
Le marché évalue les scénarios possibles sur la dette américaine
Faute d’accord bipartisan sur le relèvement du plafond de la dette américaine, les marchés financiers ont connu lundi une journée maussade. Avec comme conséquence une nouvelle hausse des valeurs refuges que sont l’or et le franc suisse. Rien qui soit cependant de nature à transmettre un sentiment de panique aux parlementaires américains. Les rendements des T-notes à 10 ans ont certes dépassé hier la barre des 3%, mais ne se sont tendus que de 9 points de base en cinq séances. Le S&P 500, qui a ouvert en baisse de plus de 1%, réduisait ses pertes quelques heures plus tard.
Plusieurs bases de discussions sont sur la table pour nouer un accord d’ici à la date-butoir du 2 août. Schématiquement, trois issues sont possibles.
Premier scénario, celui d’un accord qui contenterait à la fois la volonté des Démocrates d’accroître les prélèvements et celle des Républicains d’une réduction des coûts. «Si le relèvement du plafond s’accompagnait d’accords spécifiques pour abaisser de 3.500 à 4.000 milliards de dollars à long terme la dette du pays, d’une manière compatible avec ce que S&P juge nécessaire pour ne pas abaisser la note du pays, ce serait le meilleur des résultats possibles, juge Robert Lynch, stratégiste change chez HSBC. Il permettrait un rebond de taille du dollar, quoique probablement temporaire.»
Un resserrement budgétaire d’envergure aurait d’autres conséquences. «Il ne faudrait pas longtemps aux marchés pour en conclure que les vents contraires fiscaux en 2012 augmenteraient le risque d’un nouvel assouplissement quantitatif (QE3) de la Fed, ou au minimum d’un engagement à maintenir le bilan de la Fed et la politique de taux zéro sur une période de temps plus longue», soulignent les stratégistes change de BNP Paribas.
D’autant que l’économie américaine donne de sérieux signes d’essoufflement. L’estimation du PIB au deuxième trimestre sera publiée vendredi. Le consensus des économistes en attend 1,8%. «Des marchés immobiliers déprimés, un taux de chômage toujours élevé et la faible confiance des consommateurs ont entravé les perspectives de croissance», a indiqué hier le FMI, qui prévoit pour les Etats-Unis un déficit budgétaire fédéral de 9,3% en 2011 et 7,6% en 2012.
Deuxième scénario, les parlementaires américains et la Maison blanche conviennent d’un accord au rabais. La solution permettrait d’éviter un défaut au 2 août, mais pas une dégradation du AAA des Etats-Unis par S&P ou Moody’s dans les prochains mois faute de programme crédible de consolidation budgétaire. Même si d’aucuns doutent de la capacité des agences de notation américaines à priver de son triple A le pays où elles ont leur siège.
Une dégradation d’un ou deux crans «déclencherait une vague d’appels de marge et conduirait potentiellement à une hausse des décotes attendues dans les transactions où les titres du Trésor sont utilisées comme collatéral», écrivait le 15 juillet Fidelio Tata, stratégiste crédit chez SG CIB. D’où une baisse immédiate du levier dans le système financier.
Les analystes de Bank of America Merrill Lynch soulignent qu’une éventuelle hausse des décotes appliquées aux Treasuries est une décision relevant de la seule responsabilité des chambres de compensation. Mais ils estiment que la dégradation ne serait pas de nature à déclencher des ventes forcées sur le marché des municipal bonds, où se financent les collectivités locales, ni sur celui des agences hypothécaires. Les emprunts de l’Etat américain détenus par les fonds monétaires américains échappent pour leur part à des contraintes en matière de notation. «Cependant, les fonds monétaires exposés aux Treasuries pourraient eux-mêmes être dégradés sous AAA, entraînant des retraits de la part d’investisseurs contraints d’investir seulement dans des fonds notés AAA», explique Jeffrey Rosenberg, stratégiste crédit chez BoA Merrill.
Sur le marché des dérivés, le CME a annoncé hier qu’il relevait les appels de marge pour les contrats futures sur Treasuries (abaissés le 21 juin) en raison de la volatilité.
Le troisième scénario, auquel aucun économiste ne veut encore croire, serait celui du défaut. Outre ses effets systémiques incalculables, l’évènement poserait des problèmes inédits sur le plan opérationnel. Le marché de la pension livrée (repo) devrait par exemple gérer deux types de Treasuries, en défaut ou non, tout comme celui des futures. «Le marché a besoin d’indications de la part du Trésor et de la Fed», souligne Fidelio Tata. Car les financiers ne peuvent s’appuyer sur l’expérience de l’histoire, le précédent défaut technique des Etats-Unis, entre octobre 1995 et mars 1996, ayant été ignoré des marchés.
