
Les fonds pris dans un mouvement de surenchère
Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, dit l’adage. Ceux-ci atteignent pourtant des niveaux élevés dans le financement des PME non cotées. L’évolution des prix sur les opérations de 15 à 500 millions d’euros s’est établie à un niveau sans précédent de 10,1 fois l’Ebitda (Bénéfice avant intérêts, taxes, dépréciation et amortissement) fin 2018, contre un multiple de 9,8 trois mois plus tôt, selon le dernier indice Argos (voir le graphe). Cette progression a été alimentée tant par les acquéreurs stratégiques (10,7 fois l’Ebitda), que par les fonds de capital transmission (9,8 fois). « L’environnement de taux bas poussent les investisseurs, en quête de rendement, à se tourner vers le capital investissement. De leur côté, les acquéreurs industriels ont un accès facilité aux ressources financières, accessibles à bas coût sur les marchés obligataires », commente Louis Godron, président d’Argos Wityu. « Les entreprises peuvent souvent offrir des prix élevés, les perspectives de synergie permettant de justifier une valorisation supérieure », ajoute Thomas Boulman, partner mid cap chez LBO France. Si cet afflux de capitaux se révèle positif pour le financement de l’économie et des PME, des interrogations se font jour sur les conséquences d’un retournement de cycle face à ce niveau élevé de valorisation.
La profession se veut rassurante à court terme. « Dans les mois à venir, nous n’anticipons pas de chute brutale des valorisations, mais plutôt une stabilisation. Les fondamentaux des sociétés sont solides », estime Pierre Jourdain, président du directoire d’Azulis. « Pour le moment, il n’y a rien d’irrationnel, les prix ne sont pas déconnectés de la valeur des actifs », juge Louis Godron, traduisant cette tendance par le fait que les investisseurs sont prêts à investir davantage avec des perspectives de rendement moindre. « Sans chuter, les valorisations pourraient légèrement s’éroder », projette Rémi Carnimolla, partner chez 3i, soulignant que les perspectives de croissance mondiale, moins fortes qu’il y a quelques mois, affecteront l’ensemble des entreprises, même les plus robustes. Pour nombre de professionnels, l’ajustement interviendra dès la remontée des taux d’intérêt. « Les banques prêteront moins au ‘private equity’, aujourd’hui un bon client car il permet de pratiquer des taux de 3 % à 4 % sans vraiment de casse », souligne Thomas Boulman. Côté financement, les banques, qui font face à la forte concurrence des fonds de dette privée, restent plutôt disciplinées. En termes d’effet de levier, « la dette représente autour de 4 à 5 fois l’Ebitda, là où elle se situait souvent au-dessus de 5, parfois 7, avant 2008 », observe Louis Godron.
Ajustement
Une segmentation se met en place au sein du marché. « On observe un ‘flight to quality’ depuis quelques mois », analyse Rémi Carnimolla. « Nous voyons passer des opérations aux prix délirants, qui ne se concrétisent pas. Les belles sociétés se vendent très vite. D’autres processus s’enlisent, dans l’attente que le vendeur revoit ses ambitions à la baisse. Ceci est sain », perçoit Thomas Boulman, qui voit là une différence nette avec la période d’avant crise, où presque toutes les opérations aboutissaient.
Les fonds doivent se montrer prudents et très sélectifs en amont. En rentrant sur des multiples élevés, « il est aujourd’hui important d’intégrer à l’entrée des hypothèses de stabilité, voire de légère diminution du multiple d’Ebitda de la société à la sortie, et d’identifier très tôt l’ensemble des leviers d’amélioration », explique Pierre Jourdain. Au moment où un retournement de cycle devient probable, « nous nous interrogeons systématiquement sur la façon dont la société pourrait réagir à une crise », poursuit Rémi Carnimolla, qui ajoute que 3i n’a pas réduit le rythme de ses investissements. En dépit de valorisations élevées, « nous ne percevons pas de ralentissement des opérations », appuie Thomas Boulman, pour qui le marché reste très dynamique avec un vivier important de sociétés de grande qualité et à forte croissance.

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