Les élections en Turquie cristallisent l’inquiétude des investisseurs

La concentration des pouvoirs souhaitée par le président a fait dévisser la livre turque et se tendre les rendements d’Etat depuis un mois.
Patrick Aussannaire

Le risque politique refait surface en Turquie. L’incertitude sur l’issue des élections qui se tiennent dimanche dans le pays a fait plier la livre turque de 4,7% contre dollar et 3,7% contre euro depuis mi-mai avec une hausse de la volatilité implicite à un mois au-dessus de 16%. Sa chute atteint désormais 15% et 8% contre les deux principales devises depuis le début de l’année, ce qui a propulsé l’inflation au-delà des 8% et l’éloigne ainsi de l’objectif de la banque centrale (CBT) de 5% fin 2015.

«Sa nouvelle prévision d’inflation de 6,8% est déjà presque hors d’atteinte», estime BNP Paribas.

Malgré le regain de tension sur les prix, l’autorité, qui a marqué une pause en mai dans son processus de baisse des taux, est sous la pression du gouvernement qui l’incite à davantage d’assouplissement monétaire pour stimuler la croissance, attendue à 3,1% cette année. Or, dans le cas où le parti du président Recep Tayyip Erdogan (AKP) réussirait à détenir une majorité suffisante, il projette de réformer la constitution vers un régime présidentiel, ce qui «accroîtrait encore très fortement la pression politique sur les institutions économiques et notamment la CBT», alerte CA CIB.

«Les sociétés non financières détiennent des positions nettes de change importantes qui les rendent vulnérables à une dépréciation de la livre», ajoute BNP Paribas. Or, la prochaine remontée des taux américains pourrait accentuer le risque de fuite des capitaux hors du pays, pourtant très dépendant des financements extérieurs et sous la menace d’une dégradation de sa note en catégorie spéculative par Moody’s, et mettre une pression supplémentaire sur la devise. «Au sein de l’Europe émergente, la Turquie semble être la plus exposée aux capitaux américains (dette et actions)», estime Natixis.

Le rendement des obligations d’Etat turques en devise locale s’est tendue de 220 pb depuis fin janvier à 9%. «La tentative du président de chercher à concentrer davantage de pouvoirs entre ses mains met en alerte les investisseurs, déjà douchés des échecs persistants du gouvernement, l’agenda des réformes promises ces dernières années s’étant soldé par peu de gestion des priorités et encore moins de mise en œuvre», ajoute Viktor Szabo, gérant chez Aberdeen AM.

La Turquie a enregistré 2,7 milliards de dollars de sorties nettes de capitaux cumulées en obligations locales depuis le début de l’année.

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