Plus d'articles du même thème
-
Les gestions ne croient pas à une poursuite de la progression des Bourses
Le panel Actions table sur un léger recul du Nikkei et sur une stabilité du S&P 500 à un horizon de six mois. Les indices européens gagneraient moins de 4% sur la période, loin de rattraper leur retard. -
Les actions restent plébiscitées dans les portefeuilles des gérants
Les actifs risqués pèsent toujours 51% des allocations du Panel, même si un tiers des gestions ont renforcé leur poids, pour un quart d'entre elles qui l’ont allégé. -
PARTENARIAT
Boom de l’IA, turbulence dans les semi-conducteurs et crise chez Apple : comment les géants de la tech se battent pour l’avenir
Des milliards de dollars sont injectés dans le développement et l'entraînement des modèles de langage, et les grands acteurs du cloud – Microsoft, Amazon, Google et Meta – ont relevé leurs budgets d'investissement à un niveau historique, entre 400 et 450 milliards de dollars par an. Mais que signifie cette course à l’innovation pour les investisseurs ? -
Boeing essaie de contourner la grève en cours dans ses activités de défense
Un mois après le début de ce conflit, l’avionneur a lancé le recrutement de salariés permanents pour assurer la continuité de sa production. -
L’emploi américain accélère sa dégradation
Les créations d’emplois aux Etats-Unis ont continué à ralentir en août, affectant l'ensemble du marché du travail. Avec des révisions annuelles encore attendues la semaine prochaine, cela pourrait finalement soutenir l’idée d’une baisse des taux des Fed funds encore plus marquée, peut-être dès septembre. -
PAI Partners cède le lunetier Marcolin au californien VSP Partners
Après treize années de détention, la société d'investissement tricolore cède les rênes du lunetier italien.
Sujets d'actualité
ETF à la Une

L'ETF d'Ark Invest, le casse estival de l'IPO de «Bullish»
- L'ETF d'Ark Invest, le casse estival de l'IPO de «Bullish»
- Gestion d’actifs : ce qu’il faut retenir du mois d’août
- WisdomTree met au point un ETF sur l’informatique quantique
- BlackRock perd un mandat de 14,3 milliards d’euros du néerlandais PFZW
- Fidelity International lance le premier ETF semi-transparent européen
Contenu de nos partenaires
-
Coulisses
Ferrand décoré, Macron en forme, Bayrou en panne
Cette cérémonie officielle, miroir des incertitudes politiques du moment, révèle un Président avenant et disponible, et un Premier ministre sombre -
Accusé de partialité, Thomas Legrand assume de "s'occuper journalistiquement" de Rachida Dati
Paris - Le journaliste et chroniqueur Thomas Legrand, mis en cause dans des images diffusées par le média conservateur L’Incorrect, a reconnu samedi des «propos maladroits» à l'égard de Rachida Dati mais assumé de «s’occuper journalistiquement» de la ministre de la Culture. Dans une vidéo diffusée vendredi et filmée en juillet à l’insu des participants dans un restaurant parisien, les journalistes Thomas Legrand et Patrick Cohen échangent avec deux responsables du Parti socialiste: son secrétaire général, Pierre Jouvet, et le président de son conseil national, Luc Broussy. Au cours de cette discussion, M. Legrand, qui travaille pour France Inter et Libération, déclare notamment: «Nous, on fait ce qu’il faut pour Dati, Patrick (Cohen) et moi». «Je comprends que la diffusion de cette vidéo, enregistrée à l’insu des protagonistes et qui plus est tronquée, puisse susciter de la suspicion», a réagi Thomas Legrand dans un message transmis samedi à l’AFP. «Je tiens des propos maladroits. (...) Si la tournure, extraite d’un échange tronqué et privé, est malheureuse, j’assume de m’occuper journalistiquement des mensonges de Madame Dati», écrit-il, quelques heures après avoir été suspendu "à titre conservatoire» d’antenne par France Inter. «Il est possible, par l’intermédiaire d’une vidéo volée, de mettre en cause l’ensemble d’une profession. Ceux et celles qui tomberont dans ce piège évident fouleront les principes qui fondent notre espace public, à commencer par celui de la liberté de la presse», ajoute-t-il. «L’ironie de l’histoire, c’est que ce rendez-vous avait été sollicité par le PS, enfin par la direction du PS, parce qu’ils ne sont pas contents du traitement du PS et d’Olivier Faure (premier secrétaire du parti, NDLR) sur l’antenne de France Inter. Donc c'était tout sauf une réunion conspirative», a pour sa part réagi Patrick Cohen, éditorialiste politique sur France Inter et C à vous (France 5), sollicité par l’AFP. Rachida Dati, investie comme candidate des Républicains à la mairie de Paris, avait de son côté demandé vendredi que des mesures soient prises envers les deux chroniqueurs. «Des journalistes du service public et Libération affirment faire ce qu’il faut pour m'éliminer de l'élection à Paris. Des propos graves et contraires à la déontologie qui peuvent exposer à des sanctions. Chacun doit désormais prendre ses responsabilités», avait-elle réagi sur X. L’Incorrect, fondé en 2017 par des proches de Marion Maréchal, s’affirme comme «conservateur» et prône une union des droites. © Agence France-Presse -
