
Worldline se déleste du poids de ses terminaux de paiement

Worldline valide enfin la transaction. L’entreprise française a officialisé lundi la vente de son activité de terminaux de paiement (TSS) – les lecteurs de carte bancaire qui équipent les commerçants – en annonçant son entrée en négociations exclusives avec le fonds américain Apollo. Une opération que le marché attendait depuis l’année dernière, sous une forme ou une autre.
Le montant total de la transaction s'élève finalement à 2,3 milliards d’euros. Worldline recevra 1,7 milliard d’euros en numéraire ainsi que des actions de préférence pour bénéficier de la future création de valeur générée par Apollo. Le bouclage de la cession est attendu au second semestre 2022.
Le spécialiste des services de paiement a pris son temps pour vendre ses terminaux, hérités en très grande partie du rachat d’Ingenico, fin octobre 2020. Une activité dont beaucoup d’observateurs considèrent qu’elle est vouée à s’éteindre, les lecteurs de carte avec logiciel propriétaire étant progressivement remplacés par des systèmes ouverts dans l’informatique en nuage (cloud).
Worldline avait lancé dès le rachat d’Ingenico une revue stratégique sur cette division avant d’acter un an plus tard son désengagement puis d’annoncer l’acquéreur et le prix de vente lundi. Ce long processus a lassé un marché pressé de tourner la page. « Plusieurs investisseurs espéraient une cession dès 2021 », rappelle un analyste.
Morgan Stanley juge que Worldline a levé une importante incertitude en communiquant toutes les modalités de l’opération. Cette transaction réduira la dette nette de la société, évaluée à 3,1 milliards d’euros à fin décembre par la banque américaine. Elle améliorera par ailleurs « le profil de croissance du groupe et libérera de la puissance de feu pour réaliser des opérations de fusions-acquisitions », apprécie pour sa part le courtier Bryan Garnier & Co.
Désamour boursier
Pour Worldline, cette cession ne constitue que la première étape de sa reconquête boursière, alors que son action perd 44% sur douze mois, l’une des cinq plus fortes baisses de l’indice SBF 120. L’impatience du marché sur la vente des terminaux n’explique qu’en partie cette chute. Son action a aussi souffert d’un désamour boursier qui a touché tous les acteurs traditionnels du paiement.
«L’ensemble du secteur des services de paiements a pâti de craintes de pertes parts de marché au bénéfice de jeunes acteurs comme Adyen ou Stripe», explique David Vignon, analyste chez Bryan Garnier & Co. « Ces craintes ont été exagérées car Worldline n’a en réalité pas perdu de parts de marché dans ses principales régions, comme l’Allemagne », poursuit-il.
Pour regagner la confiance des investisseurs, Worldline doit à présent convaincre de son potentiel de croissance. La banque Citi souligne qu’au cours actuel, le marché intègre une progression organique moyenne du chiffre d’affaires de moins de 5% par an. Soit bien moins que la prévision du groupe, qui table sur une fourchette comprise entre 9% et 11% pour la période allant de 2022 à 2024. La publication de ses résultats annuels, ce mardi matin, constituera un premier obstacle à franchir. « Si Worldline déçoit sur sa croissance du second semestre, les investisseurs pourraient questionner les objectifs à moyen terme », prévient Morgan Stanley. L’ex-filiale d’Atos avait indiqué en octobre prévoir une hausse de son chiffre d’affaires d’au moins 6% en 2021.
La poursuite des acquisitions
Accélérer sera ensuite nécessaire. « Worldline n’a plus le choix: le groupe devra enregistrer une croissance d’au moins 10% cette année pour son activité de services aux commerçants, puis d’au moins 10% sur l’ensemble du groupe en 2023 et 2024 », souligne David Vignon de Bryan Garnier & Co. « Il leur faut tenir la trajectoire de croissance promise », abonde un autre intermédiaire financier.
Les analystes s’attendent également à ce que Worldline poursuive les acquisitions, l’autre grand levier d’amélioration de son potentiel boursier. La société doit continuer « la consolidation pour convaincre le marché, en trouvant les cibles adéquates, comme des actifs appartenant à des banques », explique David Vignon. « Cela pourra passer par la création de coentreprises », ajoute-t-il.
Worldline a encore un nombre important de défis à relever pour regagner son crédit boursier. Les analystes s’avèrent optimistes : la quasi-totalité d’entre eux recommandent d’acheter un titre délaissé, selon FactSet. Les investisseurs, eux, guetteront des signes tangibles d’une nouvelle dynamique avant de revenir sur la valeur.
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