
GESTION D’ACTIFS AU FÉMININ - Un management tourné vers l’inclusion

Avec 17 % de femmes dans les métiers de l’investissement, les sociétés de gestion sont conscientes de la nécessité de transformer leurs organisations en profondeur. La 3e édition du Gender Diversity Index (GDI) de L’Agefi, élaborée en partenariat avec Ethics&Boards, apporte la preuve de leurs efforts dans la féminisation des instances de gouvernance. « Au niveau global, la dynamique de progression de la représentation des femmes dans les conseils d’administration du panel, qui est de 10 points sur trois ans, est encourageante et témoigne d’une prise de conscience. Beaucoup de sociétés françaises n’ont pas atteint les 40 % de femmes dans leur conseil d’administration, c’est un point sur lequel elles peuvent progresser », relève Floriane de Saint-Pierre, présidente et fondatrice d’Ethics&Boards. «Les femmes représentent aujourd’hui 38 % des membres de nos conseils d’administration au global contre 21 % en 2018. Notre ambition est d’atteindre 50 % fin 2021 », explique Marion Azuelos, DRH monde de BNPP AM.
Le bond est moins sensible au sein des comités de direction. « Bien que moins marquée avec une progression d’environ un point par an, la part des femmes dans les comités de direction continue d’augmenter. Les sociétés britanniques se montrent les plus exemplaires en la matière, mais leurs homologues françaises se situent sur la deuxième marche du podium. Fait notable, à 28 %, la moyenne du panel français est plus élevée que celle des entreprises du CAC40 », poursuit-elle, tout en se félicitant de la performance globale des entreprises françaises : « A l’international, trois sociétés se distinguent sur la diversité de leurs instances dirigeantes, il s’agit de Legal & General, Axa IM et Amundi ».
Des efforts certains
Le britannique Standard Life Aberdeen, né du rapprochement en 2017 entre Standard Life et Aberdeen AM, communique chaque année sur les progrès accomplis. « Entre 2017 et 2020, la représentation des femmes dans notre conseil d’administration a augmenté de 20 points, tandis que leur part chez les cadres supérieurs a progressé de 10 points. Les chiffres peuvent aller et venir, d’une année sur l’autre, au gré des transformations organisationnelles, mais notre volonté d’agir reste inchangée », confirme Lynne Connolly, responsable groupe diversité et inclusion chez Standard Life Aberdeen. « En 2017, NN IP comptait seulement 28 % de femmes à des postes de direction, toutes fonctions confondues. Aujourd’hui, 34 % de notre top management est féminin », indique Elsa Endlich Metselaar, responsable du développement RH chez NN IP.
Avec 30 % d’administratrices, les sociétés de gestion américaines du panel se situent au-dessus de la moyenne nationale tous secteurs confondus (19 %), mais en retard par rapport à leurs homologues européennes (39 %). Connu pour les lettres aux émetteurs de son CEO Larry Fink, BlackRock n’est pas exemplaire. « BlackRock se situe dans la moyenne des conseils d’administration américains, mais au-dessous de la moyenne américaine pour son comité exécutif », indique Floriane de Saint-Pierre. Visé par une controverse l’accusant de discrimination religieuse et raciale, le géant a accepté la critique et indiqué pouvoir « faire mieux » en matière de diversité et d’inclusion. State Street fait preuve de la même humilité. « Bien que nous ayons entrepris d’importants efforts continus pour améliorer l'égalité de genre, nous reconnaissons que notre travail se poursuit », explique un porte-parole de State Street, qui a également lancé à l’été 2020 un plan d’actions pour améliorer la représentation des minorités ethniques dans les postes à responsabilités. Son rapport RSE (responsabilité sociale d’entreprise) présente des données détaillées sur l’origine ethnique, le genre et la catégorie d’emploi des salariés du groupe.
La féminisation des instances de gouvernance s’accompagne également de la nomination d’un nombre croissant de femmes aux postes de directrices générales (CEO). En 2021, Valérie Baudson (Amundi) et Jean Hynes (Wellington International) prendront leurs fonctions respectivement aux mois de mai et juillet. « Sur les onze sociétés françaises du panel, il y aura bientôt trois femmes CEO, ce qui est exceptionnel et témoigne, là aussi, des efforts accomplis. C’est une conséquence positive de la féminisation des conseils, des comités de nomination, de rémunération, et une tendance que l’on vérifie dans d’autres secteurs, comme celui du luxe », remarque Floriane de Saint-Pierre.
