
Les agences de notation ESG dans le radar de Bruxelles
Elles sont prises en étau. Les agences de notations ESG (environnement, social, gouvernance) ont déjà fait l’objet de deux consultations cette année. Coup sur coup, l’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) et la Commission européenne ont lancé des appels à témoignages. La première en février, pour lui permettre de dresser un tableau de la taille, de la structure et des offres de produits des différents fournisseurs de notation ESG opérant dans l’Union européenne ; la seconde dès avril, sur la dynamique du marché et les problèmes potentiels. « Cette consultation aidera la Commission à mieux comprendre le fonctionnement du marché des notations ESG, ainsi qu’à mieux comprendre comment les agences de notation de crédit intègrent les risques ESG dans leur évaluation de la solvabilité, lit-on sur le site de l’institution. Les réponses des acteurs du marché alimenteront une analyse d’impact qui évaluera si une éventuelle initiative politique sur les notations ESG et sur les facteurs de durabilité dans les notations de crédit est nécessaire. »
Les résultats de ce dernier appel à témoignages livrent des avis quasi unanimes. Marché non régulé entre les mains de géants américains qui ne tiennent pas suffisamment compte des spécificités européennes, faible niveau de maturité et de comparabilité des notations extra-financières, méthodologies opaques et non harmonisées, potentiels conflits d’intérêts... la liste des insatisfactions est longue. Et les souhaits des répondants sont à due proportion. Selon les résultats communiqués par Bruxelles, presque tous (94 %) considèrent qu’une intervention est nécessaire, dont la grande majorité (80 %) soutiennent une intervention législative.
C’est notamment le cas en France de l’Autorité des marchés financiers qui prône un encadrement réglementaire européen strict de ces acteurs. Une position qui reprend celle prise en décembre 2020 au côté de son homologue néerlandais, l’Autoriteit Financiële Markten. Les deux régulateurs appelaient déjà à la création d’un cadre afin « de prévenir (...) le risque de greenwashing et à assurer la protection des investisseurs ». Et que soient prévus « des exigences de transparence sur les méthodologies, de gestion des conflits d’intérêts, des procédures de contrôle interne, et un dialogue renforcé avec les sociétés qui font l’objet d’une notation extra-financière ».
Double matérialité
L’idée a fait son chemin dans les couloirs de Bruxelles. Les scandales d’écoblanchiment comme l’affaire touchant le spécialiste du « grand âge » Orpea, pourtant suivi par les agences de notation ESG et de surcroît bénéficiant de notes de qualité, ont alimenté de nombreuses critiques. « La Commission a réaffirmé que le but de la consultation achevée en juin était de livrer une analyse d’impact en fin d’année, étape nécessaire avant qu’elle ne finalise une proposition de nouvel acte législatif qui serait publiée début 2023, soulève Thierry Philipponnat, cofondateur de Finance Watch. Le texte en préparation s’attellerait à des sujets essentiels comme celui des potentiels conflits d’intérêts d’acteurs qui établissent à la fois des notations et délivrent conseils et accompagnement auprès d’entreprises. L’autre grand sujet est celui de la transparence des méthodologies, ‘matière première’ de ces agences peu disposées à les rendre publiques, mais également celui, crucial, de l’objet même de ces notations extra-financières. »
La réglementation européenne (CSDR...) raisonne en effet sur le principe de la double matérialité (impacts de l’environnement sur l’entreprise et de l’entreprise sur son environnement). « Il y aurait donc une logique à ce que la notation ESG s’appuie sur cette double évaluation, estime-t-il. Il est nécessaire que les agences de rating indiquent ce qu’elles évaluent au travers d’une note extra-financière. » « Le score ESG glisse peu à peu vers une analyse d’impact », atteste Carol Sirou, présidente exécutive d’EthiFinance. L’agence de conseil et de notation financière et extra-financière, rare structure européenne indépendante, indique avoir « favorablement répondu à la consultation de la Commission ». Celle qui a notamment œuvré chez Standard & Poor’s indique que Bruxelles « s’inspirerait pour son projet de texte législatif du règlement Benchmark qui introduit des exigences à l’égard des administrateurs d’indices – respect de règles de gouvernance, encadrement des risques de conflits d’intérêts, transparence de l’indice de référence auprès des utilisateurs... – et des obligations de conformité et d’information auprès de l’Esma, auxquelles sont soumises les agences de notations de crédit. » Elle l’assure, « Bruxelles a pleinement conscience des enjeux industriels pour ne pas défavoriser les acteurs européens, moins nombreux et plus petits que leurs homologues américains ». En creux, l’autre enjeu de la notation ESG.
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