Les actionnaires d’Eurazeo écartent Virginie Morgon

Alexandre Garabedian
virginie-morgon.jpg

Coup de théâtre chez Eurazeo. Dimanche, le conseil de surveillance de la holding d’investissement a décidé de pousser vers la sortie Virginie Morgon, présidente du directoire depuis mars 2018. Il a nommé, à sa place, un tandem composé de Christophe Bavière, membre du directoire depuis l’adossement d’Idinvest à Eurazeo en 2017, et William Kadouch-Chassaing, l’ancien directeur financier de la Société Générale, qui a rejoint le groupe au printemps dernier. C’est la famille Decaux, premier actionnaire d’Eurazeo avec 18% du capital et 25% des droits de vote, qui est à l’initiative de ce changement. Entrés au tour de table de la société d’investissement en 2017 pour faire barrage à l’offensive de Tikehau Capital, les Decaux ont vu leur pouvoir grandir à mesure que le patriarche Michel David-Weill s’effaçait. Jean-Charles Decaux avait pris la présidence du conseil peu avant la disparition de l’ancien président de Lazard et fondateur d’Eurazeo en juin 2022. «Le décès de Michel David-Weill a complètement changé les équilibres au sein du conseil», glissait dimanche une source proche du dossier. Incompatibilité d’humeur Les Decaux ont rallié à leur cause les héritières du financier et la famille Solages, dont les concerts conclus en décembre représentent respectivement 9,4% et 5,6% du capital. Le sort de Virginie Morgon a été scellé vendredi lors d’une réunion marathon du conseil, hors de la présence des membres du directoire, comme l’ont révélé Les Echos. Les administrateurs indépendants et le censeur auraient poussé pour la mise en place d’un tandem, alors que les partisans de l’éviction de Virginie Morgon pensaient à l’origine nommer à sa place le seul Christophe Bavière. Ce départ sanctionne des tensions croissantes entre les actionnaires de référence et une dirigeante réputée indépendante et peu encline à partager les pouvoirs. Arrivée de Lazard en 2008, Virginie Morgon incarnait la modernité et la féminisation d’un secteur très masculin, le private equity, et d’une maison, Eurazeo, qui avait été secouée par l’assaut de Tikehau Capital. Elle jouait aussi un rôle moteur dans la conversion à l’ESG (environnement, social, gouvernance) de l’investisseur. Sous sa présidence, le groupe a accentué le virage pris avec Idinvest, de la gestion pour compte de tiers et de l’élargissement de l’offre à la dette privée et aux actifs réels (immobilier, infrastructures). Celle-ci représente désormais 23,2 milliards d’euros sur les 32,4 milliards d’encours que la société revendique, une hausse de plus d’un quart en un an. Les plus grands acteurs du private equity, notamment américains, ont suivi cette stratégie il y a une dizaine d’années déjà, car les commissions de gestion pour compte de tiers apportent des résultats plus récurrents que les plus-values de cessions pour compte propre. Entre 2018 et 2021, les management fees d’Eurazeo sont passées de 186 à 315 millions d’euros. Le bilan boursier est moins flatteur et ne reflète pas cette croissance. L’action Eurazeo, qui a fini à 65,1 euros vendredi, affiche une baisse de 13% sur cinq ans. Une contre-performance qui explique aussi l’impatience des actionnaires. Reste à savoir comment le titre accueillera la nouvelle ce lundi.

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles

Contenu de nos partenaires

Les plus lus de
A lire sur ...