
La réalité rattrape le capital-investissement

Un gérant d’actifs ne devrait pas dire ça. La comparaison entre certains segments du private equity et une pyramide de Ponzi, lors d’une présentation à la presse début juin, a provoqué un coup de chaud et un rétropédalage en règle chez Amundi en l’espace de vingt-quatre heures. Le capital-investissement, une fraude organisée ? Certainement pas. Mais après douze ans de croissance exceptionnelle, certaines pratiques et valorisations peuvent légitimement provoquer des haussements de sourcil.
Les fonds ne se contentent pas de se revendre les uns aux autres certaines entreprises dont les multiples de prix excluent d’emblée des acquéreurs industriels. Il arrive aussi qu’une même société de gestion fasse passer d’un fonds ancien à un millésime plus récent l’une de ses participations. Ce mécanisme circulaire se double d’une absence de mise en valeur de marché des portefeuilles : la faible volatilité dont se flatte le secteur est d’abord la résultante de pratiques comptables qui s’ajustent avec six à neuf mois de décalage sur la réalité des marchés cotés. En ce mois de juin, les valorisations du private equity pourraient bien correspondre à celles du Nasdaq de l’automne 2021. Une autre époque.
La fête est finie
Ces critiques ne sont certes pas nouvelles. Ceux qui les auraient écoutées il y a cinq ans seraient passées à côté de belles performances. Cette fois, les curseurs ont l’air de vraiment bouger – et vite. Les portes de sortie qui permettaient aux fonds de réaliser plusieurs fois leur mise se referment les unes après les autres. Les volumes d’introductions en Bourse plongent, la mode des Spac est passée. La hausse des taux et la correction des marchés d’actions remettent en cause les valorisations stratosphériques des sociétés technologiques. Or, ces trois dernières années, de nombreux fonds ont déplacé leur centre de gravité vers la tech et la santé, deux secteurs populaires et chèrement payés. Dans le capital-risque, où les licornes volaient de record en record au gré de leurs tours de table successifs, ce retournement est déjà visible pour les entreprises les plus fragiles. Le segment du leveraged buy-out privilégie, à l’inverse, les modèles économiques établis et pourvoyeurs de cash, mais il se heurtera au renchérissement du coût de la dette, qui limitera son usage.
La fête semble donc finie. Reste à savoir si ces niveaux de prix et de levier promettent à la profession du capital-investissement des turbulences plus fortes qu’en 2007-2009, dans un contexte qui n’est plus celui d’une crise financière. Du moins l’industrie pourra-t-elle s’appuyer sur un impressionnant trésor de guerre, sur des investisseurs institutionnels qui n’ont pas encore retrouvé d’alternatives viables, et sur la capacité qu’ont démontré les équipes de gestion sérieuses à naviguer durant les précédentes tempêtes.
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L’icône «Super Mario Bros.», qui a révolutionné l’industrie du jeu vidéo, fête ses 40 ans
Paris - «Sans Mario, ma vie serait complètement différente» : collectionneur d’objets liés à la mascotte du géant japonais du jeu vidéo Nintendo, Kikai fête cette année ses 40 ans, comme la première aventure du héros moustachu sur console. Sorti au Japon le 13 septembre 1985, «Super Mario Bros.» a révolutionné cette industrie, en étant notamment l’un des premiers titres à faire évoluer son personnage horizontalement dans un univers coloré. «Mon père avait acheté le jeu et j’y joue depuis aussi longtemps que je me souvienne», raconte à l’AFP Kikai, un Japonais qui vit près de Tokyo et qui a réuni dans son bureau «20 à 30.000 objets» liés à Mario. Figurines, peluches, tapis... Chez ce collectionneur, le visage rond et jovial du plombier est partout. Comme lui, plusieurs générations de joueurs se sont pris de passion pour ce personnage créé par le Japonais Shigeru Miyamoto et apparu pour la première fois en 1981 sous le nom de «Jumpman» dans le jeu d’arcade «Donkey Kong». Il devient officiellement Mario en 1983 avec la borne d’arcade «Mario Bros.» puis accède à la célébrité grâce à «Super Mario Bros.», succès mondial sorti sur la console Famicom (NES en Europe) de Nintendo et vendu à plus de 40 millions d’exemplaires. «Accident heureux» «C’est un accident heureux parce qu’au départ, ce personnage n’est pas du tout destiné à devenir une icône du jeu vidéo», souligne Alexis Bross, co-auteur du livre «Générations Mario». Salopette bleue pour mieux le distinguer, casquette rouge pour éviter d’avoir à animer ses cheveux... Au départ, le personnage créé est «purement fonctionnel, avec des contraintes techniques très fortes», puisque Mario n’est alors composé que de quelques pixels sur un écran. Cette esthétique initiale inspire d’ailleurs depuis plus de 15 ans un street-artiste de Lyon, en France, dont les mosaïques mélangeant le héros de Nintendo avec le magicien Gandalf ou Dark Vador fleurissent dans