Finance durable, revenir aux sources

Philippe Zaouati, directeur général de Mirova

C’était le 8 mars 2018. La Commission européenne publiait son premier « plan d’action pour la finance durable ». Très riche, il se donnait pour ambition de rendre le système financier européen plus durable : en créant une taxonomie des actifs verts pour que tous les acteurs parlent le même langage, en exigeant des entreprises un reporting extra-financier détaillé et des acteurs de la finance une transparence quant à l’utilisation des critères environnementaux et sociaux, en créant des standards et labels pour les obligations vertes, les indices durables et les fonds d’investissement, en renforçant le rôle des superviseurs et en prenant mieux en compte les préférences des épargnants.

Cinq ans plus tard, l’essentiel de ce plan d’action a été traduit en directives, actes délégués et règlements. L’Europe est incontestablement en avance, et ce cadre réglementaire a permis aux acteurs financiers européens de se transformer. Pourtant, la dynamique semble aujourd’hui s’essouffler. Les derniers volets de la taxonomie peinent à sortir des limbes, la réglementation SFDR sur les fonds d’investissement est fortement critiquée, les accusations de greenwashing se multiplient et la démarche ambitieuse de comptabilité extra-financière menée par le Groupe consultatif européen sur l’information financière (Efrag) est contestée par l’initiative internationale de l’International Sustainability Standards Board (ISSB).

Pourquoi est-on passé d’un enthousiasme collectif en 2018 à une forme de résignation cinq ans plus tard ? Ces dernières années, la confiance dans la capacité du secteur privé à apporter des solutions s’est atténuée. La pandémie de Covid et le « quoi qu’il en coûte » sont passés par là, au point que certains pensent que la solution à la crise climatique viendra majoritairement de subventions et d’aides publiques.

Par ailleurs, le consensus sur le rôle positif de la finance privée s’étiole. En Europe, la finance durable se transforme progressivement en un problème politique, une source de conflits entre visions divergentes. Les débats autour de l’inclusion du gaz et du nucléaire dans la taxonomie sont à ce titre symptomatiques. La finance durable a été utilisée comme un outil de clivage.

Face à cette perte de confiance et de consensus, il est essentiel de retrouver une vision d’ensemble et de redonner du sens à l’action. Il serait dommage que le régulateur européen, qui a été à la pointe de la mue de la finance depuis cinq ans, ralentisse et se recroqueville. Prenons de la hauteur, sortons un moment des débats techniques, revenons aux objectifs initiaux fixés par Bruxelles en mars 2018 : rendre le système financier européen plus durable. Car c’est bien cela l’enjeu. L’urgence climatique est chaque jour plus évidente. Les besoins en investissements pour transformer notre économie, la rendre plus indépendante et résiliente sont considérables. Nous avons besoin d’une finance verte, qui mette toute son imagination au service d’une Europe durable et inclusive.

{"title":"?»,"body":{"value":"

Pourquoi est-on pass\u00e9 d\u2019un enthousiasme collectif \u00e0 une forme de r\u00e9signation<\/p>\r\n»,"format":"light_html"},"image":0,"legend":"","credit":""}

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles ESG

Contenu de nos partenaires

Les plus lus de
A lire sur ...