
Russie/Ukraine : l’impact sur la gestion d’actifs en 6 points clefs

Quel impact la guerre des nerfs qui a éclatée entre la Russie et les occidentaux à propos de l’Ukraine a-t-elle sur le secteur de la gestion d’actifs? Celui-ci est concerné par les sanctions visant la dette, des capitaux ou des indices. Passage en revue de premiers éléments d’observation et réflexion, alors que la situation s’est aggravée pendant la nuit.Quels sont les fonds exposés à la Russie et leurs performances?Outre les fonds exposés uniquement à la Russie, en général ce sont les fonds que l’on retrouve dans les catégories BRIC (pour Brésil, Russie, Inde, Chine) ou les fonds Europe émergente ou Europe de l’Est.- Les fonds BRIC sont relativement peu nombreux en France. Parmi eux le fonds d’Allianz GI (GEM Equity high dividend), de Franklin Templeton (Templeton BRIC Fund), d’OFI (Global Emerging Equity) ou encore de Schroder (Selection Fund BRIC). Leurs performances sont relativement bonnes au regard de la chute des marchés russes avec des variations de +1% à -0,1% depuis le début de l’année. Le fait de pouvoir aller sur des marchés plus porteurs et loin de ces préoccupations aide beaucoup.- Pour les fonds de la catégorie actions d’Europe de l’Est ou émergente, l’histoire est différente. La Sicav Oddo BHF Metropole Frontiere Europe (gérée par Isabel Levy) est celle qui s’en sort le mieux avec une performance positive de 0,18% depuis le 1er janvier. Le reste de la catégorie est par contre dans le rouge, parfois très foncé.Les fonds de Generali et de CPR AM sont les deux seuls fonds à limiter la casse avec des baisses respectives de 4,2% et 6,1% (pour Generali Investment Sicav Central & Eastern Europe et CPR Actions Euro Restructurations), tandis que les autres véhicules accusent des baisses supérieures à -15%.Beaucoup de fonds de grandes maisons de gestion sont en difficulté: Raiffeisen, SEB, NN IP, DWS, BNP Paribas, Natixis, BlackRock, Allianz GI ou encore JP Morgan AM. Le fonds Aberdeen Standard Sicav Eastern European Equity est en queue de peloton avec un recul de -21,2% depuis le 1er janvier.- Les fonds actions spécialisés sur la Russie sont une petite poignée, gérés par HSBC, Raiffeisen, East Capital, Pictet, DWS et BNP Paribas. Les chutes variaient entre -21% et -24% à mardi soir.Fonds Actions RussieNomVariation 1er janvVariation 1 anVariation 3 ansHSBC GLOBAL INVESTMENT FUNDS RUSSIA EQUITY A -21.09 %-4.49 %16.49 %RAIFFEISEN-RUSSLAND-AKTIEN -21.57 %-5.30 %15.08 %EAST CAPITAL RUSSIA -21.75 %-4.94 %18.59 %PICTET - RUSSIAN EQUITIES -22.29 %-17.46 %NSDWS RUSSIA -23.69 %-9.51 %12.37 %BNP PARIBAS FUNDS RUSSIA EQUITY -23.88 %-13.73 %-0.22 %Quel impact des sanctions sur la dette russe:C’est certainement à ce stade l’un des impacts les plus fort concernant la Russie. La Maison Blanche a annoncé l’interdiction aux particuliers américains et aux entreprises américaines de participer à la souscription de nouvelles dettes émises par la Banque centrale de Russie, le Fonds souverain russe et le ministère des finances. «Ces interdictions priveront le gouvernement russe d’un moyen essentiel de lever des capitaux pour financer ses projets et augmenteront les coûts de financement futurs», commente Washington.La dette russe, notée BBB- jusqu'à aujourd’hui par l’agence S&P, se retrouve en général dans des fonds high yield, la note BBB- étant dans le bas de l'échelle de la catégorie note «spéculative"Mais pour certains gérants, l’impact des sanctions pourrait tout de même être limité. D’une part, parce qu’il ne concerne que les investisseurs américains et d’autre part, parce qu’il ne concerne que la dette à émettre. Celle existante pourra encore être échangée sur le marché secondaire. Les gérants estiment même que la future dette russe émise pourrait être facilement souscrite par les banques russes comme elles le font aujourd’hui très majoritairement, voir par les étrangères sous réserve de ne pas les échanger ensuite.Quid des entreprises?Pour le moment, aucune sanction ne concerne les entreprises russes en dehors du secteur financier et indirectement du secteur énergétique, mais les choses pourraient évoluer, les politiques américains et londoniens ayant évoqué la possibilité de priver des entreprises russes d’accès à leur marché respectif.Quelques banques font l’objet de restrictions comme VEB et Promsviesbank, mais la première est une banque publique de développement, assez grande mais qui finance essentiellement des projets en Russie tandis que la seconde a été nationalisée il y a quelques années pour éviter justement un impact d'éventuelles sanctions car elle finance le secteur de la défense. Les gestionnaires sont donc plutôt indifférents aux sanctions. L’histoire ne serait pas la même si celles-ci se mettaient à concerner les trois plus grandes banques russes Sberbank, VTB ou Gazprom Bank (non cotée). Concernant le secteur de l'énergie, l’Allemagne a annoncé qu’elle suspendait