
H2O AM doit composer avec un nouveau front judiciaire

Le feuilleton judiciaire de H2O AMva être décliné en plusieurs séries dérivées. Après le Collectif Porteurs H2O, le premier à assigner H2O AM en septembre 2021, et la plateforme d’actions collectives MyLeo, qui s’est fait connaître tout début janvier, un troisième acteur entre dans la bataille, a appris L’Agefi. Il s’agit du cabinet Lecoq-Vallon & Feron-Poloni, spécialisé dans la défense des épargnants.
Le cabinet compte assigner au civil H2O AM et son ex-actionnaire majoritaire Natixis Investment Managers d’ici fin janvier-début février. Les griefs de la partie civile seront principalement basés sur ceux retenus par la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers dans sa décision du 3 janvier dernier, précise Hélène Feron-Poloni, associée du cabinet. « C’est une ancienne affaire pour moi car je travaille dessus depuis septembre 2020, dès la suspension de la cotation des fonds », assure Hélène Feron-Poloni. L’avocate a déjà tenté un recours à l’amiable avec Natixis et H2O AM pour le compte de plusieurs investisseurs, sans succès. Contrairement à d’autres actions collectives, le cabinet n’assignera ni le groupe BPCE ni le commissaire aux comptes KPMG, notamment pour des questions d’efficacité.
Cette action en justice se distingue de celle du collectif sur deux principaux points : d’une part, le cabinet Lecoq-Vallon & Feron-Poloni va se limiter à des investisseurs particuliers, et d’autre part, viser plus large que les fonds cantonnés. Sur le premier point, le cabinet s’est fait la spécialité de défendre les petits porteurs. « Les intérêts des professionnels et des particuliers ne sont pas d’office compatibles. Le niveau d’information et de compréhension de la gestion n’est pas le même. Il peut être hasardeux de défendre ces deux catégories d’investisseurs ensemble », explique Hélène Feron-Poloni.
Sur le second, les avocats vont également défendre des épargnants qui ont vendu des parts entre juin 2019 et août 2020. Soit de la date de publication de l’article du Financial Times qui révélait l’existence des positions en portefeuille sur des obligations non cotées liées au groupe Tennor, jusqu’au cantonnement des fonds l’année suivante. Le cabinet estime que ces épargnants ont aussi subi des moins-values et va formuler des demandes à ce titre.
Le cabinet se prépare à un contentieux âpre. « Il faut s’attendre à ce que la défense de H2O AM raisonne de la même manière que celle de Natixis dans d’autres dossiers. Ils ne paieront rien à personne spontanément. Ils diront que le préjudice n’est pas certain, pas indemnisable, pas déterminable », estime l’avocate. Celle-ci mène déjà un contentieux contre les mêmes avocats de Natixis IM, puisqu’elle défend l’UFC-Que-Choisir contre Natixis Investment Managers International dans un dossier de potentiels manquements dans la gestion de 133 fonds à formule.
Dans l’affaire H2O AM, le cabinet représente plusieurs dizaines de clients, et compte accepter de nouveaux dossiers au fil de l’eau, sans date butoir, contrairement au Collectif qui arrêtera d’en embarquer fin février. Maître Feron-Poloni visera notamment à obtenir des indemnisations pour perte en capital, manque à gagner, et préjudice moral. L’honoraire de base se situe entre 650 euros et 1.000 euros hors taxes, en fonction du dossier, avec un honoraire de résultat porté à 20% des sommes gagnées hors taxe.
MyLeo dévoile un peu sa stratégie
La plateforme d’actions collectives MyLeo, quant à elle, a présenté le 16 janvier au cours d’une visioconférence sa stratégie pour un éventuel contentieux dans le dossier H2O AM. La structure se donne jusque fin avril pour agréger au moins 500 plaignants avec un honoraire de base de 549 euros TTC afin de démarrer la procédure, tout en se donnant la possibilité de l’ouvrir avec moins de clients. Dans le cas d’une levée suffisante, elle mandatera l’avocat Christophe Leguevaques (par ailleurs fondateur de la plateforme) pour assigner H2O AM ainsi que l’actionnaire de référence de la société de gestion et le commissaire aux comptes KPMG. L’avocat va alors chercher la responsabilité contractuelle pour H2O AM, et délictuelle pour les deux autres, avec une demande d’indemnisation solidaire.
Pour le cas de l’actionnaire de référence, qui pourra être après réflexion le groupe BPCE ou une de ses filiales comme Natixis IM, l’avocat considère que cet actionnaire a failli dans son rôle de contrôle de sa filiale, alors que des signaux auraient existé depuis 2016. Pour KPMG, il estime que le commissaire aux comptes n’a pas joué son rôle en ne donnant l’alerte qu’après l’explosion du scandale.
Le parcours juridique pourra varier en fonction du profil du panel défendu. Si MyLeo n’agrège que des personnes physiques, l’avocat assignera ces trois sociétés au tribunal judiciaire de Paris. S’il défend également des personnes morales, il se tournera vers le tribunal de commerce. L’avocat demandera le remboursement du montant nominal de la side pocket, ainsi qu’un manque à gagner. L’honoraire de résultat s’élève à 12% TTC.
