Reportage au coeur de la sélection d’un fonds - 2e épisode

NewsManagers vous livre le deuxième volet de son grand reportage «Au coeur de la sélection d’un fonds».
Jérémie Gatignol
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Il est 14h27 lorsque nous rejoignons le strasbourgeois Roni Michaly en bas du 58, avenue Marceau à Paris. C’est dans cet immeuble, siège des bureaux de Montpensier Finance, que nous avons rendez-vous avec Julien Coulouarn, co-gérant du fonds M Convertibles, afin de réaliser la due diligence de son fonds. Cinquième étape du processus de sélection de fonds mis en place par le président de Financière Galilée, elle est absolument cruciale et déterminera en grande partie si le fonds sera finalement sélectionné. Lors des quatre première étapes quantitatives, Roni nous avait d’ailleurs confié que l’explication fournie par le gérant sur la forte volatilité du fonds sur un an serait très importante dans sa décision finale. Nous sommes accueillis par Amélie Burtin, directrice de la communication de la société de gestion. Cette dernière nous installe dans la grande salle de conférence qui surplombe l’avenue menant à l’Arc Triomphe, offrant une vue magnifique sur la ville de Paris et la Tour Eiffel. Quelques minutes après notre arrivée, Julien Coulouarn se joint à nous. L’homme est très aimable mais semble un peu tendu. La présence d’un journaliste pour cet exercice semble être une première pour lui. Il parviendra à se détendre au fur et à mesure de l’entretien sans jamais se détacher complètement de sa nature réservée. Après quelques explications sur la manière dont nous allons procéder Roni entre dans le vif du sujet. Les deux hommes se font face, Jordan, Amélie et moi-même nous sommes mis en retrait. S’en suit près d’une heure vingt d’échanges afin de passer au crible le processus de gestion du fonds. Notre sélectionneur démarre son entretien en interrogeant son interlocuteur sur l’organisation de l’équipe. Celle-ci est resserrée autour de Bastien Rappoport qui gère le fonds depuis juin 2010, Julien Coulouarn, arrivé en juin 2014 et Raphaël Parienté,un analyste qui a rejoint l’équipedeux mois auparavant. Le fonds affiche un encours de 550 millions d’euros répartis à 65,6 % sur des large caps, 19,9 % sur des mid caps et 7,5 % sur des small caps. La capitalisation moyenne est de 18 milliards d’euros et la souche moyenne de 556 millions. Source : Bloomberg-MontpensierCes éléments techniques éclaircis, Roni souhaite des précisions sur la politique ESG du fonds. «Le fonds s’inscrit dans la politique globale de Montpensier Finance qui est signataire des PRI et intègre donc des notations ESG, certains critères d’exclusions, une politique de vote proactive, des discussions avec les sociétés sur leur politique ESG…mais le fonds n’est pas labellisé ISR», précise Julien Coulouarn. Pureté et convexité Une discussion s’installe alors concernant la philosophie de gestion du fonds… Roni Michaly: Pourriez-vous décrire la philosophie de gestion du fonds en quelques mots?Julien Coulouarn: Elle peut se résumer en deux concepts: convexité et pureté.La pureté signifie que nous investissons uniquement dans des convertibles, pas d’options, de futures, d’actions ou de synthétiques.Roni Michaly: Pour quelle raison?Julien Coulouarn: Principalement pour des questions de maturité. La plupart des options liquides ont des maturités comprises entre 3 et 12 mois alors que la maturité moyenne d’une obligation convertible est de 3 – 4 ans. Ainsi, la perte de la prime sur une option va beaucoup plus vite et exige un timing quasi parfait.Roni Michaly: Il n’y a donc pas d’option à 3 ans sur les marchés pour les sous-jacents que vous cherchez?Julien Coulouarn: Il en existe mais pas sur les marchés listés. Ce genre d’options passe par des banques et on est alors confronté au problème de la liquidité.Roni Michaly: C’est un point intéressant car beaucoup de gérants éludent cette question lorsqu’on leur pose…Julien Coulouarn: Certains de nos confrères utilisent des options à 12 mois en ayant en tête qu’il vaut mieux avoir raison rapidement. L’autre avantage d’être pur c’est que les obligations convertibles intègrent des clauses qui vous protège en cas d’OPA ou en cas de versement de dividendes et ces clauses sont moins bien répliquées dans le cadre des options.Autre concept central de la philosophie de gestion: la convexité. En effet, afin d’utiliser au mieux les caractéristiques des convertibles l’équipe de gestion sélectionne des obligations qui sont mixtes et donc bien équilibrées plutôt que des convertibles qui penchent fortement vers les actions ou vers le crédit. «Cette philosophie de gestion autour de la pureté et la convexité m’a beaucoup plu», nous confiera par la suite Roni Michaly. Place ensuite au portefeuille lui-même. Roni interroge le gérant sur sa composition et sa diversification. «Nous détenons 58 lignes et sommes donc plus diversifiés que l’indice Exane ECI Euro que nous suivons et qui a 45 lignes», souligne Julien Coulouarn, qui précise qu’aujourd’hui, il existe environ 200 convertibles pour un gisement d’environ 70 milliards d’euros en Europe. Un manque de réactivité? Une trentaine de minutes se sont écoulées depuis le début de l’entretien, il est temps pour Roni de poser «les questions pivots d’une bonne due dilligence». En effet, le sélectionneur de fonds demande