A Pau, François Bayrou face à la fronde locale pour les municipales
Pau - Après le vote de confiance lundi et la probable chute de son gouvernement, le retour de François Bayrou dans son fief de Pau ne sera «pas paisible», préviennent ses opposants qui axent déjà la campagne municipale sur «son budget brutal» et le scandale Bétharram. «Son passage à Matignon a montré toutes les limites de sa méthode et de sa façon de penser le monde, c’est un homme politique de la fin du XXe siècle», tance Jérôme Marbot (PS), chef de file de l’opposition municipale, candidat malheureux de la gauche et des écologistes au second tour en 2020 face à François Bayrou. «Il va payer le prix de ce budget si brutal pour les plus faibles», avec un effort financier de 44 milliards d’euros, renchérit l'écologiste Jean-François Blanco, avocat et autre figure d’opposition locale. Même si le maire de Pau, élu une première fois en 2014, n’a pas annoncé sa candidature -déclarant seulement dans les médias que ses «aventures» politiques n'étaient pas «finies"-, «il est déjà en campagne», considèrent ses opposants. «Pas un retour paisible» Lundi matin, pour la rentrée des classes, François Bayrou a visité deux écoles à Pau. «Tout le monde a compris qu’il serait candidat, ce n’est pas un sujet, mais il n’aura pas un retour paisible», lui promet M. Blanco, déjà candidat en 2020 (14% des suffrages au premier tour). Le contexte national est venu «percuter» la campagne des municipales, analyse-t-il également, anticipant un scrutin «très politique» en mars prochain. François Bayrou qui a, dès son arrivée à Matignon, souligné qu’il voulait rester maire de Pau, glissant que c'était un titre «plus durable» que celui de Premier ministre, a vanté plusieurs fois ces derniers mois (vœux aux habitants, conférences de presse), en vidéo, «les dix ans de réalisations» dans la ville. Depuis deux ans, et après plusieurs années de déclin, la préfecture des Pyrénées-Atlantiques a gagné 3.000 habitants, selon des chiffres de l’Insee, atteignant désormais près de 80.000 habitants. Jean-François Blanco, avocat de victimes de violences physiques et sexuelles à Bétharram, est convaincu que cette affaire qui empoisonne le chef du gouvernement, ministre de l’Education à l'époque d’une première plainte contre l'établissement privé béarnais où ont été scolarisés plusieurs de ses enfants, «sera un marqueur de la campagne» des municipales. «Elle aura des conséquences», abondent les Insoumis, qui reconnaissent à M. Blanco d’avoir «affronté Bayrou sur le terrain de Bétharram», en lien avec le député LFI Paul Vannier, corapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur les violences en milieu scolaire au printemps. La gauche divisée Reste que si la gauche paloise parle beaucoup de «rassemblement» pour reprendre la ville, dirigée par le PS de 1971 à 2014, ce n’est encore qu’un vœu pieux. La France insoumise «ne discute pas avec le PS», le socialiste Jérôme Marbot veut fédérer en ayant «vocation à être tête de liste», mais sans «en faire une condition sine qua non», tandis que Jean-François Blanco, mandaté par Les Ecologistes, veut unir derrière lui. «La porte est ouverte», insiste Jérôme Marbot, qui revendique le soutien de six formations de gauche, dont Génération.s ou Place Publique. «On veut présenter un programme de gauche de rupture. L’union pour l’union, sans la cohérence, ça ne marchera pas», avertissent de leur côté les Insoumis palois Jean Sanroman et Jade Meunier. De l’autre côté de l'échiquier politique, le Rassemblement national, qui avait réuni moins de 7% des voix aux municipales d’il y a cinq ans, espère capitaliser sur son score des dernières législatives (29%) avec comme candidate Margaux Taillefer, 26 ans, arrivée du parti Reconquête d'Éric Zemmour, et dont le nom a été dévoilé samedi. François Bayrou «va être dépositaire de son échec au gouvernement, ce sera plus difficile pour lui qu’en 2020", espère Nicolas Cresson, représentant régional du RN. Carole SUHAS © Agence France-Presse