
La révision d’Eltif devrait bénéficier aux fonds alternatifs d’actifs réels

Gilles Saint Marc, avocat au Barreau de Paris, associé chez Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP
Le règlement européen Eltif, adopté le 29 avril 2015, affichait de grandes ambitions après la crise des subprime : apporter des financements de longue durée à divers projets d’infrastructures et à des sociétés non cotées afin de « permettre à l’économie européenne de prendre la voie d’une croissance intelligente, durable et inclusive […] pour construire l’économie de demain de manière qu’elle soit moins exposée à des risques systémiques et plus résiliente ». Il est peu de dire que le règlement Eltif n’a pas atteint ces objectifs. Selon les chiffres de la Commission européenne d’octobre 2021, seulement 57 Eltif (fonds européens d’investissement à long terme) ont été agréés, dans seulement quatre juridictions (Luxembourg, France, Italie et Espagne), représentant seulement 2,4 milliards d’actifs sous gestion. En réalité, l’intérêt principal du règlement Eltif a été de permettre aux fonds d’investissement alternatifs (FIA) bénéficiant de cet agrément de pouvoir octroyer des prêts en direct dans les 27 Etats membres de l’Union, nonobstant les dispositions locales relatives au monopole bancaire.
Pour permettre aux Eltif de jouer pleinement le rôle qui leur était assigné à l’origine, le règlement Eltif est en passe d’être modifié d’ici à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine. Sur la base de la dernière version à ce jour du projet de règlement modifié, les modifications principales seraient les suivantes :
1. L’assouplissement des actifs éligibles : un Eltif pourrait investir dans d’autres Eltif ou FIA (fonds de fonds), voire être le fonds nourricier d’un autre Eltif ou FIA maître, pour autant que les actifs sous-jacents de ces autres FIA soient eux-mêmes éligibles à un Eltif. L’Eltif pourrait également investir dans des opérations de titrisation simple, transparente et standardisée (STS) au sens du règlement européen sur la titrisation, dans des green bonds au sens de la future réglementation européenne (European Green Bond Standard) ainsi que dans des produits financiers qui auront un objectif d’investissement durable au sens de l’article 9 du règlement SFDR. Seraient également éligibles les investissements dans des entreprises financières qui auront été agréées ou autorisées depuis moins de cinq ans (cela vise notamment les fintechs) ou dans des sociétés cotées dont la capitalisation boursière n’excéderait pas 1,5 milliard d’euros (contre 500 millions actuellement).
2. L’assouplissement des règles de diversification : aujourd’hui, un Eltif doit investir au moins 70 % de son capital en actifs éligibles. Ce pourcentage descendrait à 55 %. De même, le seuil de diversification de 10 % passerait à 20 % du capital. Quant aux actifs physiques, leur valeur unitaire minimum de 10 millions d’euros serait supprimée, rendant désormais éligible le leasing de biens industriels, de navires, d’aéronefs ou de matériels roulants. Ces règles de diversification ne s’appliqueraient pas aux Eltif commercialisés auprès d’investisseurs professionnels.
3. L’assouplissement du recours à l’effet de levier, actuellement limité à 30 % du capital. Un Eltif commercialisé auprès d’investisseurs de détail pourrait avoir recours à l’emprunt à hauteur de 50 % de son actif net, cette limite passant à 100 % pour un Eltif commercialisé uniquement auprès d’investisseurs professionnels.
4. La clarification et la simplification des conditions permettant de créer un Eltif ouvert : afin de permettre la sortie des investisseurs (notamment des investisseurs de détail) avant la date d’échéance de l’Eltif, il serait possible de leur permettre de demander le rachat dans des conditions simplifiées par rapport à celles existantes aujourd’hui.
5. L’assouplissement des conditions de commercialisation auprès des investisseurs de détail. C’est l’une des modifications majeures du règlement Eltif. En supprimant la double limite actuellement applicable à un investisseur de détail (investissement n’excédant pas 10 % de son portefeuille et montant minimum investi dans un ou plusieurs Eltif de 10.000 euros), cette modification ouvrirait la voie à la « retailisation » de tous les FIA d’actifs réels dont la commercialisation était jusqu’à présent restreinte aux investisseurs professionnels. Cette modification s’accompagnerait de la suppression d’autres contraintes, qui se sont avérées ingérables en pratique : suppression de l’exigence d’avoir une présence physique dans chaque juridiction de commercialisation et de fournir des conseils d’investissement. Un test d’adéquation serait effectué conformément aux règles de droit commun de Mifid 2.
L’enjeu de cette modification est considérable pour tous les FIA d’actifs réels de droit français en principe réservés à des investisseurs professionnels mais qui peuvent être distribués à des investisseurs de détail si le FIA est agréé Eltif (FPCI, FPS, SLP, OFS), notamment parmi les supports en unités de compte de l’assurance-vie.
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