Indépendance des banques centrales et crises souveraines

Une fois le Mécanisme européen de stabilité mis en place, l’Eurosystème aura beaucoup de mal à refuser encore son crédit direct
Sylvain Broyer, Natixis

Historiquement, la création des banques centrales a souvent relevé d’un acte de collusion entre les Trésors publics et le secteur financier. Rappelons-nous juste le dollar continental, dont l’émission, adossée aux futures recettes fiscales des colonies américaines, a servi à financer la guerre d’indépendance… Puis, les banques centrales se sont appliquées à effacer ce qu’Olivier Jeanne, professeur à la Johns Hopkins University, appelle leurs «sombres origines». Peu à peu elles ont gagné leur indépendance, parfois tardivement (1997 pour les banques du Japon et d’Angleterre), et pas au même degré (l’Echiquier conserve un droit de veto sur la BoE). Aujourd’hui, l’Eurosystème jouit très probablement de la plus forte indépendance vis-à-vis des pouvoirs fiscaux et il n’a pas le droit de faire crédit aux Etats membres.

Mais la crise des dettes souveraines a chamboulé les schémas de pensée. La Fed a acheté 900 milliards de dollars en bons du Trésor américains. La Banque d’Angleterre, 198 milliards de livres en Gilts. La BCE, pour l’heure, encore très peu de titres publics (74 milliards d’euros). Elle tente toujours de résister, au nom de son indépendance. Mais comme le soulignait encore Olivier Jeanne, on ne connaît pas d’exemple d’une banque centrale qui pousse son pays à la faillite en refusant de racheter ses obligations d’Etat.

De plus, les banques centrales, principalement d’Asie, sont les premiers investisseurs en obligations de l’EFSF (Fonds européen de stabilité financière), cette facilité de refinancement des Etats de la zone euro en détresse budgétaire. Pourquoi ces obligations, acceptées par la banque du Japon ne le seraient-elles pas par la BCE? Réponse à caractère juridique: parce que l’EFSF est une société de droit privée détenue par les Etats membres, auxquels on ne peut pas faire crédit.

Et c’est là que la BCE a rendez-vous avec l’histoire. En juillet 2013, le Mécanisme européen de stabilité remplacera l’EFSF. Son statut juridique sera celui d’une organisation intergouvernementale, au même titre que le FMI et il pourra se financer en émettant des obligations. En septembre 2009, la sacrosainte Bundesbank et d’autres banques centrales de l’Eurosystème accordaient un crédit au FMI pour financer son aide aux Etats, y compris européens. Une fois le MES mis en place, l’Eurosystème aura beaucoup de mal à refuser encore son crédit direct pour endiguer la crise des dettes publiques de la zone euro.

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