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Après 29 mois d’attente, les investisseurs bloqués dans les fonds cantonnés de H2O AM ont enfin reçu un premier remboursement. Un pas important de la part de la société de gestion de Bruno Crastes, qui va sans doute devoir malgré tout affronter plusieurs procès au civil. Les porteurs de parts de «side pockets» ont reçu un courrier la semaine dernière leur détaillant les modalités de versement de la somme récemment collectée auprès de Tennor. H2O AM, qui gérait 11,6 milliards à fin décembre 2022, a effectué les versements ce 25 janvier en cash à destination des porteurs de parts de fonds cantonnés. « L’opération est, d’un point de vue comptable (et non pas fiscal), similaire au versement d’un dividende», précise H2O AM dans l’un de ces courriers que Newsmanagers a pu consulter. Le montant global de la somme versée aux investisseurs bloqués n’a cependant pas été officialisé. H2O AM avait annoncé au début du mois de janvier une réduction de 250 millions d’euros du nominal de la dette first super senior secured note (FSSSN), un titre qui avait permis de restructurer en mai 2021 pour 1,45 milliard d’euros de créances d’entreprises liées au groupe Tennor, la holding de l’homme d’affaires allemand Lars Windhorst. L’enjeu restait de savoir si cette somme allait être entièrement perçue par les détenteurs de parts de fonds cantonnés. Il semblerait que la société de gestion n’ait versé qu’un peu plus de la moitié des 250 millions d’euros. Les fonds étant cantonnés et en liquidation, leurs valeurs liquidatives ont baissé du montant des sommes versées. En utilisant les données publiées sur le site internet de H2O AM, on peut estimer le montant total perçu par plusieurs fonds cantonnés. Celui du fonds cantonné d’Allegro serait d’un peu moins de 31,7 millions d’euros, soit environ 10,8% de la valorisation initiale du fonds cantonné en octobre 2020, pour une part retail en euro (la plus classique pour les investisseurs particuliers français). Pour la poche cantonnée du fonds Adagio, le versement s’élèverait, selon nos calculs, à 18,4 millions d’euros (6,5% de la valorisation initiale), et pour celle de Moderato, 4,1 millions d’euros (4%). Le versement pour la side pocket de Multistratégie serait de 5,4 millions d’euros, selon sa lettre aux porteurs. Cela correspondrait à 5,9% de la valorisation initiale d’une part institutionnelle en euros. Enfin, H2O AM aurait versé 81,5 millions d’euros à la poche cantonnée de Multibonds (soit 10% de la valorisation initiale), et rien à celle de Vivace, selon un tweet du blogger et consultant Philippe Maupas, qui conseille par ailleurs l’association d’investisseurs Collectif Porteurs H2O. Ses chiffres pour les autres fonds diffèrent légèrement des nôtres. Par ailleurs, les niveaux de remboursement par rapport aux valorisations initiales varient également marginalement entre les différentes parts (retail, super retail, institutionnelle, couvertures en devises…) au sein d’un même fonds cantonné. #H2Ogate : «Suite à un remboursement partiel de la FSSSN fin décembre 2022, son nominal sera donc réduit de €250 millions.» Le communiqué H2O du 3 janvier était obscur à souhait. D’après mes calculs, ce sont 144 millions € qui ont été remboursés aux side-pockets le 25 janvier. pic.twitter.com/3EVJSdIIkf — AlphaBetaBlog (@AlphaBetaBlogFR) January 26, 2023 La somme hypothétique de ces cinq versements, un peu moins de 142 millions d’euros (144 millions selon les données de Philippe Maupas), semble bien éloignée des 250 millions annoncés début janvier. Interrogé sur ce différentiel d’un peu plus de 100 millions d’euros, H2O AM n’a pas répondu. -
Bruno Crastes compte encore jouer un rôle actif au sein de H2O
Bruno Crastes, qui a récemment écopé d’une interdiction d’exercer l’activité de gérant pendant cinq ans de la part de l’Autorité des marchés financiers, a tenu une conférence téléphonique avec les clients de H2O Asset Management mercredi. A cette occasion, il a clairement dit qu’il allait continuer à jouer un rôle actif au sein de la société de gestion de 11,6 milliards d’euros, rapporte le Financial Times. Lors de cette réunion, Bruno Crastes, désormais corporate and market strategy director, a jugé les violations supposées au cœur des sanctions «très techniques», tout en indiquant qu’il continuerait à aider à façonner la vision de la société sur la direction des marchés d’obligations mondiales et des devises. «Je serai heureux de continuer à travailler avec les marchés et d’essayer de trouver les bonnes stratégies», a-t-il conclu, après avoir livré ses prévisions pendant une heure. Lors de la conférence de mercredi, Babak Abrar, directeur des ventes et du marketing de H2O, a annoncé que le remboursement initial des investisseurs des fonds cantonnés était prévu pour la semaine prochaine.
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