Défense et ESG : les institutionnels redéfinissent leurs lignes

Au cours du Private Markets Day organisé par L’Agefi, les investisseurs institutionnels ont évoqué le sujet brûlant du financement de la défense.
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De gauche à droite: Laurence Pochard (L'Agefi), Piyer Beaurain (Axa France), Aurélien Bon (Harmonie Mutuelle), Magali Chessé (Crédit Agricole Assurances), Jacques Darcy (FEI)  - 

Jusqu’ici, défense et finance durable semblaient plutôt incompatibles. Mais les bouleversements géopolitiques rebattent les cartes. Le sujet a été abordé par les investisseurs institutionnels qui intervenaient lors de la conférence d’ouverture du Private Markets Day organisé mardi 8 avril par L’Agefi.

Pour Piyer Beaurain, head of alternatives chez Axa European Hub et head of real estate d’Axa France, « la défense est désormais l’une des six tendances qui structurent la demande d’infrastructures, aux côtés du digital, de la démographie, de la démondialisation et de la décarbonation, dans une optique de diversification indispensable à tout investisseur ». Selon lui, « il ne faut pas opposer ESG et défense ou souveraineté. Ce sont deux thèmes prégnants sur lesquels Axa prend déjà sa part, et continuera à le faire ».

Réintégrer les acteurs de la défense

Le sujet reste sensible. Pour Aurélien Bon, directeur financier d’Harmonie Mutuelle, « la finance durable a toujours voulu éviter un lien avec les sujets d’armement et de défense ». Historiquement, les politiques ISR (investissement socialement responsable) excluaient les entreprises impliquées, même indirectement, dans la production d’armements dits controversés. « On faisait tout pour écarter un maximum d’entreprises liées aux composants d’armes controversées », indique Aurélien Bon. Mais aujourd’hui, Harmonie Mutuelle a fait évoluer son approche, en s’appuyant sur le nouveau label ISR français. Ce dernier n’utilise plus le terme d’arme controversée. Ce changement permet désormais de réintégrer dans les univers d’investissement certains acteurs clés, comme Thales ou Safran, auparavant exclus. « La souveraineté, c’est quand même le préalable à tout l’ISR. S’il n’y a pas de souveraineté, il n’y a pas d’ESG, pas de social… tout devient instable », poursuit-il.

Du côté de Crédit Agricole Assurances, il s’agit de répondre à une réalité économique. « En tant qu’assureur, nous sommes investis dans tous les secteurs de l’économie », explique Magali Chessé, responsable des stratégies d’investissements actions, private equity et infrastructures de Crédit Agicole Assurances. De ce fait, « nous investissons déjà dans la défense, en taux, dette, capital ». Aujourd’hui, « le poids du secteur va augmenter dans le PIB européen. De fait, les fonds généralistes vont y être davantage exposés », poursuit-elle.

Elle insiste cependant sur un cadre clair : « Les bombes à sous-munitions restent interdites en Europe. Nous n’irons pas sur ce terrain. Mais en dehors de cela, il n’y a pas de problématique ESG à investir dans la défense ».

« Financer la guerre n’est pas ESG »

Le sujet reste clivant. Jacques Darcy, senior regional representative France et Suisse, directeur de l’European Investment Fund, souligne la complexité éthique du sujet : « Financer la guerre n’est pas ESG ». Et pourtant, il y a des opportunités réelles, ne serait-ce que pour réduire la dépendance énergétique des armées. Il cite l’exemple du kérosène militaire : « On est passé de deux types de carburant à plus de quarante. Cela pose de vrais défis logistiques, et des opportunités pour les investisseurs que nous sommes ».

Il rappelle également que l’armée française détient à elle seule un tiers de la biodiversité nationale : un paradoxe qui illustre la porosité entre environnement, sécurité et souveraineté.

La réflexion ne se limite pas aux seules armes. Jacques Darcy insiste : « Quand on parle de défense, on confond souvent armement et défense. » La question de la souveraineté technologique est elle aussi centrale

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