Le foot français, une classe d’actifs en devenir

Dossier Sport et Finance
Florent Le Quintrec

Présents depuis plusieurs années dans le football anglais (Crystal Palace, Bournemouth…), les fonds d’investissement s’intéressent désormais aux clubs d’Europe continentale. Dernier exemple en date, le fonds activiste Elliott, vient de prendre les clés de l’AC Milan. L’actionnaire chinois du club lombard, qui avait emprunté plus de 400 millions d’euros à l’investisseur américain lors du rachat du club l’an dernier, n’a pu honorer une échéance de 32 millions d’euros et s’est donc vu contraint d’en céder le contrôle à son créancier. Gérard Lopez, actionnaire majoritaire du Losc, sait à quoi s’en tenir, lui qui a également contracté une dette auprès d’Elliot pour le rachat du club lillois en janvier 2017.

Plusieurs fonds d’investissement à travers le monde se manifestent pour investir dans les clubs de football européens, notamment français. « Initialement, les fonds d’investissement voulaient venir dans le football via l’acquisition des droits économiques des joueurs. Mais la pratique du TPO (third party ownership) a été interdite par la Fifa en 2015, rappelle Christophe Lepetit, responsable des études économiques au Centre de droit et d’économie du sport à Limoges. Ces fonds s’orientent désormais vers le TPI (third party investment) en prenant des participations majoritaires ou minoritaires dans les clubs. »

En France, Jean-Michel Aulas, président et propriétaire de l’Olympique Lyonnais (OL), a notamment cédé 20 % du club au fonds chinois IDG Capital en décembre 2016. Si des milliardaires, des groupes industriels ou des fonds souverains peuvent mettre de l’argent dans le football sans forcément attendre un retour sur investissement, la logique des fonds est tout autre. Il est donc étonnant de voir ces financiers investir dans un secteur peu réputé pour sa rentabilité, notamment en France.

« Alors que le business model des clubs français a consisté, pendant des années, à ne pas perdre d’argent, avec des actionnaires qui finissaient toujours par financer les pertes d’exploitation, la donne a changé pour de nombreux clubs depuis quelques années, explique Guillaume Kuperfils, associé chez Mayer Brown. Certains clubs se sont structurés, avec aujourd’hui une bonne visibilité sur l’actif stade, en termes de recettes les jours de match et une vraie autonomie dans l’exploitation de cette infrastructure, essentielle pour le développement commercial du club. Le PSG bénéficie d’une concession de longue durée sur le Parc des Princes, ce qui lui a donné l’occasion d’engager des investissements importants ayant permis, notamment, de multiplier son chiffre d’affaires hospitalité. Les recettes “match day” de l’OL ont considérablement augmenté depuis que le club a mis en exploitation son nouveau stade. Nice et Bordeaux profitent aussi de leurs nouvelles infrastructures et les financiers ayant investi ou qui sont susceptibles de le faire dans ces clubs ne sont pas insensibles à l’amélioration du business model qui en résulte. »Le club de Bordeaux fait l’objet de rumeurs depuis plusieurs mois sur sa possible vente par M6 à un fonds américain, General American Capital Partners. De même, l’AS Saint-Etienne a négocié plusieurs semaines avec le fonds américain Peak6, déjà actionnaire de l’AS Roma en Italie et de Bournemouth en Angleterre, mais le projet de cession a finalement été repoussé.

Inflation des droits TV

L’augmentation récente des droits TV de la Ligue 1, à 1,153 milliard d’euros par an pour les saisons 2020-2024, est un argument supplémentaire. « Cette inflation des droits donne des perspectives de revenus supplémentaires considérables et devrait être l’occasion, pour les clubs, d’investir dans leur stade ou dans leur centre de formation et de mettre en place un modèle économique pérenne et attractif pour les investisseurs financiers », estime Guillaume Kuperfils.

Pour Christophe Lepetit, ce ne sont pas forcément les clubs en tant qu’entreprises qui attirent les fonds. « Beaucoup de clubs ont désormais intégré le trading de joueurs comme élément central de leur business model. Ils forment eux-mêmes ou achètent des joueurs prometteurs en fin de formation à des prix modestes, les font progresser, et les revendent très cher. C’est le cas à Monaco, et Lille prend cette direction. Beaucoup d’investisseurs considèrent que c’est le nouveau modèle, qui demeure néanmoins risqué car il faut des résultats sportifs pour que les joueurs se valorisent », souligne l’économiste du sport. Compte tenu de la faible valorisation des clubs de Ligue 1 à l’échelle européenne, la France est une cible toute trouvée.

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