les villes du monde entier. «Retrouver des éléments de ma console de jeu dans la rue, c’est amener dans le réel des choses qui sont immatérielles. Je trouvais ça assez fou», raconte à l’AFP celui qui se fait appeler In The Woup, 39 ans, un masque de Mario vissé sur le visage pour préserver son anonymat. «Mario Kart», «Mario Golf», «Mario Tennis» : le personnage a connu de nombreuses aventures et déclinaisons, avec son frère Luigi et son ennemi Bowser, incarnant même la transition de la 2D vers la 3D du jeu vidéo au moment de la sortie de la Nintendo 64 en 1996. Progressivement, il va s’imposer comme une figure «transgénérationnelle» et «rassurante», affirme Alexis Bross. «C’est un homme moyen, très proche de nous, qui n’a pas de pouvoir à l’origine et est un peu figé dans le temps». Multi-casquettes Face aux succès du moment comme «Fortnite» ou «Roblox», jeux particulièrement populaires chez les jeunes joueurs, Mario bénéficie de la «nostalgie des parents», qui continuent d’acheter et de jouer avec leurs enfants, explique Rhys Elliott, analyste au cabinet Alinea. Conscient de cette situation, Nintendo vient ainsi de lancer au Japon une gamme de vêtements et d’accessoires à destination des tout-petits. Cette vague de produits dérivés va des sacs à dos aux montres de luxe, en passant par les Lego. Mario est même décliné en parcs d’attractions au Japon et aux Etats-Unis. Au cinéma, «Super Mario Bros, le film», sorti en 2023, a été l’un des succès les plus importants de ces dernières années et rapporté plus de 1,3 milliard de dollars. Une suite est prévue pour 2026. Mais à 40 ans passés, fini de jouer le héros délivrant la princesse dans son château en échange d’un baiser. Face à l'émancipation des personnages féminins de Nintendo, désormais héroïnes de leurs propres titres, Mario «s’adapte à de nouvelles audiences et suit un petit peu les mouvements de la société», observe Alexis Bross. En attendant un nouvel opus en 3D des aventures du plombier - le dernier remontant à 2017 avec «Super Mario Odyssey» -, il espère voir germer «une idée absolument nouvelle qui poserait un nouveau jalon dans l’histoire du jeu vidéo». Kilian FICHOU avec Mathias CENA à Tokyo © Agence France-Presse -
Vivement concurrencé sur l'IA, Apple va dévoiler sa nouvelle gamme d'iPhone
San Francisco - La présentation de la nouvelle gamme d’iPhone est attendue mardi dans la Silicon Valley, à l’heure où la guerre commerciale sino-américaine renchérit les coûts de production d’Apple, sous pression pour rattraper son retard dans l’intelligence artificielle (IA). Comme à son habitude, le constructeur californien est resté silencieux sur le contenu de l'événement organisé à son siège de Cupertino, au moment où il dévoile sa nouvelle génération d’iPhone, moteur de ses revenus. Malgré la position dominante des iPhone dans le haut de gamme, Apple doit encore prouver qu’il peut suivre le rythme dans la course à l’IA générative. «Apple est vu comme étant un retardataire dans la grande fête de l’IA, ce qui représente un défi majeur» pour le géant technologique, notent les analystes de l’agence Canalys. Les smartphones rivaux, dotés du système Android soutenu par Google, «ont massivement amélioré l’intégration de l’IA» tandis que «le déploiement plus lent d’Apple» a poussé des consommateurs à retarder l’achat d’un nouvel iPhone, poursuit la note. Il y a moins d’un an, Apple a lancé ses fonctionnalités d’IA, «Apple Intelligence», qui ont déçu les utilisateurs, notamment les améliorations de l’assistant vocal, Siri, jugées trop minimes. Selon certains médias, l’entreprise prévoirait d’intégrer l’IA dans la recherche en ligne en 2026, en parallèle d’une refonte de Siri, mais ces affirmations n’ont pas été confirmées. Apple travaillerait aussi sur un partenariat avec Google pour améliorer son expertise en recherche et IA, selon d’autres articles de presse. «Je serai surpris s’il y a une annonce majeure sur la stratégie IA d’Apple», prévient Thomas Husson, analyste chez Forrester. «J’ai peur que l’approche d’innovation incrémentale d’Apple avec l’iPhone 17 commence à atteindre ses limites - surtout pour ceux qui ont soif de plus d’innovation», estime-t-il dans une note. Ultra-fin L’attraction principale mardi devrait être les nouveaux modèles d’iPhone, en particulier une variante ultra-fine nommée «Air». La plupart des observateurs y voient un pivot stratégique: Apple mise sur la finesse plutôt que sur la taille d'écran pour garder la main sur le marché haut de gamme. Un iPhone ultra-fin pourrait aussi préparer le terrain à une version pliable, dans les années à venir. Qui devrait toutefois affronter deux défis: une surcoût de production pour la prouesse technique et la réduction de l’espace pour la batterie. Les prix des nouveaux iPhone devraient augmenter aux Etats-Unis en raison des droits de douane imposés par le président Donald Trump, qui alourdissent les coûts de production en Chine, toujours le principal centre de fabrication de la marque à la pomme. «Apple navigue dans un équilibre délicat entre ses deux plus grands marchés - les États-Unis et la Chine - au milieu de tensions commerciales croissantes», souligne Canalys. L’impact financier de cette guerre commerciale est déjà considérable: le PDG Tim Cook a dévoilé que les droits de douane ont coûté 800 millions de dollars à Apple au dernier trimestre, avec un manque à gagner estimé à 1,1 milliard de dollars pour le trimestre en cours. Glenn CHAPMAN et Benjamin LEGENDRE © Agence France-Presse -