systématiquement aux gérants qu’il rencontre d’expliquer en détails les trois plus mauvais choix de gestion des derniers mois et les trois meilleurs. «C’est souvent sur cette partie de l’entretien que je me rends compte de la personnalité du gérant et de la solidité de son processus face à des exemples concrets», nous avait prévenu le sélectionneur de fonds. Julien Coulouarn dresse donc le bilan des trois moins bons contributeurs de 2018, dont nous ne donnerons pas les noms pour des raisons de confidentialité. «Pour ces trois valeurs avez-vous allégé, coupé, renforcé votre position?», demande Roni Michaly. «Dans ces trois cas, nos positions n’ont pas ou très peu évolué», répond Julien Coulouarn, estimant à chaque fois qu’il y avait un potentiel de rebond sur la valeur et que la qualité de crédit n’était pas attaquée, tout en conservant une bonne convexité. Source :Montpensier Finance / Exane / BloombergLa réponse ne satisfait qu’à moitié le dirigeant de Financière Galilée. Après l’entretien, il nous indiquera estimer que le fonds pourrait manquer de réactivité en période de baisse, d’autant qu’à la question portant sur le turnover, le gérant ne s’est pas caché d’avoir peu de turnover dans les phases baissières. «C’est quelque chose qui aurait été rédhibitoire pour un gérant actions mais qui ne l’est pas pour un gérant de convertibles. Il faudra simplement que je sois attentif et, le cas échéant, que je coupe ou allège ma position dans le fonds si j’estime qu’il est trop attentiste dans une phase baissière», nous explique Roni. Concernant les trois meilleurs choix, l’explication est plus courte et semble satisfaire notre sélectionneur de fonds. S’en suivent quelques questions sur la rémunération du fonds et la typologie de la clientèle, Roni cherchant notamment à savoir si la clientèle institutionnelle, très majoritaire dans le fonds, ne crée pas de mouvements trop importants sur la capitalisation du fonds. «Le plus gros porteur détient 10 % du fonds, le second 7 % et ensuite on passe très vite à 4-5 % ce qui permet de limiter ce genre de risque, d’autant plus que nos investisseurs ont des allocations à long terme », rassure le gérant. «En l’écoutant j’avais envie de lui faire confiance pour la suite» Roni Michaly L’horloge tourne, il est bientôt 16h lorsque nous abordons l’ultime question après quelques commentaires généraux sur la gestion du fonds, le détail de la sensibilité taux et la vision du gérant sur le marché des convertibles. Place donc à l’explication la plus importante pour Roni, celle relative au drawdown sur un an. «Il y a trois éléments qui expliquent ce drawdown, résume le gérant. Le premier est que notre sensibilité actions a été supérieure de 200 points de base par rapport à l’indice car ce dernier intègre des convertibles qui ne sont plus mixtes et étaient peu sensibles aux marchés actions. Le deuxième point est qu’un certain nombre de sous-jacents de nos convertibles sont des valeurs dites de croissance ou «momentum» et ont donc été fortement pénalisés par la correction de fin d’année. Enfin, étant uniquement en euros nous n’avons pas pu bénéficier de la bonne performance du dollar en 2018 par rapport à certains de nos concurrents.Globalement, nous sommes plus diversifiés que l’indice et avons par exemple plus de small caps et de secteurs comme les technologies ou les matières premières, dont l’indice est quasi absent. Cela nous a pénalisé en 2018. » Au moment de débriefer l’entretien, Roni insistera sur la qualité de cette explication: «Il a très bien identifié les problématiques de 2018 et tout me paraissait très clair. En l’écoutant j’avais envie de lui faire confiance pour la suite.» C’est sur cette explication que se termine la due diligence. Après s’être serrés la main, les deux hommes se prêtent à un petit exercice photo pour notre publication, puis Amélie Burtin nous propose gentiment de nous laisser la salle afin que je puisse débriefer l’entretien avec Roni. «Je vous promet qu’il n’y a pas de micro!», nous assure-t-elle en riant. Nous acceptons sa proposition et démarrons une petite interview d’une vingtaine de minutes pour faire un bilan de cette cinquième étape. «Globalement c’était très intéressant, très riche, déclare Roni. On voit vraiment qu’il sait de quoi il parle et que c’est un excellent technicien qui a parfaitement analysé son secteur.Ce qu’il m’a dit a confirmé ce que j’avais observé avec l’analyse quantitative et j’ai pu avoir plus de détails. » Une déceptionnotable? Outre la question du possible manque de réactivité du fonds en phase baissière, Roni aurait souhaité que le gérant «se mouille» un peu plus lors de la question sur la vision du marché actions. «Cela représente tout de même 60 % de la performance du fonds selon ses dires, j’aurai donc aimé avoir une vision plus tranchée. Cependant, la vision macroéconomique de la société passe par des décisions collégiales qui semblent très sérieuses, ce n’est donc pas un point déterminant dans mon choix». À l’inverse, les explications sur le drawdown ou encore la philosophie de gestion du fonds ont fait mouche et ont définitivement convaincu le sélectionneur de fonds de passer M Convertibles à l’étape six: l’insertion en portefeuilles. Rendez-vous jeudi prochain pour l’ultime épisode de notre série au cœur de la sélection de fonds.

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