L’amélioration des processus de recrutement et la gestion des viviers, que les DRH décrivaient au cours des précédentes éditions du GDI, participent de cette dynamique. « Nous avons recruté 44 % de femmes en 2020, ce qui est très satisfaisant. Celles-ci se sont vues proposer 42 % des promotions. Nous avons aussi investi sur les talents : 50 % de notre promotion de ‘HiPo’ (‘high potential‘, NDLR) est féminin », indique Amélie Watelet, DRH d’Axa IM. « Nous menons par exemple une politique assez volontariste dans le cadre des plans de succession. Nous veillons toujours à ce que des candidatures féminines soient examinées. Dans nos viviers de talents, les femmes sont à parité de leur proportion de femmes dans le groupe Amundi, soit 42 % », selon Isabelle Séneterre, DRH monde d’Amundi. « Nous offrons des formations ciblées aux femmes et avons identifié un groupe de femmes clés participant à des programmes de développement du leadership (« Authentic Leading Women » au Royaume-Uni et « Feminine leader » en France), ainsi qu'à des programmes de développement pour les préparer à intégrer des conseils d’administration (« Women on Board ») », explique Marion Azuelos.
Sur le terrain de l’égalité salariale, les sociétés françaises cherchent à combler les éventuels écarts. Ainsi, Amundi a mis en place une enveloppe budgétaire spécifique et, depuis 2020, les bonus sont calculés sur la base d’une année pleine pour les femmes en congé maternité. La plupart des sociétés du panel se situent au-dessus du seuil des 75 points en deçà duquel des sanctions pourraient s’appliquer. Le secteur semble donc préparé à se mettre en conformité avec une future directive européenne.
Cependant, les progrès affichés restent timides si la cible visée est celle de l’égalité parfaite. Selon Citywire, les femmes gérantes n’atteindront pas le même statut que leurs collègues masculins avant deux siècles au rythme actuel des promotions à des postes de direction.
La crise sanitaire a renforcé le caractère stratégique des politiques de diversité, qui ne peuvent plus être dissociées de la notion d’entreprise inclusive. « La crise a projeté les thèmes de la diversité et de l’inclusion au premier plan », analyse Lynne Connolly. Le brutal effondrement de la séparation entre la vie personnelle et la vie professionnelle de salariés contraints au télétravail est en cause. « La crise nous a amenés à mettre en place des organisations hybrides. Nous avons développé des programmes pour accompagner les parents, notamment les femmes, à des moments clés de leur vie personnelle ou professionnelle, par exemple des séances de coaching à distance pour les jeunes mamans », explique Amélie Watelet. Amundi a porté la même attention aux familles. « Nous avons mis beaucoup de choses en place pour accompagner les sujets de parentalité, avec la prise en charge des frais de garde lorsque c’était possible, de soutien scolaire en ligne, les téléconsultations, et une attitude globalement très explicite vis-à-vis des managers pour prendre en compte les situations individuelles, notamment celle des parents », complète Isabelle Séneterre.
Après la publication d’une première enquête sur la diversité, en octobre 2020, l’Association française de la gestion financière (AFG) poursuit ses travaux. « Notre groupe de travail ‘Mixité’ travaille pour l’ensemble de la profession, avec la rédaction de fiches thématiques à destination des petites structures, qui ont besoin de cet accompagnement, par exemple pour le calcul de l’index de l’égalité professionnelle femmes-hommes », explique Adeline de Queylar, directrice de la communication de l’AFG.
Dépasser la vision traditionnelle
La montée en puissance du thème de l’inclusion amène des réflexions plus poussées sur la démographie de l’entreprise, mais aussi les origines sociales ou ethniques de ses salariés, dont certains font aussi partie de minorités dites « invisibles ». « Des transformations ont lieu dans l’ensemble de notre secteur. Il nous faut dépasser une vision traditionnelle des rôles dévolus aux femmes et aux hommes, ou du rapport au travail », déclare Lynne Connolly. « La dimension générationnelle est présente dans notre réflexion sur la gestion de la diversité. Les aspirations des jeunes hommes et femmes sont assez globalement alignées », confirme Amélie Watelet. Pour des entreprises relativement boudées par les jeunes diplômés ces dernières années, c’est une opportunité d’améliorer leur marque employeur (lire ‘La parole à...’).
Les directions des ressources humaines ont aussi multiplié les canaux, formels et informels, pour évaluer le moral des troupes. « Nous avons cherché à identifier les impacts de la crise, qui sont différents selon l’âge, le genre ou l’origine ethnique de nos salariés », selon Lynne Connolly. Il apparaît de façon empirique que les entreprises interrogées sont parvenues à maintenir une bonne cohésion. Selon l’enquête d’engagement réalisée par Amundi au printemps 2020, près de 8 salariés sur 10 (78 %) estimaient que leur travail contribuait à leur épanouissement, sans différence entre les hommes et les femmes.




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