Népal: levée du blocage des réseaux sociaux après des manifestations meurtrières
Katmandou - Le gouvernement népalais a rétabli mardi le fonctionnement des réseaux sociaux et ordonné une enquête au lendemain de la mort lundi de 19 personnes lors de manifestations contre leur blocage sévèrement réprimées par la police. A l’issue d’une réunion d’urgence, le Premier ministre KP Sharma Oli a promis dans la nuit qu’une commission chargée «d’analyser les événements (...) leur déroulement et leurs causes» rendrait des conclusions «sous quinze jours pour empêcher que de tels accidents se reproduisent». Le chef du gouvernement s’est dit «profondément attristé» par ce qu’il a qualifié de «tragique incident». Dès le petit matin mardi, la plupart des plateformes de réseaux sociaux étaient à nouveau opérationnelles, a constaté une journaliste de l’AFP. Cité par les médias locaux, le ministre de la Communication Prithvi Subba Gurung a confirmé que le gouvernement avait levé le blocage lors d’une réunion d’urgence qui s’est tenue lundi soir. La semaine dernière, son administration avait suspendu 26 plateformes, dont Facebook, Youtube, X et Linkedin, qui ne s'étaient pas enregistrées auprès de lui dans les délais, provoquant la colère et la frustration de millions de leurs usagers. Lundi matin, des milliers de jeunes se sont rassemblés dans les rues de Katmandou et d’autres villes pour exiger le rétablissement de leur réseau favori et dénoncer le fléau de la corruption qui, selon eux, mine le petit pays himalayen. Tirs à balles réelles A Katmandou, la situation a dérapé lorsque les forces de l’ordre ont empêché le cortège de s’approcher du parlement avec force gaz lacrymogènes, canons à eau, matraques, balles en caoutchouc et tirs à balles réelles, selon des journalistes de l’AFP et des témoins. Au moins 17 manifestants ont été tués et plus de 400 personnes, dont une centaine de policiers, blessées dans la capitale, selon un bilan du porte-parole de la police, Shekhar Khanal. «La situation a été causée par l’infiltration dans le cortège d'éléments animés par divers intérêts personnels», a affirmé le Premier ministre. Deux autres personnes ont été tuées lors d’une manifestation dans le district de Sunsari, dans l’est du Népal, ont rapporté les médias locaux. «Les gens jetaient des pierres quand, soudain, j’ai été touché par une balle», a raconté lundi à l’AFP Ronish Regmi, un étudiant de 20 ans hospitalisé dans la capitale. «Quand j’ai repris mes esprits, j'étais dans une ambulance», a-t-il ajouté. «Le gouvernement n’a pas hésité à recourir à la force», a rapporté un autre blessé, Iman Magar, 20 ans. «Ce n'était pas une balle en caoutchouc mais une balle en métal et elle a emporté une partie de ma main», a-t-il poursuivi. Amnesty International a exigé «une enquête complète, indépendante et impartiale» sur les circonstances de l’intervention de la police. La porte-parole du bureau des droits de l’Homme de l’ONU, Ravina Shamdasani, a fait de même, se déclarant «choquée par les morts et les blessés». Protection Le gouvernement avait annoncé jeudi le blocage des réseaux sociaux en application d’un arrêt rendu en 2023 par la Cour suprême exigeant qu’elles nomment un représentant local et une personne chargée de réguler leurs contenus. «Le gouvernement ne souhaitait pas bloquer l’usage des médias sociaux», a répété le Premier ministre dans sa déclaration. «Il souhaite simplement protéger le cadre de leur utilisation», a-t-il insisté, «ce n'était pas la peine de manifester pour ça». Motivées initialement par le blocage, les manifestations de lundi ont largement viré à la dénonciation de la corruption des autorités. «Nous dénonçons aussi la corruption institutionnalisée au Népal», a déclaré lundi à l’AFP un étudiant, Yujan Rajbhandari, 24 ans, qui défilait dans les rues de Katmandou. «Cette décision traduit les pratiques autoritaires du gouvernement et nous voulons que ça change», a renchéri un autre, Ikshama Tumrok, 20 ans. Depuis l’entrée en vigueur du blocage, les plateformes encore en service, comme Tik Tok, sont inondées de vidéos mettant en cause la vie luxueuse des enfants de responsables politiques. Le blocage décrété la semaine dernière n’est pas inédit au Népal. En juillet dernier, le gouvernement avait déjà suspendu la messagerie Telegram en raison, selon lui, d’une hausse des fraudes en ligne. pm-pa/lgo © Agence France-Presse