des co-législateurs européens, sont toutefois bien loin d’y faire consensus.

Particulièrement controversée, la proposition de créer un «ETS 2» - un nouveau marché carbone - pour les émissions générées par le chauffage des bâtiments et des transports routiers, a même déjà du plomb dans l’aile. Lors d’une réunion des ministres de l’Environnement des Vingt-Sept mi-décembre, une large majorité d’Etats membres ont, au mieux, exprimé des réserves quant au projet, qui n’a été pleinement soutenu que par l’Allemagne, le Danemark, la Suède et la Finlande. Face à cette levée de bouclier, Frans Timmermans, le vice-président exécutif de la Commission européenne chargé du Pacte vert, s’est dit «ouvert aux alternatives», à condition que celles-ci «permettent aussi d’atteindre les objectifs climatiques de 2030 et de 2050».

Du côté du Parlement européen (PE) le rapporteur allemand sur la réforme de l’ETS, le conservateur Peter Liese (groupe PPE) suggère dans son projet de rapport dévoilé jeudi d’autoriser les Etats membres à retarder l’entrée en vigueur de l’ETS 2 à début 2027, au lieu de 2026, pour les seules émissions des activités non commerciales, des transports routiers privés et du chauffage des bâtiments résidentiels, donc. Une proposition qui ne devrait pas suffire à convaincre Paris, la crise des gilets jaunes bien en tête, à pousser le dossier au cours de sa présidence du Conseil de l’UE, le sujet étant rendu d’autant plus inflammable politiquement dans le contexte actuel de flambée des prix de l’énergie.

Le projet de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE (Carbon Border Adjustment Mechanism ou CBAM) qui figure, lui, tout en haut de l’agenda de la Présidencefrançaise promet également des débats houleux. Et ce au Conseil comme au Parlement. Un sujet, en particulier, divise déjà les eurodéputés : le sort des quotas gratuits dont bénéficient actuellement les industries considérées comme à risque de «fuites de carbone» - de délocalisations industrielles des activités les plus polluantes depuis l’UE vers des régions du monde aux législations plus permissives - dans le cadre de l’ETS. Leur suppression est, a priori, nécessaire afin de mettre en place le CBAM dans les secteurs qu’il couvrira (ciment, de l'électricité, l’acier et du fer, l’aluminium et engrais) sans contrevenir aux règles du commerce international.

Taxe carbone

Si, pour sa part, Peter Liese propose de s’en tenir au calendrier proposé par l’exécutif européen d’une réduction annuelle de 10% de 2026 à 2036, l’eurodéputé souhaite aussi que ladite suppression soit réversible. Aux termes de son rapport, la Commission serait ainsi tenue d’évaluer à partir de 2026 si la taxe carbone a bel et bien été mis en œuvre et si elle permet «d’atteindre un niveau de protection contre les fuites de carbone équivalent à celui du système d’allocation de quotas gratuits». Dans le cas contraire, ces derniers se verraient redistribués aux industries en question, par le biais d’un «mécanisme de révision continue». Une disposition qui permettrait à l’UE de faire machine arrière, alors que son projet de taxe carbone crispe bon nombre de ses partenaires commerciaux, au risque de provoquer de futures mesures de rétorsion.

A gauche de l’échiquier politique, Mohammed Chahim, le rapporteur sur la proposition de CBAM du group S&D, ne prévoit, non seulement, pas de telle porte de sortie, mais plaide pour une suppression beaucoup plus rapide des allocations gratuites, étalée jusqu’en 2028. L’eurodéputé néerlandais affiche, plus généralement, un niveau d’ambition supérieur, dans son rapport, à celui de la Commission. Il propose notamment d’avancer la mise en œuvre du CBAM à 2025, au lieu de 2026, et d’étendre celui-ci aux composés organiques, à l’hydrogène ainsi qu’aux polymères. Les débats ne font que commencer.

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