La réalité rattrape le capital-investissement

Non, le private equity n’est pas une pyramide de Ponzi. Mais certaines valorisations stratosphériques doivent s’ajuster aux nouvelles conditions de marché.
Alexandre Garabedian
Alexandre Garabedian
L’édito d’Alexandre Garabedian, directeur de la rédaction de L’Agefi.  -  Crédit photo : Pierre Chiquelin

Un gérant d’actifs ne devrait pas dire ça. La comparaison entre certains segments du private equity et une pyramide de Ponzi, lors d’une présentation à la presse début juin, a provoqué un coup de chaud et un rétropédalage en règle chez Amundi en l’espace de vingt-quatre heures. Le capital-investissement, une fraude organisée ? Certainement pas. Mais après douze ans de croissance exceptionnelle, certaines pratiques et valorisations peuvent légitimement provoquer des haussements de sourcil.

Les fonds ne se contentent pas de se revendre les uns aux autres certaines entreprises dont les multiples de prix excluent d’emblée des acquéreurs industriels. Il arrive aussi qu’une même société de gestion fasse passer d’un fonds ancien à un millésime plus récent l’une de ses participations. Ce mécanisme circulaire se double d’une absence de mise en valeur de marché des portefeuilles : la faible volatilité dont se flatte le secteur est d’abord la résultante de pratiques comptables qui s’ajustent avec six à neuf mois de décalage sur la réalité des marchés cotés. En ce mois de juin, les valorisations du private equity pourraient bien correspondre à celles du Nasdaq de l’automne 2021. Une autre époque.

La fête est finie

Ces critiques ne sont certes pas nouvelles. Ceux qui les auraient écoutées il y a cinq ans seraient passées à côté de belles performances. Cette fois, les curseurs ont l’air de vraiment bouger – et vite. Les portes de sortie qui permettaient aux fonds de réaliser plusieurs fois leur mise se referment les unes après les autres. Les volumes d’introductions en Bourse plongent, la mode des Spac est passée. La hausse des taux et la correction des marchés d’actions remettent en cause les valorisations stratosphériques des sociétés technologiques. Or, ces trois dernières années, de nombreux fonds ont déplacé leur centre de gravité vers la tech et la santé, deux secteurs populaires et chèrement payés. Dans le capital-risque, où les licornes volaient de record en record au gré de leurs tours de table successifs, ce retournement est déjà visible pour les entreprises les plus fragiles. Le segment du leveraged buy-out privilégie, à l’inverse, les modèles économiques établis et pourvoyeurs de cash, mais il se heurtera au renchérissement du coût de la dette, qui limitera son usage.

La fête semble donc finie. Reste à savoir si ces niveaux de prix et de levier promettent à la profession du capital-investissement des turbulences plus fortes qu’en 2007-2009, dans un contexte qui n’est plus celui d’une crise financière. Du moins l’industrie pourra-t-elle s’appuyer sur un impressionnant trésor de guerre, sur des investisseurs institutionnels qui n’ont pas encore retrouvé d’alternatives viables, et sur la capacité qu’ont démontré les équipes de gestion sérieuses à naviguer durant les précédentes tempêtes.

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