
Les économistes anticipent une pause prolongée des taux de la BCE
Amenée à jouer en dernier ressort le rôle de stabilisateur es marchés, la BCE va devoir s’assurer de l’efficacité de sa politique monétaire mais aussi de ses mesures non conventionnelles. Une tâche qui devient un peu plus compliquée depuis la réactivation hier de son programme de rachats de titres (SMP) qui vise à ramener la confiance auprès de détenteurs de dettes souveraines italiennes.
Alors qu’elle est déjà embarquée dans un processus de normalisation de ses taux et reste au chevet des banques de la zone euro, l’institution monétaire, comme au printemps 2010, a justifié ses rachats par sa volonté de rétablir «une meilleure transmission des décisions de politique monétaire» et «de garantir la stabilité des prix dans la zone euro». Mais aux yeux des analystes de CreditSights, pour que la BCE garantisse que sa politique monétaire soit transmise proprement dans les pays de la zone euro en détresse, «cela nécessite que les coûts de financement souverains ne soient pas excessivement élevés et que les banques veuillent prêter à d’autres banques». Des conditions qui sont loin d’être remplies aujourd’hui.
Si les taux à 10 ans espagnol et italien ont encore reflué mardi de 9 et 11 pb, respectivement à 5,06% et à 5,17%, la défiance entre banques européennes s’est exacerbée. Le spread Euribor-Swap Eonia à 3 mois est ressorti hier à 64,7 pb dépassant les 63 pb observés la veille de Lehman. Pire. La prime qu’elles doivent payer pour convertir en dollars des paiements libellés en euros –telle que mesurée par les swaps de base de change croisé à 3 mois– a atteint un record de 86,5 pb contre 45 pb une semaine plus tôt. CreditSights ajoute que le taux auquel les banques se prêtent mutuellement de l’argent est déterminé par les coûts d’emprunt et de dépôt auprès de la BCE mais aussi par les coûts d’emprunts du souverain concerné et son risque de défaut.
Depuis le début de la crise, la BCE avait réussi à rendre plus flexible ses interventions en appliquant un principe qui a fait ses preuves, le «principe de séparation» entre sa politique de taux traditionnelle et sa politique de gestion de la liquidité. Aujourd’hui, ce principe présente des limites, notamment suite à l’extension du SMP aux marchés de dettes italiennes et espagnoles, qui sont bien plus imposants que les marchés de dettes portugais, grec ou irlandais. Pour Frederik Ducrozet, économiste chez CA CIB, il «sera plus difficile de justifier des interventions massives destinées à faire baisser les taux (longs) sur ces marchés tout en relevant les taux directeurs (courts)».
En théorie, rien n’empêche la BCE de monter ses taux, de poursuivre ses rachats de la dette souveraine et d’annoncer de nouvelles mesures de liquidité. Mais selon l'économiste, une autre limite à ce principe «tient au contexte global, à la chute des marchés actions et aux craintes liées à la croissance américaine et mondiale». Estimant que ces facteurs pousseront l’institution à la prudence pour des raisons «fondamentales», en raison de leur impact sur la croissance européenne, y compris dans les pays les plus solides comme l’Allemagne, l'économiste juge désormais plus probable une période de statu quo sur les taux directeurs de la BCE jusqu'à la fin de l’année. «Alors que le taux de refinancement, actuellement à 1,50%, est encore à un niveau accommodant et bas aux yeux de la BCE, la modération des pressions inflationnistes en zone euro devrait l’amener à reporter sa prochaine hausse de taux à 2012», explique de son côté Christian Parisot, chef économiste chez Aurel BGC. L’inflation en zone euro a reculé de 2,7%, en juin, à 2,5%, en juillet.
Avant les rachats de la BCE, le marché anticipait une hausse des taux en octobre ou novembre. Barclays note que, depuis lundi, la courbe de l’Eonia anticipé joue à présent un net repli du taux monétaire et suggère une baisse du refi. Publiés à 1,293% le 1er août, les contrats de maturité août 2012 se traitaient hier à 0,82%, soit une détente de 47 pb. Un niveau qui indique aussi de bonnes conditions de liquidité. Mais pour combien de temps?
En cas d’une nouvelle crise d’illiquidité, la BCE pourrait-elle ressortir de son arsenal de mesures non standard son appel d’offre de fonds illimités à 12 mois? Rien n’est moins sûr. «Plus la BCE rallongera la durée de ses appels d’offre de fonds illimités, plus elle retardera la normalisation de ses opérations de refinancement et moins elle rendra flexible sa politique de gestion de la liquidité», ajoute Christian Parisot. «La mise en place de nouvelles opérations de refinancement à 6 mois me paraît plus probable qu’un appel d’offres à 12 mois, de façon à ne pas «lier les mains de la BCE» en matière de liquidité pendant une période de temps trop prolongée», remarque Frederik Ducrozet.
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