l’octroi de licence pour le grand gazoduc NordStream 2. Mais les gérants n’oublient pas que ce gazoduc n’a jamais livré de gaz, donc n’aura pas d’impact sur Gazprom. L’effet pour le moment est même jugé positif sur le secteur en raison de la hausse des prix de l'énergie. «Les compagnies énergétiques russes vont bénéficier de la hausse des prix. Il n’y a en outre pas de sanctions significatives à se stade et cela risque d’être compliqué d’interdire l’exportation russe dans la mesure où 40% du gaz européen vient de Russie. C’est même 50% pour l’Allemagne et 100% pour certains autres pays européens. Ils ne pourront pas couper les approvisionnements du jour au lendemain. A cinq ans peut-être mais pas cette année en tout cas.», juge Jacob Grapengiesser, responsable Europe de l’Est pour East Capital qui compte 3 milliards d’euros en actions exposées à la Russie dans ses fonds.Concernant le pétrole, aucune sanction n’a été prise pourl’instant. «Et s’il y en a, il faut savoir que c’est une matière qui se transporte beaucoup mieux que le gaz. La Russie pourrait donc facilement détourner ses exportations vers d’autres régions que l’Europe,à la différence du gaz», appuie Romain Lacoste, gérant chez IVO Capital Partners, un spécialiste de la dette émergente entreprises.Quelle différence avec 2014 ?Tous les gérants, qu’ils travaillent sur la dette ou les actions, surveillent l'évolution de la situation comme le lait sur le feu bien évidemment. Beaucoup jugent que pour le moment, les sanctions décidées par les occidentaux sont restreintes et que l’environnement est assez différent de celui de 2014, lors de l’invasion de la Crimée. Jusqu'à hier soir, il n'était pas encore question d’invasion mais de reconnaissance d’indépendance de territoires situés le plus à l’est de l’Ukraine, expliquant aussi la faiblesse des sanctions."Même si cette décision était attendue, elle rend plus incertains l’avenir économique et financier de l’Ukraine et les performances des marchés financiers. À ce stade, le scénario de base d’Amundi prévoit une intervention limitée, et non une invasion à grande échelle, mais la probabilité de cette dernière a clairement augmenté», notaient Vincent Mortier, Matteo Germano et Monica Defend chez Amundi, dans un commentaire daté du 22 février."En 2014, on était plutôt dans un environnement de guerre civile dans des zones ciblées. Il y avait eu un impact sur les valorisationsmais un impact limité sur les opérations des principaux émetteurs du pays.Certains ont dû faire face à des restructurations, mais la plupart d’entre ellesconsistaient en des extensions de maturité sans réduction du principal de la dette. Certains corporate avaient même réussi à se refinancer pendant le conflit. Globalement cela s’est mieux passé pour les entreprises quepourla dette souveraine ukrainienne qui a subiune réduction du principal», rappelle Romain Lacoste. Pour lui, rien n’incite pour le moment à s’alléger sur l’Ukraine. Quand à la Russie, personne ne souhaite s’exposer davantage car le manque de visibilité présente trop de risques. Les positions sont plutôt à l’attentisme chacun espérant pouvoir profiter d’un rapide rebond si les choses se calmaient. " Les investisseurs doivent surveiller toute nouvelle escalade sur le terrain (...) et les sanctions économiques et leur ampleur, en particulier une interdiction d'échange de la dette souveraine, des sanctions bancaires et l’utilisation éventuelle, mais peu probable à ce stade, de Swift», ajoute Amundi.Et la gestion ESG dans tout ça?Comment considérer que la dette russe, spécifiquement souveraine, soit encore achetable voire investissable? Un pays belliqueux contrevient à un des principaux principes ESG issu notamment des ODD (objectifs de développement durable) qui est celui de promouvoir la paix dans le monde. Difficile de savoir si les fonds ESG détiennent des actifs russes. Reste que la question de l’investissement se posera forcément. Pour East Capital, la réponse préside d’une décision unilatérale de la part des investisseurs, pas de ses fonds spécialisés :«Si les clients veulent sortir de la Russie parce que ce n’est plus assez ESG pour eux, nous n’y pouvons pas grand-chose. De notre côté, nous continuons notre gestion fondamentale dans nos fonds basée sur la sélection des meilleures entreprises en matière ESG», explique Jacob Grapengiesser. Il constate cependant qu’en 2014 et 2018 , " nous avions assisté à des outflows de la part de nos clients. Mais cette fois ils sont beaucoup plus limités à l’image des sanctions envers la Russie». Quid de la gestion indicielle ?Bien sûr, beaucoup d’investisseurs s’attendent à ce que les Etats-Unis décident de sanctions plus dures pouvant mener à une exclusion de la Russie dans certains indices, comme ils l’avaient fait pour la Chine, impactant alors une partie de la gestion indicielle et des ETF. Retrouvez notre analyse ici.
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