« Les petites valeurs françaises disparaissent à cause du private equity »

La parole à... William Higgons, fondateur et président d’Indépendance et Expansion AM
Adrien Paredes-Vanheule

Retrouvez ici l’intégralité de l’entretien

william-higgons.jpg
William Higgons, fondateur et président d’Indépendance et Expansion AM

Observez-vous une baisse du nombre de fonds actions françaises ?

Pas sur le segment des petites capitalisations françaises. Nous étions une cinquantaine dans les années 1990 contre 75 aujourd’hui. Sur 30 ans, notre fonds France Small doit être le seul survivant. Cela étant, la thématique actions françaises ne fonctionne plus. Si vous lancez un fonds de petites capitalisations aujourd’hui, il doit couvrir l’Europe pour des raisons marketing. Les fonds européens gérés par des français sont surpondérés en valeurs françaises, ils remplacent donc les fonds small caps France. L’explosion du nombre des fonds France et Europe small caps a entraîné une forte amélioration de la liquidité sur les petites valeurs françaises.

Comment le marché actions françaises a-t-il évolué depuis vos débuts ?

Le marché a changé de physionomie. Lorsque j’ai commencé, les intérêts des brokers et des gérants étaient alignés, ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Les brokers small caps ne gagnent plus leur vie avec les fonds d’investissement. Ils sont désormais clairement du côté des émetteurs avec leurs études sponsorisées. Les études approfondies des brokers ont disparu mais les rapports annuels des entreprises sont bien plus complets. La qualité de l’information s’est fortement améliorée et les dirigeants des petites valeurs ont beaucoup amélioré leur communication. En outre, à l’époque, les sociétés n’introduisaient que 10% de leur capital en Bourse et se donnaient la possibilité d’en mettre plus par la suite. Aujourd’hui, la moyenne du flottant dans le portefeuille de France Small est de 33%. Les petites valeurs sont poussées à aller sur Alternext, ce qui est problématique sur ce marché, la protection des minoritaires est plus faible et l’information moins bonne que sur un marché réglementé.

Quid du réservoir de petites valeurs françaises ?

Il a diminué. Notre univers pour France Small se compose d’une centaine de sociétés. Les petites valeurs françaises disparaissent parce que le private equity paie plus cher que nous. Ne viennent sur le marché que les sociétés dont le private equity n’a pas voulu et, lorsqu’elles viennent du private equity, c’est qu’aucun autre acteur du secteur n’a voulu payer ce prix. L’évolution du cours de Bourse des dernières introductions confirme la validité de l’analyse qui précède.

Pourquoi ?

Les agents introducteurs n’ont plus à justifier le prix, donc ils mettent un prix délirant, puis le révisent à la baisse mais il reste trop cher. L’amélioration de l’attractivité de la place de Paris passe apparemment par le fait d’enlever les protections des actionnaires minoritaires. Or, s’il y en avait davantage, les belles sociétés viendraient se coter à Paris car ce serait un certificat d’honorabilité.

La réglementation (ESG, SFDR, taxonomie, etc.) a-t-elle un impact sur votre gestion ?

Le coût de la réglementation est en train de tuer les petites structures. L’ESG, qui est efficace et a transformé les sociétés, coûte cher. Ce coût ne peut être répercuté car les commissions de gestion baissent. Pour parvenir à se mettre au niveau de la taxonomie, cela va demander un effort énorme. Les sociétés n’ont pas les données nécessaires. Concernant SFDR, nos fonds sont classés article 8.

Sur le plan réglementaire, on demande aux fonds d’avoir une liquidité journalière pour que les institutionnels puissent investir dedans. Mais les fonds small caps ne peuvent pas liquider leurs positions dans la journée, nous sommes pris entre le marteau et l’enclume. En outre, pour calculer la liquidité, il est nécessaire de connaître les volumes de transaction. or ceux-ci sont inconnus. Même sur les petites valeurs, de nombreux titres passent dans les dark pools et les autorités boursières n’ont toujours pas obtenu la publication d’ une consolidated tape.

Qu’achetez-vous sur les actions de petite capitalisation françaises ?

Des sociétés plutôt familiales, qui ont une expérience boursière assez longue et qui ne font pas de prévisions qu’elles ne vont pas atteindre. Par conséquent, des valorisations assez faibles. Une entreprise comme Jacquet fait partie de ces titres mal valorisés qui peuvent le rester assez longtemps.

Que trouvez-vous trop cher ?

Certaines valeurs technologiques très bien valorisées. Par exemple, Ateme, qui conçoit des logiciels de compression vidéo. Je ne suis pas sûr que les investisseurs soient capables d e déterminer si elle dispose d’un avantage compétitif durable.

Une valeur qui vous accompagne depuis longtemps en portefeuille ?

SII est dans le portefeuille depuis 2009. Cette valeur était peu liquide et son ratio cours bénéfice faible. Il y avait trois autres entreprises dans ce secteur mais comme son flottant était réduit, personne ne suivait la valeur. Son ratio cours bénéfice est monté à 12, son cours est passé de 15 à 45 euros. C’est notre première ligne de portefeuille (8%). Delta Plus est un autre exemple. Son ratio cours bénéfice était de 7 en 2006, il est monté à 15 durant le Covid. A l’époque, nous étions de loin le principal actionnaire après la famille. La capitalisation a explosé et l’entreprise a connu une réussite phénoménale.

La taille du fonds est-elle un facteur important sur l’univers des petites capitalisations françaises ?

Plusieurs sociétés de gestion ont des petits fonds de 50 millions d’euros ou moins mais ce n’est pas rentable. Le fonds France Small jouit d’une bonne réputation mais les grands institutionnels rechignent à investir car la société de gestion ne gère pas 500 millions d’euros d’encours.

Quelle est votre clientèle aujourd’hui ?

Notre clientèle est composée pour moitié d’institutionnels. Depuis quelques années, grâce à une plus large diffusion de l’information sur les fonds, nous commençons à avoir des investisseurs particuliers.

Les fonds small & mid caps français ont connu 16 trimestres de décollecte nette sur 18 à fin septembre 2022 selon Exane/Lipper. Avez-vous décollecté sur le fonds France Small ? Comment expliquez-vous cette tendance ?

Le private equity est plus accessible aux particuliers, les fonds européens sont plus à la mode et le CAC 40 surperformant les grandes valeurs sont un concurrent redoutable. Notre fonds Small Cap Europe enregistre des souscriptions, le fonds France maintient son encours.

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles Gestion d'actifs

Contenu de nos partenaires

Les plus lus de
A lire sur ...