Des sources alternatives de liquidité ouvertes aux fonds

Arnaud David et Adrien Paturaud, avocats associés, cabinet Goodwin
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Arnaud David (g.) et Adrien Paturaud (d.)  - 

Le contexte économique incertain pousse l’industrie du private equity à s’adapter et à faire preuve de créativité. Aux côtés des fonds de continuation (ou GP-led), de nouveaux outils alternatifs comme le NAV financing ou le preferred equity voient le jour et suscitent l’intérêt du marché.

Un engouement croissant pour les NAV financings

Les facilités de crédit NAV (net asset value) s’imposent actuellement comme une source de financement alternative des fonds de private equity. A la différence des equity bridge financing (ou subscription lines), déjà largement adoptées par le marché et qui reposent sur les engagements de souscription des investisseurs dans le fonds, les NAV financings sont assis sur l’actif du fonds. L’actif considéré peut être constitué de l’ensemble du portefeuille du fonds ou de certains investissements spécifiquement sélectionnés pour porter le NAV financing.

Les NAV financings peuvent être utilisés pour une grande variété d’objets, et en particulier pour financer des investissements, de nouveaux apports dans des participations en difficulté ou des distributions aux investisseurs.

S’ils ont traditionnellement vocation à prendre le relais du financement par equity bridge de fonds arrivant en fin de période d’investissement (lorsque les engagements de souscription restants des investisseurs ne permettent plus de disposer d’une capacité d’emprunt suffisante), les NAV financings peuvent également être conclus en début de période d’investissement ou coexister avec les financements de type equity bridge.

Dans une structure typique, le NAV financing est mis en place au niveau d’un special purpose vehicle (SPV) détenu par le fonds, sous lequel sont logés les actifs concernés par le financement. Le crédit est garanti par les actifs du SPV, avec ou sans recours sur le fonds lui-même qui pourra, dans certains cas, consentir un cautionnement de l’emprunt ou, lorsqu’un equity bridge n’est pas déjà mis en place, un recours sur les engagements non appelés des investisseurs.

D’une mise en place plus complexe que le preferred equity, le NAV financing présente en contrepartie des conditions de rémunération généralement moins onéreuses pour le fonds

Le contrat de crédit relatif au NAV financing, d’une durée de 3 à 7 ans, prévoit habituellement un covenant de loan-to-value, parfois assorti d’un covenant de NAV minimal, ce qui imposera de négocier attentivement les éléments relatifs au calcul de la NAV, souvent établie sur la base du reporting du fonds avec d'éventuels ajustements. A cela s’ajoute des cas de remboursement anticipé obligatoire du crédit en cas de perception par le SPV de produits de cession des participations ou de distributions réalisées par ses filiales.

Les montants empruntables peuvent s’élever initialement jusqu’à 25 % de la valeur des actifs. Les niveaux de ratios de loan-to-value pratiqués, relativement faibles, et la diversification du sous-jacent contribuent à faire des NAV financings un produit assez peu risqué pour les prêteurs, ce qui suscite, aux côtés des banques, l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché.

D’une grande souplesse, les NAV financings constituent une solution sur mesure, devant être adaptée aussi bien aux besoins de financement qu’aux actifs sous-jacents, requérant notamment un travail de due diligence au niveau du fonds et des actifs. Ces éléments sont susceptibles d’induire une complexité supérieure à la mise en place de preferred equity (lire ci-dessous), mais les NAV financings présentent en contrepartie des conditions de rémunération généralement moins onéreuses pour le fonds. Encore assez peu répandus sur le marché français, le nombre croissant de gérants qui anticipent la mise en place de ce type de financements, parfois dès la création du fonds, pourrait annoncer leur adoption plus généralisée.

Preferred equity, une option crédible

La notion n’est pas nouvelle et puise son principe des actions de préférence du droit commun des sociétés. Dans le cadre d’un fonds de private equity, à mi-chemin entre instrument de dette et un titre de capital, le preferred equity s’apparente à une part donnant droit à une distribution prioritaire vis-à-vis des porteurs ordinaires.

Dans un marché où les valorisations des actifs sont à la baisse et les portes de sorties traditionnelles parfois peu attractives, voire inexistantes, la souscription d’investisseurs en preferred equity offre au fonds une manne de liquidité supplémentaire lui permettant par exemple, à l’instar de NAV financings, de procéder à des investissements complémentaires (follow-on), de refinancer de la dette mais aussi, dans une certaine mesure, de pouvoir procéder à des distributions aux investisseurs existants.

L’émission de preferred equity offre également la possibilité aux acteurs du secondaire de diversifier leur exposition aux fonds de private equity en souscrivant à une classe d’actifs à rendement prioritaire, moins risquée que l’acquisition de parts ordinaires auprès d’investisseurs existants.

Le preferred equity se structure le plus fréquemment en incorporant un SPV chargé d’émettre des parts ordinaires à destination du fonds existant en contrepartie d’une ou plusieurs lignes de son portefeuille et des parts prioritaires pour les investisseurs « preferred ». Plus rarement, le preferred equity peut être mis en place au niveau du fonds en prévoyant l’émission d’une part prioritaire dans la documentation constitutive. La création de ces parts prioritaires au niveau du SPV, plus seniors que les parts du fonds, a pour conséquence de retarder in fine les distributions réalisées au profit des investisseurs « non preferred ».

A la différence d’un GP-led, nécessitant d’une part la structuration du fonds de continuation mais d’autre part un travail de due diligence et de valorisation de l’actif du portefeuille cédé au fonds de continuation, la mise en place de preferred equity apparaît moins complexe en pratique.

Toutefois, aussi bien la décision d’incorporer un SPV que la modification de l’ordre des distributions, dans les cas où le preferred equity est structuré au niveau du fonds existant, devront au préalable recueillir l’accord des investisseurs ou a minima du comité consultatif. D’un point de vue commercial, l’enjeu du gérant pour obtenir ce consentement dépendra de sa faculté à proposer une thèse d’investissement crédible tout en portant une vigilance particulière sur la transparence et la gestion des conflits d’intérêts.

Ainsi, le preferred equity, bien qu’économiquement plus coûteux qu’un NAV financing, reste une alternative crédible, présentant l’avantage de laisser plus de marge de manœuvre pour payer les investisseurs, tout en offrant une flexibilité, notamment par l’absence de covenant de loan-to-value ou de garantie sur les actifs, plus adaptée aux besoins de l’actif sous-jacent.

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